Alban Berg naĂźt au sein d’une famille viennoise aisĂ©e. Enfant, son inclinaison va davantage Ă  la littĂ©rature qu’à la musique ; c’est adolescent qu’il commence Ă  composer des Lieder en autodidacte (le genre lui restera toujours familier par la suite). Il devient l’élĂšve d’Arnold Schoenberg en octobre 1904. Il Ă©tudie avec lui le contrepoint et l’harmonie dans une perspective toujours historiciste. À 21 ans, il ne se consacre plus qu’à la musique et, un an plus tard, commence Ă  composer, cela directement dans l’esthĂ©tique rĂ©volutionnaire de Schoenberg : si les Sept Lieder de jeunesse gardent leurs fonctions tonales, la Sonate op. 1 les bousculent dĂ©jĂ  nettement. Si ses influences restent Wagner, Mahler, Strauss), cet audacieux opus 1 n’aurait pas Ă©tĂ© envisageable sans l’exemple plus proche et « opĂ©rant » de Schoenberg, le mentor et bientĂŽt l’ami.

Berg devient une figure ardente de la Vienne au crĂ©puscule, pour reprendre le titre du roman d’Arthur Schnitzler publiĂ© en 1908. Il frĂ©quente les compositeurs Alexander von Zemlinsky et Franz Schreker, le peintre Gustav Klimt, l’architecte Adolf Loos, le poĂšte Peter Altenberg. Il lit fidĂšlement les satires de Karl Kraus. Il rencontre HĂ©lĂšne Nahowski et, comme jadis Schumann confrontĂ© au pĂšre de Clara, a quelques difficultĂ©s Ă  l’épouser (en 1911). C’est l’incontournable Schoenberg qui dirige en 1913 l’orchestre des Cinq Lieder sur des textes de cartes postales de Peter Altenberg, lesquels dĂ©clenchent un terrible chahut dans la salle : Berg est officiellement devenu un « compositeur radical ». L’Ɠuvre choque moins encore par son langage que par la dĂ©mesure luxueuse de son orchestre, qui semble se gĂącher dans des mĂ©lodies trĂšs brĂšves.

Vient la guerre. D’abord patriote enthousiaste, Berg est vite déçu par sa vie de soldat (1915-1918). Cette expĂ©rience influencera, innervera le livret de l’opĂ©ra Wozzeck, d’aprĂšs la piĂšce Woyzeck (1837) de BĂŒchner, qui raconte les dĂ©boires d’un troufion psychologiquement instable. ÉbauchĂ© durant cette pĂ©riode traumatisante, l’opĂ©ra s’écrit lentement jusqu’en 1922. Le chef-d’Ɠuvre, qui bĂ©nĂ©ficie d’un nombre de rĂ©pĂ©titions exceptionnel, est crĂ©Ă© le 14 dĂ©cembre 1925 Ă  Berlin, sous la baguette assurĂ©e d’Erich Kleiber. Le succĂšs est rapide et bientĂŽt international. Berg semble avoir dĂ©passĂ© le maĂźtre Schoenberg, et d’un point de vue social, c’est alors un fait certain. Il aura Ă©tĂ© le seul des trois Viennois (c’est-Ă -dire Schoenberg et ses deux Ă©lĂšves cĂ©lĂšbres, Berg et Webern) Ă  provoquer un engouement un tant soit peu populaire.

La Suite lyrique, son second quatuor Ă  cordes, sera la premiĂšre Ɠuvre rĂ©ellement dodĂ©caphonique de bout en bout, aprĂšs les essais du Concerto de chambre. Berg, malgrĂ© le succĂšs, reste donc fidĂšle Ă  l’exemple de Schoenberg qui a Ă©bauchĂ© son cĂ©lĂšbre systĂšme (la mĂ©thode de composition avec douze sons n’ayant de relations que les uns par rapport aux autres) vers 1923. Surtout, l’Ɠuvre est inspirĂ©e d’une relation mystĂ©rieuse avec Hanna Fuchs, femme mariĂ©e comme lui, relation dont on ignore encore la rĂ©elle « consommation », probablement Ă©phĂ©mĂšre, insatisfaisante et de toute façon romantique.

AprĂšs le succĂšs de Wozzeck, le prochain grand projet, longuement mĂ»ri, sera alors le second opĂ©ra, qui deviendra Lulu, d’aprĂšs deux piĂšces du scandaleux dramaturge de Munich Frank Wedekind, « compactĂ©es » par Berg lui-mĂȘme (L’Esprit de la terre, 1895, et La BoĂźte de Pandore, 1902). Deux commandes s’immiscent dans la composition de ce second chef-d’Ɠuvre dramatique et engendrent Le Vin, d’aprĂšs des poĂšmes de Baudelaire, et le cĂ©lĂšbre Concerto pour violon dit « Ă  la mĂ©moire d’un ange » (en hommage Ă  Manon, fille d’Alma Mahler et de l’architecte Walter Gropius, morte Ă  18 ans de la poliomyĂ©lite). Le concerto doit son succĂšs, sans doute, Ă  son retour relatif Ă  un langage sinon tonal, du moins plus ancrĂ© dans le rĂ©pertoire connu du public, notamment par ses citations. Ce lĂ©ger retour imprĂšgne Ă©galement le langage de Lulu, qui contient aussi quelques Ă©lĂ©ments tonals. L’opĂ©ra retrace les splendeurs et misĂšres d’une courtisane amorale, rĂ©ponse fĂ©minine logique Ă  l’oppression masculine (telle qu’exposĂ©e par Karl Kraus dans une confĂ©rence en 1905, elle aussi titrĂ©e La BoĂźte de Pandore). L’opĂ©ra restera cependant inachevĂ©. Berg meurt le 24 dĂ©cembre 1935, tuĂ© par une simple piqĂ»re d’insecte qui engendre un abcĂšs au dos, bientĂŽt compliquĂ© en septicĂ©mie (les antibiotiques seront inventĂ©s quatre annĂ©es plus tard
). Il faudra attendre 1979 pour qu’on entende, Ă  l’OpĂ©ra de Paris, dirigĂ©e par Pierre Boulez, une version de Lulu complĂ©tĂ©e par Friedrich Cerha.

© Ircam-Centre Pompidou, 2015


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