Compositrice franco-américaine née à Paris le 5 août 1926, Betsy Jolas baigne, jusqu’à l’été 1940, dans le milieu artiste parisien de la revue transition (1927-1938), fondée par ses parents.
De 1940 à 1946, la famille vit à New York. Betsy Jolas obtient son Bachelor of Arts au Bennington College, après avoir participé, comme choriste et accompagnatrice, aux Dessof Choirs, dirigés par Paul Boepple, également directeur de l’école Dalcroze dont elle est élève. Révélateur des polyphonistes du Moyen Âge et de la Renaissance, Boepple l’initie au contrepoint et à l’harmonie. Elle travaille l’orgue avec Carl Weinrich et le piano avec Hélène Schnabel.
De retour à Paris elle suit, à l’École normale, la classe d’Arthur Honegger, puis, sur l’avis d’André Marchal, entre au Conservatoire, où elle obtient un Deuxième Prix de fugue (1953), dans la classe de Simone Plé-Caussade. Lauréate au concours de direction d’orchestre de Besançon (1953), elle poursuit en 1954 sa formation en analyse, auprès d’Olivier Messiaen (Première Mention, 1954), et en composition, chez Darius Milhaud (Deuxième Accessit, 1955).
De 1955 à 1970, chargée de programmation à la radio, elle reçoit, soutenue par Henri Dutilleux, de nombreuses commandes (cantates radiophoniques, pièces orchestrales). Entre 1971 et 1974, elle assiste Olivier Messiaen au Conservatoire, avant de lui succéder en qualité de professeur d’analyse (1975), puis de composition (1978-1992). Dès la fin des années 1970, elle enseigne aussi aux États-Unis : Yale, Berkeley, Harvard, Mills College (Chaire Darius-Milhaud).
Alors que Monteverdi, connu dès avant la guerre, puis Debussy, révélé par le disque à New York, guident sa vocation, Betsy Jolas, fascinée par le premier Webern, demeure néanmoins à distance de l’école de Vienne, ne cherche pas la rupture alors revendiquée avec le romantisme et se montre attentive aux compositeurs d’Outre-Atlantique. Des rencontres décisives, de durables amitiés se créent avec Iannis Xenakis, Gilbert Amy, Jean-Claude Éloy, André Boucourechliev, puis, dans les années 1970, avec Earle Brown, Elliott Carter, George Crumb, Morton Feldman, John Cage… En contact fréquent avec Pierre Boulez, qui programme aux concerts du Domaine musical Quatuor II (1966), elle est aussi en lien régulier avec Luciano Berio et Karlheinz Stockhausen.
Jouée dans divers festivals (Royan, Avignon, Paris, Strasbourg), elle reçoit d’importantes commandes, aussi bien de l’État français, dont Schliemann (1982-1993), avec le concours de l’Opéra de Lyon, que d’institutions étrangères : Tales of a Summer Sea (Festival de Tanglewood, 1977), A Little Summer Suite (Orchestre philharmonique de Berlin, 2015).
Sensibilisée dès son enfance à la réciprocité des arts et au dialogue Europe/Amérique, elle interroge doublement la musique à travers l’ambiguïté de la vocalité et du dire poétique, et l’identification de l’instrument à une voix parlante, sinon à un personnage. Aussi les titres de ses partitions inversent-ils genres et formations : D’un opéra de voyage (1967), pour vingt-deux instruments, ou Sonate à 12 (1970), pour douze voix solistes sans texte. De là l’attention de Betsy Jolas aux poètes, écrivains et hommes de théâtre, parmi lesquels Pierre Reverdy, André du Bouchet, Jacques Dupin, Bernard Sobel ou Bruno Bayen, ainsi qu’aux artistes (Sam Szafran, Diego Giacometti, Jean-Paul Riopelle, Joan Mitchell). L’œuvre abondante de Betsy Jolas, parce qu’elle recherche l’imprévisible fluidité d’un « bâti sans coutures », souscrit à des formations diversifiées qui évoquent dans leur désignation aussi bien des genres et des formes répertoriés (opéra, motet, concerto, sonate…), qu’imprécises (figures, tranche, états, épisode…).
Sa carrière jalonnée par divers prix s’orne de nombreuses distinctions : Prix de la Fondation Copley de Chicago (1954), Prix de l’ORTF (1961), Prix de l’American Academy of Arts (1973), Fondation Koussevitzky et Grand Prix national de la musique (1974), Grand Prix de la ville de Paris (1981), Grand Prix de la Sacem (1982), Prix international Maurice-Ravel et « Personnalité de l’année » pour la France (1992), Prix Sacem de la meilleure création de l’année (1994), Prix René-Dumesnil (2003), Prix du Président de la République (2012). Betsy Jolas est par ailleurs professeur honoraire au Conservatoire de Paris, membre de l’Académie américaine des Arts et Lettres (1983) et de l’Académie américaine des Arts et Sciences (1995), Commandeur des Arts et Lettres (1985), Officier de l’Ordre national du mérite (2001) et de la Légion d’honneur (2011).