Composée en 1923-24, puis révisée en 1950, cette œuvre en trois mouvements a été créée par le compositeur lui-même au piano à l'Opéra de Paris le 22 Mai 1924. Tant par la date de sa composition que par la nature de certains de ses éléments stylistiques, elle appartient à ce que l'on a souvent appelé la période néoclassique de Stravinsky. Le « retour à Bach », dont cette œuvre est loin de constituer l'unique exemple dans l'ensemble de la production du compositeur, se décèle tout autant dans l'écriture rythmique souvent très classique que dans le langage franchement tonal de certaines cellules thématiques et dans le mode de traitement affecté aux rapports entre l'instrument soliste et l'orchestre – à l'opposé de celui que l'on peut trouver dans les concertos de la période romantique. Mais par-delà ces références à une période lointaine, on retrouve à chaque instant dans cette partition tout ce qui fait la spécificité du style compositionnel de Stravinsky (y compris, dans le finale, l'insertion d'un ragtime).
L'un des intérêts principaux de cette œuvre réside bien évidemment dans les recherches de timbres et de sonorités qui résultent de l'alliage du piano concertant et d'un groupe d'instruments à vent où prédominent les cuivres (12 cuivres contre 10 bois seulement), auxquels viennent s'ajouter des timbales et des contrebasses. La formule, assez nouvelle pour l'époque, sera reprise par la suite, notamment deux ans plus tard par Janácek dans son Capriccio pour piano main gauche et instruments à vent.
Du point de vue formel, ce Concerto de Stravinsky suit une découpe en trois mouvements en référence au modèle classique. Précédé d'une introduction lente, le 1er mouvement utilise la forme sonate à deux thèmes avec exposition, développement et réexposition, avant qu'une cadence de l'instrument soliste ne ramène en conclusion le largo initial. Le 2e mouvement comporte une première partie d'exposition, suivie d'une section centrale où sont inclus dans la partie de piano des éléments de cadences instrumentales, puis d'un retour à l'exposition initiale qui sert de conclusion. Le dernier mouvement est d'une construction à peine plus complexe, les différents éléments thématiques (fugato, marche, ragtime, etc.) faisant l'objet, après leur présentation initiale, d'un travail de développement assez fourni et conduisant à un passage plus lent en forme de marche qui précède immédiatement le stringendo terminal où prédomine à l'orchestre le rythme en contretemps caractéristique du ragtime.