Paul Méfano est né à Bassorah (Irak), le 6 mars 1937. « Mon enfance s’est passée dans le berceau de la Bible, en Mésopotamie, puis en Syrie. Mes parents n’avaient aucune croyance religieuse, ils ne m’avaient pas fait baptiser ; j’ai été baptisé en cachette par notre femme de ménage, qui descendait de la montagne. […] J’avais environ 6 ans, j’étais moi-même profondément mystique et visionnaire, je délirais souvent. Pour moi, cette femme très mystérieuse, très basanée, qui vivait entourée de voiles, sortait directement de la Bible, et je la croyais désignée pour me connaître et me reconnaître. […] Depuis que je me suis éloigné de tout cela, j’ai vécu dans cette sorte d’égoïsme qu’on enseigne aux êtres humains, mais je ne l’accepte pas et j’espère un jour pouvoir le faire tomber de moi1. » Méfano vit en Syrie, où son père échappe de peu à un assassinat, puis à Beyrouth, ville alors profondément francophone, et en Israël, qui porte encore le nom de Palestine. Musicien juif, jeune, il passe quelques mois dans un kibboutz de pionniers et milite plus tard dans le mouvement sioniste de gauche Borohov-Dror. Par la suite, comme chef d’orchestre, il jouera souvent des œuvres de compositeurs juifs (Alkan, Gideon Klein, Darius Milhaud, Viktor Ullmann, Emile Waldteufel). Méfano a dans sa jeunesse un goût prononcé pour les mathématiques et la peinture qu’il abandonne à l’âge de 18 ans, pour « une voie beaucoup plus abstraite à partir de la musique2 ».
Arrivé à Paris en 1945, il rencontre Alfred Cortot à l’École normale de musique. Celui-ci l’aide et l’incite à commencer l’étude du solfège et du piano, en jouant sa propre musique. Après quelques mois de solfège, Méfano entre au Conservatoire en 1958, dans la classe d’Andrée Honegger-Vaurabourg (« Elle me considérait comme un élève extrêmement obscur et inutile… je ne connaissais rien à l’époque ») et dans celle de Darius Milhaud, dont il a toujours loué l’ouverture d’esprit et la générosité. Mais le Conservatoire de cette époque comporte beaucoup d’obstacles. Pendant ces années de formation, Florent Schmitt, dont il avait admiré Salomé, l’accompagne souvent au concert et lui recommande certaines œuvres ; parallèlement, il s’intéresse de plus en plus, de 1958 à 1960, à la musique sérielle qu’il ne connaissait pas encore.
Après avoir étudié les écrits de Pierre Boulez et assisté aux concerts du Domaine musical, Méfano suit ses cours de composition et d’analyse à la Musik-Akademie de Bâle (d’octobre 1961 à l’été 1962, d’après les notes qu’il prend lors de ces cours), puis ceux de Karlheinz Stockhausen (de février à mai 1963) et d’Henri Pousseur (d’octobre 1963 à février 1964), parallèlement à l’enseignement de Darius Milhaud. Il se rend aussi aux Cours d’été de Darmstadt en juillet 1963, où il assiste aux conférences ou tables rondes de Luciano Berio, Pierre Boulez et Henri Pousseur. Au Conservatoire de Paris, il est élève d’Olivier Messiaen pendant un an, en 1964, ainsi que de la classe d’analyse de Jean-Pierre Guézec. Cette période correspond à son premier concert en France : Pierre Boulez programme Paraboles le 20 janvier 1965, au Domaine musical, sous la direction de Bruno Maderna, une œuvre qui avait déclenché un scandale lors du Prix de composition au Conservatoire, avec l’Orchestre Radio-lyrique, auquel le compositeur avait présenté une « couronne funéraire » en signe de mécontentement.
En 1960, il épouse la pianiste Jacqueline Migault. Ils auront une fille Nathalie (1960-1989), dont certains tableaux ont d’étroites relations avec son œuvre, dont un poème inspire Douce saveur… en 1983 et dont la présence est à l’arrière-plan d’Ensevelie en 1986. Méfano séjourne aux États-Unis de 1966 à 1968, en visite les déserts, fait un bref séjour à Princeton et passe quelques mois à New York, avant de s’inscrire à l’Université de Californie, à Los Angeles, où il séjourne pendant un an, étudiant l’ethnologie appliquée avec un jeune Javanais. Lors de ce séjour, il découvre à la fois d’autres conceptions de la musique, avec Leonard Stein (assistant de Schoenberg) et Lawrence Morton (admirateur et spécialiste de Stravinsky), mais aussi des musiques de jazz comme celle du trompettiste Don Ellis, qui l’impressionne. En 1968-1969, il est à Berlin où il retrouve Bruno Maderna, avec lequel il a noué de forts liens d’amitié.
À son retour en France, il exerce différents métiers (copiste, correcteur), est nommé conseiller culturel à Champigny-sur-Marne en 1970 et crée en 1972 l’ensemble 2e2m, qu’il dirige en concert en France et à l’étranger, participant activement à la vie musicale, à la découverte et au soutien de nombreux compositeurs. Méfano a enregistré une quarantaine de disques avec l’ensemble 2e2m et a créé une ouverture vers la Chine, la Corée, l’Arménie, Israël, le Japon et le monde arabe, redécouvrant par ailleurs des personnalités comme Alkan et les compositeurs tchèques déportés à Theresienstadt en 1940. De 1972 à 1988, il est directeur du Conservatoire de Champigny-sur-Marne, puis professeur, successivement de composition et d’orchestration, au Conservatoire de Paris (1989-2002), où il enseigne à Thierry Blondeau et Bruno Mantovani, parmi bien d’autres. De 1996 à 2005, il dirige également le Conservatoire de Versailles. En 2008, Méfano est membre fondateur du « Cercle pour la libération du son et de l’image » (CLSI), œuvrant à l’échange d’influences entre compositeurs et artistes visuels. En 2013, il est invité en résidence par le Labex GREAM et la Haute École des arts du Rhin de Strasbourg.
Nommé chevalier de l’Ordre du mérite en 1980 et commandeur de l’Ordre des arts et des lettres en 1985, il reçoit le Prix Koussevitzky en 1967, le Prix Florence Gould en 1971, le Prix Arthur Honegger en 1976, le Grand Prix national de la musique en 1982 et le Prix Sacem de la musique symphonique en 1989. Paul Méfano meurt le 15 septembre 2020, à Chilly-Mazarin.
Le Fonds Paul Méfano est conservé à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg.
- Paul Méfano, extrait de « Cinq chats et un oiseau caché – Un compositeur se mesure à un autre compositeur », texte inédit écrit à l’occasion d’une exécution du motet à six voix Placebo dominium in regionem vivorum (1976), p. 3.↩
- Paul Méfano, extrait d’une émission d’Antoine Goléa sur France Culture le 10 octobre 1966.↩