Richard Strauss naĂ®t Ă  Munich le 11 juin 1864. PrĂ©cisons d’emblĂ©e qu’il est sans lien de parentĂ© avec les deux Johann Strauss (père et fils, compositeurs viennois). Son père est cor solo au Théâtre Royal de la ville bavaroise, conservateur farouche qui abhorre la musique de Wagner, mais ce dernier lui pardonnera toujours cette aversion, en raison de sa musicalitĂ© incomparable. Dans ce contexte, Richard apprend le piano dès l’âge de quatre ans, le violon Ă  six, la composition Ă  onze. Enfant prodige, il Ă©crit Ă  douze ans un Festmarsch pour grand orchestre. Tout en Ă©toffant un rĂ©pertoire de piano et de pièces symphoniques, il entre Ă  seize ans Ă  l’UniversitĂ© de Munich, y suit des cours de philosophie, d’histoire de l’art.

Hans von BĂĽlow, premier mari de Cosima Wagner (fille de Liszt), dirige en 1884 la SĂ©rĂ©nade pour instruments Ă  vent d’un jeune compositeur qu’il appelle avec tendresse « Richard II ». L’annĂ©e suivante, il invite ce dernier Ă  ĂŞtre son assistant de direction Ă  Meinigen. Strauss s’y lie Ă  Alexandre Ritter, le violon solo, familier des cercles lisztiens. Ritter l’initie Ă  l’univers théâtral, Ă  « l’œuvre d’art total » de Wagner, dont son père, jusqu’alors, l’avait tenu Ă©loignĂ©. Il quitte Meiningen avec von BĂĽlow. Le 1er novembre 1885, il est nommĂ© directeur de la musique Ă  la cour bavaroise. Il quitte ce poste l’annĂ©e suivante, voyage en Italie, est troisième chef Ă  l’OpĂ©ra de Munich, repart en Italie en 1887. NaĂ®t un poème symphonique, Aus Italien, premier d’une longue lignĂ©e occupant principalement les annĂ©es 1890 : Don JuanMacbeth, Mort et transfiguration, Till l’espiègle, Ainsi parlait ZarathoustraDon Quichotte, Une vie de hĂ©ros, puis la Sinfonia Domestica et Une symphonie alpestre. Il se lie avec Pauline de Ahna, soprano qu’il Ă©pousera le 10 septembre 1894. Durant un demi-siècle, celle-ci sera une source d’inspiration continuelle, pour l’écriture de plus de deux cents lieder, mais aussi pour les rĂ´les fĂ©minins, rĂ´les clĂ©s des nombreux opĂ©ras.

Assistant Ă  l’OpĂ©ra de Bayreuth, puis second chef au théâtre de la cour Ă  l’automne 1889, il repart Ă  Bayreuth comme chef de chant. Guntram, son premier opĂ©ra, est crĂ©Ă© Ă  Weimar en 1894, sans succès (Feuersnot, le second opĂ©ra, n’en obtiendra guère davantage en 1901). Il est nommĂ© second, puis en 1896, premier chef Ă  l’OpĂ©ra de Munich, mais aussi du Philharmonique de Berlin (Ă  la suite de von BĂĽlow). C’est Ă  la tĂŞte du grand orchestre berlinois qu’il dirigera notamment ses propres poèmes symphoniques, lors de tournĂ©es europĂ©ennes, puis amĂ©ricaines (en 1904).

En 1900, il rencontre Hugo von Hofmannsthal Ă  Paris. Le poète deviendra l’ami fidèle (une correspondance nombreuse en atteste), puis, quelques annĂ©es plus tard, le librettiste des opĂ©ras Elektra, Le Chevalier Ă  la roseAriane Ă  Naxos, La Femme sans ombre et Arabella.

En 1905, le troisième opĂ©ra, SalomĂ©, d’après Oscar Wilde, est crĂ©Ă© Ă  Dresde. Le succès est considĂ©rable, corrĂ©lĂ© au scandale du livret Ă©rotique et violent. NaĂ®t ainsi ce second Strauss, cĂ©lèbre musicien de théâtre, qui composera finalement seize grandes Ĺ“uvres lyriques, dont un nombre consĂ©quent entreront au grand rĂ©pertoire. Le chevalier Ă  la rose connaĂ®tra le plus grand succès, mondial, en 1910. Son argument lĂ©ger « d’opĂ©rette gĂ©ante » (selon l’expression de Vuillermoz) engendrera une longue lignĂ©e de drama giocoso au parfum nĂ©o-mozartien, qui culmineront dans Arabella (1932-1933) et Capriccio (1941-1942).

Après avoir cumulé les directions d’orchestre à Munich, Berlin, Vienne, donc les plus hauts lieux de la musique germanique, Strauss abandonne ces activités en 1924. Il se consacre à la composition. Mais Hofmannsthal, complice irremplaçable du Le chevalier à la rose, des succès lyriques, meurt en 1929, il n’assistera pas à la première d’Arabella. Strauss est anéanti. Une crise de l’inspiration s’ensuit.

Cette crise est aggravée par la montée du nazisme. Strauss ne se retire cependant pas, durant les années 1930, de la vie musicale. Ses opéras continuent d’être créés jusqu’en 1942. Il dirige la Reichmusikkammer (Chambre de musique du Reich) de 1933 à 1935. Il remplace Toscanini à Bayreuth en 1933. L’Italien se refuse à diriger sous le régime nazi. Strauss, lui, compose un hymne pour les Jeux olympiques de 1936. En 1940, il sera au Japon, pour fêter les vingt-six siècles de l’empire nippon. Une photo fameuse montre une poignée de main avec Joseph Goebbels.

Pour autant, Strauss travaille aussi avec Stefan Zweig au livret de La femme silencieuse. L’opéra est créé en 1935. Le nom du librettiste, juif, disparaît de l’affiche trois jours avant la création, mais le compositeur réussit à l’y faire réapparaître, contre l’avis de Zweig lui-même. Strauss doit abandonner, peu après, la présidence de la Reichsmusikkammer. Une lettre adressée à Zweig a été saisie par la Censure et remise à la Gestapo. Dans ce courrier, le musicien montrait clairement qu’il ne croît pas à l’aryanisation de l’art. Les Nazis, dès lors, le tiendront relativement à l’écart, d’autant plus que sa bru, Alice, est juive : ses petits enfants sont juifs.

Durant les dernières annĂ©es de guerre, après la crĂ©ation de Capriccio (1942), Strauss tente de revenir, comme durant son adolescence, Ă  une musique « pure ». Des Ĺ“uvres concertantes naissent, lesquelles font culminer la tendance Ă  l’allègement nĂ©o-mozartien (amorcĂ©e depuis trente ans dans Le chevalier Ă  la rose. Le Concerto pour hautbois et orchestre rĂ©sulte en 1945 d’une amitiĂ© avec le hautboĂŻste John de Lancie, alors officier amĂ©ricain de la CIA. En janvier de l’annĂ©e suivante est crĂ©Ă©e Ă  Zurich une commande de Paul Sacher pour son orchestre Ă  cordes, les MĂ©tamorphoses. La partition est un adieu dĂ©sespĂ©rĂ© au vieux monde dĂ©truit par le conflit mondial, destruction symbolisĂ©e par celles de la maison natale et de l’opĂ©ra de Munich (la glorieuse demeure du père, cor solo). Strauss est jugĂ© coupable, lors des procès de dĂ©nazification, de ne pas avoir quittĂ© la vie culturelle de son pays durant les annĂ©es de guerre. Lui qui Ă©tait assignĂ© Ă  demeure par les Nazis, l’est dĂ©sormais par l’occupant amĂ©ricain, mais pour une courte durĂ©e. En 1947, sur l’invitation de Sir Thomas Beecham, il se rend Ă  Londres pour y assister Ă  de glorieuses rĂ©trospectives de ses Ĺ“uvres.

Les Quatre Derniers Lieder (1948), sur des poèmes de Hesse et Eichendorff, seront crĂ©Ă©s au Royal Albert Hall, sous la direction de Furtwängler, le 22 mai 1950. Mais le compositeur s’est Ă©teint, auparavant, le 8 septembre 1949. Enfant prodige, puis musicien d’une rare longĂ©vitĂ© crĂ©atrice, il aura composĂ© durant plus de soixante-dix annĂ©es.

© Ircam-Centre Pompidou, 2016


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