Luigi Nono Ă©tudie le droit Ă lâUniversitĂ© de Padoue et la composition au Conservatoire Benedetto-Marcello de Venise, en auditeur libre, dans la classe de Gian Francesco Malipiero. En 1946, il rencontre Bruno Maderna. Commencent alors une longue amitiĂ© et dâintenses Ă©tudes, notamment Ă la Biblioteca Marciana (traitĂ©s du Moyen Ăge, canons Ă©nigmatiques franco-flamands, Hindemith, DallapiccolaâŠ). En 1948, avec Maderna, Nono participe Ă Venise aux cours de direction dâorchestre de Hermann Scherchen, quâil suit en tournĂ©e, approfondissant ainsi les Ćuvres de Schoenberg, Webern et BartĂłk.
Puis il se rend, dĂšs 1950, Ă Darmstadt, oĂč il suit lâenseignement de VarĂšse et se lie avec Karl Amadeus Hartmann â il y donnera, aprĂšs la crĂ©ation du Canto sospeso, des cours sur le dodĂ©caphonisme schoenbergien et deux confĂ©rences Ă©crites aux cĂŽtĂ©s de son Ă©lĂšve Helmut Lachenmann, « PrĂ©sence historique dans la musique dâaujourdâhui » (1959) et « Texte-Musique-Chant » (1960), qui marqueront la rupture avec Stockhausen. Nono entre au Parti communiste italien en 1952. Le 12 mars 1954, il assiste, Ă Hambourg, Ă la crĂ©ation de MoĂŻse et Aron. Ă cette occasion, il fait la connaissance de la fille dâArnold Schoenberg, Nuria, quâil Ă©pouse lâannĂ©e suivante. Ă Prague, oĂč il dĂ©couvre en 1958 la Laterna magika et les scĂ©nographies de Josef Svoboda, ses Ćuvres sont critiquĂ©es au nom du rĂ©alisme socialiste, ce qui ne contrarie que peu un nouveau voyage en Europe de lâEst, deux ans plus tard et, en 1963, un sĂ©jour Ă Moscou, au cours duquel il sâentretient avec Edison Denisov, Alfred Schnittke, quâil juge sĂ©vĂšrement, et avec la pianiste Marina Youdina, puis Ă Tallinn, oĂč il fait Ă©couter ses Ćuvres de mĂȘme que celles de Berio et de Donatoni Ă Arvo PĂ€rt â Nono se rendra aussi, rĂ©guliĂšrement, Ă Berlin-Est, Ă la rencontre de son ami Paul Dessau.
En 1961, quelques mois lui suffisent pour composer Intolleranza 1960, dont la crĂ©ation, Ă La Fenice, provoque un scandale retentissant. Sâil enseigne ponctuellement Ă la Dartington Summerschool of Music et Ă lâUniversitĂ© dâHelsinki, Nono organise surtout, avec le critique et musicologue Luigi Pestalozza, des concerts et des dĂ©bats dans les usines italiennes. En 1965, il se rend Ă Boston, pour la houleuse crĂ©ation amĂ©ricaine dâIntolleranza 1960, sous la direction de Maderna, et Ă Los Angeles, oĂč il visite la maison de Schoenberg. Il collabore, par lâintermĂ©diaire dâErwin Piscator qui lui transmet la culture des annĂ©es vingt et trente Ă Weimar, avec Peter Weiss sur LâInstruction, puis avec le Living Theater pour A floresta Ă© jovem e cheja de vida, dont la bande magnĂ©tique est rĂ©alisĂ©e au Studio de phonologie de la Rai Ă Milan, oĂč Nono travaille rĂ©guliĂšrement tout au long des annĂ©es soixante. Lors dâun voyage de trois mois en AmĂ©rique du Sud, en 1967, Nono donne des cours en Argentine et au PĂ©rou, dont il est expulsĂ© pour avoir pris la dĂ©fense de prisonniers politiques. Ă Cuba, il croise Fidel Castro et Ă©voque VarĂšse avec Alejo Carpentier â dâautres voyages en AmĂ©rique du Sud suivront, en 1968, en 1971, au Chili, oĂč Nono dialogue avec Luciano Cruz, membre du Mouvement de la gauche rĂ©volutionnaire, dont il apprendra la mort en septembre, et enfin en 1983, pour un congrĂšs des Artistas Trabajadores de la Cultura. En fĂ©vrier 1968, Ă Berlin-Ouest, Nono prend part, avec Rudi Dutschke, Ă la ConfĂ©rence internationale pour le Vietnam, et refuse, Ă lâautomne, de participer Ă la Biennale de Venise, par solidaritĂ© avec le mouvement Ă©tudiant. La rĂ©vĂ©lation du ThĂ©Ăątre de la Taganka, dirigĂ© par Youri Lioubimov, aboutit en 1975 Ă la crĂ©ation de la seconde action scĂ©nique Al gran sole carico dâamore.
Peu aprĂšs, Nono traverse une crise majeure, que lâinfluence dĂ©terminante de Massimo Cacciari contribue Ă rĂ©soudre. La lecture de lâĂ©dition gĂ©nĂ©tique de Hölderlin, lâexpĂ©rimentation des live electronics et lâĂ©tude des cultures juive et grecque mĂšnent au quatuor Ă cordes Fragmente-Stille, an Diotima, puis Ă Prometeo, avec le Studio expĂ©rimental de la Fondation Heinrich-Strobel, qui participe Ă la crĂ©ation de presque toutes les Ćuvres des annĂ©es quatre-vingt. InvitĂ© du DAAD Ă Berlin, oĂč il rĂ©side le plus souvent de 1986 Ă 1988, Nono donne, en juillet 1989, ses derniers cours dans le cadre du Centre Acanthes, Ă Villeneuve-lĂšs-Avignon. HospitalisĂ© Ă Paris, il meurt, des suites dâun cancer, le 8 mai 1990, Ă Venise.