NĂ© en 1904 de parents italiens Ă  Pisino, ville d’Istrie sous contrĂŽle de l’empire austro-hongrois Ă  cette Ă©poque (aujourd’hui Pazin en Croatie), Luigi Dallapiccola commence trĂšs jeune le piano dans sa ville natale, puis l’écriture dĂšs l’ñge de dix ans. Ce n’est pourtant qu’aprĂšs la guerre, Ă  Trieste, qu’il pourra poursuivre ses Ă©tudes de piano et d’harmonie avec Antonio Illersberg, qui lui transmet son enthousiasme pour la musique ancienne italienne, en particulier Monteverdi, dont Dallapiccola adaptera pour la  scĂšne moderne, en 1941-1942, l’opĂ©ra Il ritorno d’Ulisse in Patria. En effet, pendant la premiĂšre guerre, sa famille suspectĂ©e d’irrĂ©dentisme, sera comme de nombreuses autres dĂ©placĂ©e et cantonnĂ©e Ă  Graz durant deux annĂ©es. LĂ , l’audition des opĂ©ras de Mozart et de Wagner sera, selon le compositeur, et Ă  l’égal des Ɠuvres lyriques de Puccini sur lesquelles il Ă©crira plus tard plusieurs articles, dĂ©terminante dans son choix de devenir musicien. En 1921, il dĂ©couvre tour Ă  tour le TraitĂ© d’harmonie de Schoenberg et la musique de Debussy : deux Ă©vĂ©nements qui le dĂ©cident Ă  partir Ă  Florence poursuivre son apprentissage du piano et surtout de la composition avec Roberto Casiraghi puis Vito Frazzi. En 1924, il est trĂšs impressionnĂ© par sa premiĂšre audition du Pierrot lunaire dirigĂ© par Schoenberg lui-mĂȘme qu’il rencontre Ă  cette occasion. Il attendra 1949 pour adresser directement un hommage Ă  Schoenberg en lui dĂ©dicaçant ses Tre poemi, mais l’influence de la seconde École de Vienne marquera progressivement son travail de compositeur au cours des annĂ©es trente.

Durant ces annĂ©es, Dallapiccola poursuit une carriĂšre de pianiste et d’enseignant, parallĂšlement Ă  l’écriture de ses premiĂšres Ɠuvres. Il donne des rĂ©citals dans diffĂ©rentes villes d’Europe en compagnie du violoniste Sandro Materassi avec lequel il devient un fervent dĂ©fenseur de la musique nouvelle et pour qui il Ă©crira les Tartiniana (en 1951 et 1956). À partir de 1931, il enseigne le piano Ă  Florence oĂč il sera aussi, Ă  partir de 1940, professeur de composition. Il y formera de nombreux compositeurs parmi lesquels Luciano Berio. Il sera plus tard nommĂ© « Accademico Â» di Santa Cecilia Ă  Rome. Ses voyages, qu’il tente de poursuivre pendant les premiĂšres annĂ©es de la guerre, lui permettent de rencontrer Berg, Webern, Milhaud, Poulenc et au delĂ  des cercles musicaux, Antoine de Saint-ExupĂ©ry qui accepte l’utilisation de son roman Vol de nuit pour le livret de sa premiĂšre Ɠuvre scĂ©nique Volo di Notte, crĂ©Ă© en 1939 dans une atmosphĂšre de confusion gĂ©nĂ©rale.

MalgrĂ© ses contacts, la position singuliĂšre qu’occupe Dallapiccola dans le XXĂšme siĂšcle s’explique nĂ©anmoins par un relatif isolement sur le plan esthĂ©tique : ni la vie musicale italienne, dominĂ©e par le nĂ©oclassicisme, ni les circonstances politiques en Allemagne ne favorisent alors la diffusion et la connaissance thĂ©orique des Ɠuvres atonales. Aussi l’attrait qu’exerce sur lui le dodĂ©caphonisme, Ă  travers les Ɠuvres d’Alban Berg et surtout d’Anton Webern dont il entend le Konzert opus 24 en 1935 Ă  Prague, le conduit Ă  une exploration trĂšs personnelle des potentialitĂ©s de la technique des douze sons, sans que son style ne connaisse de rupture radicale. La frĂ©quentation de la littĂ©rature moderne (Proust, Joyce) nourrit Ă©galement, selon les dires du compositeur lui-mĂȘme, sa rĂ©flexion sur l’évolution de la musique. Les derniers des « nĂ©o-madrigaux » Cori di Michelangelo Buonarroti il giovane (1933-1936) et les Tre Laudi (1937) tĂ©moignent des premiers essais sĂ©riels. La pĂ©riode d’« imprĂ©gnation progressive » s’approfondit avec les Canti di prigionia (1938-1941) au sein desquels le vocabulaire nouveau s’intĂšgre Ă  un univers fortement diatonique, oĂč la suggestion tonale reste trĂšs prĂ©sente, quand, parallĂšlement, les principes de l’écriture polyphonique sĂ©rielle s’affinent – canons complexes, contrepoints stratifiĂ©s. Le lyrisme et le dramatisme de ces textes de condamnĂ©s donnent Ă  l’Ɠuvre une force immĂ©diate, une expressivitĂ© poignante ; ils tĂ©moignent d’un appel profondĂ©ment humaniste Ă  l’heure mĂȘme oĂč le gouvernement fasciste, pour lequel Dallapiccola marqua quelques sympathies Ă  ses dĂ©buts, engage irrĂ©mĂ©diablement l’Italie dans un processus de rapprochement avec l’Allemagne nazie. Les Liriche greche (1942-1945) seront la premiĂšre Ɠuvre entiĂšrement dodĂ©caphonique, alors que le ballet Marsia (1942-1943), composĂ© Ă  la mĂȘme pĂ©riode, relĂšve d’un pur style diatonique. NĂ© pendant la guerre, Il Prigioniero (1944-1948), opĂ©ra court qui renvoie Ă  Erwartung de Schoenberg, tĂ©moigne finalement de maniĂšre solenelle de la dĂ©tresse humaine face aux atrocitĂ©s de la guerre. Il est Ă©crit pour grand orchestre, chƓurs, orgue, cuivres et un carillon placĂ© en coulisse, et utilise de plus des haut-parleurs pour donner au son toute sa puissance.

AprĂšs la guerre, Dallapiccola cultivera un style plus dĂ©pouillĂ©, parfois austĂšre, souvent transparent, qui rompt avec le caractĂšre passionnĂ© et profondĂ©ment lyrique de ses Ɠuvres antĂ©rieures. A partir de Quaderno musicale di Annalibera jusqu’à Commiato (1972), sa derniĂšre Ɠuvre, ses piĂšces sont strictement sĂ©rielles, marquĂ©es par le style webernien autant que par les Ă©crits esthĂ©tiques de Ferruccio Busoni – dont Dallapiccola assure une nouvelle Ă©dition en 1954 – Ă  l’image des Cinque canti (1956) ou de son dernier grand opĂ©ra d’aprĂšs HomĂšre, Ulisse (1959-1968).

Il participe au pĂ©riodique Florentin Il mondo et s’engage pour la rĂ©habilitation des compositeurs italiens Ă  l’étranger, notamment Ă  travers leur rĂ©admission Ă  l’ISMC. Avec la reprise des Ă©changes artistiques internationaux, ses Ɠuvres commencent Ă  ĂȘtre jouĂ©es Ă  l’étranger. Mexico lui offre son premier concert monographique. En 1951, Koussevitzky invite le compositeur Ă  donner des cours Ă  Tanglewood, ce qui augure d’une reconnaissance amĂ©ricaine importante : Due liriche di Anacreonte, puis Il Prigioniero sont reprĂ©sentĂ©s Ă  New York ; Dallapiccola rencontre VarĂšse Ă  plusieurs reprises, enseigne la composition plusieurs semestres au Queens College de New-york Ă  partir de 1956. En 1953 sont crĂ©Ă©s les Goethe-Lieder et Dallapiccola est nommĂ© Ă  la Bayerische Akademie der Schönen KĂŒnste de Munich.

Le compositeur meurt Ă  Florence en 1975, aprĂšs avoir rassemblĂ© ses confĂ©rences et Ă©crits dans l’ouvrage Appunti, incontri, meditazioni.

© Ircam-Centre Pompidou, 2009

sources

  • John C. G. Waterhouse, Virgilio Bernardoni, « Luigi Dallapiccola » Grove Music Online, Oxford University Press 2007-2009.
  • Ă©ditions Suvini Zerboni.
  • Pierre Michel, Luigi Dallapiccola, Ă©dition Contrechamps, GenĂšve, 1996.


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