Stravinsky grandit à Saint-Pétersbourg dans un univers familial sévère. Il étudie le piano sans grand succès, aimant surtout improviser. Son père, chanteur de renom, ne lui transmet pas son art, ne croit pas aux premières tentatives de composition de son fils et l’inscrit d’autorité à la faculté de droit en 1901. L’année suivante, la mort de ce père décourageant puis la rencontre avec Rimski-Korsakov sont décisives. Ce dernier lui enseigne la composition jusqu’à sa mort en 1908, et notamment son art de l’orchestration rigoureuse autant qu’inventive. En 1909, Stravinksy crée les Feux d’artifice (orchestralement brillants, audacieux) devant l’impresario Diaghilev. C’est lui, ce dandy visionnaire, organisateur de concerts de musique russe à Paris, bientôt créateur des célèbres « Ballets russes » (aussitôt très à la mode et qui décideront de bien des tendances des avant-gardes internationales durant ces années cruciales de l’histoire de la musique) qui conduira le jeune compositeur vers son destin. Il commande le ballet L’Oiseau de Feu à Stravinsky et le crée à Paris en 1910, rendant ainsi le compositeur célèbre. Suivent Petrouchka et surtout Le Sacre du Printemps qui, après une création scandaleusement agitée, sur une chorégraphie révolutionnaire de Nijinski, convainc vite Paris (et Debussy le premier qui crie au génie) du talent de Stravinsky. Le « primitivisme » musical, la parfaite réponse aux Demoiselles d’Avignon de Picasso (1907), est inventé (s’ensuivra d’ailleurs une longue amitié avec Picasso lui-même). Néanmoins, le scandale de la première conduit Stravinsky à garder le lit durant six semaines, choqué, terrassé par une fièvre typhoïde.

À la déclaration de la guerre en 1914, les frontières se ferment. Stravinsky, qui pensait rentrer en Russie, est contraint à résider en Suisse où il rencontre Ramuz sur les textes duquel naîtront Renard ou Histoire du soldat. Les moyens de production, réduits en ces temps de guerre, favorisent l’édification de cette nouvelle modernité pour petits effectifs, celle des Noces.

En 1920, Stravinsky s’installe à Paris. La révolution russe l’a privé de sa fortune (il ne reverra brièvement sa terre natale qu’en 1962) et il doit se produire comme pianiste et chef d’orchestre pour la reconstituer. Le Concerto pour piano et orchestre d’harmonie répond notamment à ces nouveaux paramètres prosaïques. Par ailleurs, la fréquentation de Cocteau et la valorisation des idées « légères à la française » encouragent la fixation d’un nouveau style néoclassique, amorcé avec le ballet Pulcinella. Bientôt, une prise de conscience spirituelle conduit Stravinsky à rejoindre l’Église orthodoxe en 1926. S’en suivent des œuvres religieuses chorales, dont les inspirations graves sont curieusement concomitantes avec la légèreté de la période française.

En 1939, Stravinsky gagne les Etats-Unis. Son néoclassicisme continue à s’y épanouir jusqu’à l’écriture de son unique opéra, The Rake’s Progress. Mais la rencontre avec le chef d’orchestre Robert Craft en 1948 prépare de nouvelles orientations. Celui-ci le convainc qu’il n’est plus possible au compositeur du Sacre, au milieu du siècle moderne, de s’acharner dans son néoclassicisme et surtout d’ignorer le sérialisme. Stravinsky imagine alors écrire des séries mais à sa propre manière, vive, espiègle, où parfois le style s’amincit, radicalise le principe d’économie des moyens chers au compositeur, mais aussi reconduit l’ascétisme de Webern en même temps qu’il cherche un dépouillement mystique. Les œuvres ultimes, hantées par la mort, tendent vers l’inspiration religieuse funèbre, telles le Requiem Canticles, ou rendent hommage à de chers disparus, « in memoriam » T.S. Eliot ou Aldous Huxley. Compositeur caméléon, mais restant étonnamment lui-même sous toutes ses couleurs, Stravinsky parviendra aussi à s’adapter à « l’industrie culturelle » et jusqu’à sa mort, dirigera l’enregistrement sur disques de presque toutes ses œuvres, garantissant ainsi lui-même la pérennité de son testament musical. Après son décès en avril 1971, il sera enterré à Venise, à côté de celui qui décida de son destin : le dandy Diaghilev.

© Ircam-Centre Pompidou, 2015


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