Thomas Adès naît à Londres, le 1er mars 1971, dans une famille où les arts occupent une place prépondérante : sa mère, Dawn Adès, est notamment connue pour ses travaux sur le surréalisme, le mouvement Dada et l’art d’Amérique latine ; son père, Timothy Adès, a traduit de la littérature francophone, allemande et hispanophone. Cette ascendance explique en partie son goût pour la culture française et certaines sources d’inspiration (par exemple la conquête de l’Amérique du Sud par les Espagnols dans America – A Prophecy et le film de Luis Buñuel L’Ange exterminateur pour son troisième opéra).

Adès étudie le piano avec Paul Berkowitz à la Guildhall School of Music de Londres. En 1989, il remporte le Deuxième Prix du BBC Young Musician of the Year. Il se détourne alors d’une carrière de concertiste, abhorrant les programmes sans originalité qu’on ne manquerait pas de lui imposer. Adolescent, il s’était déjà essayé à la composition dans la classe d’Erika Fox, à la Guildhall School Junior. Il persévère dans cette voie auprès de Robert Saxton, toujours à la Guildhall School, puis d’Alexander Goehr au King’s College de Cambridge. Mais il se forme surtout de façon empirique en lisant et en écoutant des partitions ; il tient par ailleurs la partie de timbales dans l’orchestre universitaire. Lorsqu’il obtient son diplôme en 1992, il est déjà l’auteur des Five Eliot Landscapes, de la Chamber Symphony, de Darknesse Visible et de Still Sorrowing. Il donne son premier récital de piano à Londres, le 11 janvier 1993, et crée Still Sorrowing à cette occasion. L’événement attire l’attention du monde musical.

Entre 1993 et 1995, Adès est compositeur associé au Hallé Orchestra. Pendant cette période, il compose son premier opéra, Powder Her Face, dont la création (le 1er juillet 1995) secoue l’establishment : dans une scène devenue célèbre, le personnage principal (une Duchesse obsédée par la fellation) assouvit ses fantasmes sur un serveur d’hôtel. Mais le parfum de scandale ne suffit pas à expliquer le succès de l’opéra qui, sans sa virtuosité sonore et son efficacité dramatique, n’aurait pas fait l’objet de productions si nombreuses depuis lors. La notoriété d’Adès s’accroît encore avec Asyla (1997), œuvre symphonique qui affirme l’ambition d’un format plus ample (elle dure une vingtaine de minutes) et que récompense un Grawemeyer Award.

Adès poursuit sur cette lancée, s’illustrant dans tous les genres à l’exception de la musique avec électronique (il reproche à la technologie de devenir vite obsolète). Parmi ses œuvres, couronnées de nombreux prix, on retiendra en particulier America – A Prophecy (1999), pour mezzo-soprano, chœur et orchestre, le Piano Quintet (2000), Polaris (2010), « voyage pour orchestre », Totentanz (2013), scène lyrique pour mezzo-soprano, baryton et orchestre, et deux opéras : The Tempest (2004), d’après Shakespeare, et The Exterminating Angel, adaptation du film de Buñuel (2016). Par ailleurs, Adès se confronte à l’image avec In Seven Days (2008) en collaboration avec le vidéaste Tal Rosner, et la bande-son de Colette (film de Wash Westmoreland, 2018).

En 1999, il est nommé directeur artistique du Festival d’Aldeburgh, fonction qu’il occupe jusqu’en 2008. Cette même année, il signe un contrat d’exclusivité avec EMI, qui avait déjà publié plusieurs volumes de sa musique. Il fait partie des rares compositeurs de notre temps dont les œuvres sont systématiquement enregistrées quelques années après leur création, ses opéras bénéficiant de surcroît d’une sortie en DVD. En sus de ses propres partitions, il grave également un programme de miniatures pianistiques (Castiglioni, Grieg, Stantchinsky, Kurtág, Janáček, Busoni, Stravinsky, Nancarrow) et le Journal d’un disparu de Janáček avec Ian Bostridge. Il continue de se produire régulièrement comme pianiste, en solo ou en musique de chambre. Parmi ses partenaires privilégiés, on compte le violoniste Anthony Marwood, le violoncelliste Steven Isserlis et le ténor Ian Bostridge. Il est en outre devenu chef d’orchestre, en autodidacte, d’abord pour diriger sa propre musique, avant d’élargir le champ, notamment à Berlioz, Sibelius, Stravinsky (l’auteur du Rake’s Progress plus que celui du Sacre du printemps) et Tippett. À ces compositeurs admirés, il faut ajouter Couperin, le dernier Liszt, Janáček, Berg (en particulier pour Lulu) ou encore Kurtág.

À ses débuts, Adès fut souvent désigné comme le successeur de Britten. Il n’a cessé, depuis, de brouiller les pistes, à l’image de son portrait peint par Phil Hale en 2002, désormais exposé la National Portrait Gallery de Londres : le compositeur se tient dans la position tortueuse d’un dandy désabusé. Si la facture du tableau évoque une photographie, la représentation prend toutefois ses distances avec la réalité, comme si Adès était devenu un objet dissimulant la nature de sa substance.

© Ircam-Centre Pompidou, 2020

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