Parcours de l'œuvre de Pascale Criton

par Robert Hasegawa

Introduction : « la variabilité acoustique du son »

Visionnaire, novatrice et unique, la compositrice française Pascale Criton s’est forgé une voie musicale singulière qui rassemble les courants novateurs de la musique spectrale, de la microtonalité, de l’acoustique musicale et de la philosophie. Ses débuts en composition sont marqués par des études et des rencontres, à partir de 1974, avec le compositeur Jean-Étienne Marie (qui l’introduira au piano en seizièmes de ton de Julian Carrillo), ainsi qu’avec le compositeur russe et théoricien de la microtonalité Ivan Wyschnegradsky (1976) et le pionnier de la musique spectral, Gérard Grisey (1976). L’approche large et interdisciplinaire de Criton a également été façonnée par son engagement dans le domaine de l’acoustique (Émile Leipp et le Laboratoire d’Acoustique Musicale) et la philosophie, marqué par une série de conversations conséquentes avec Gilles Deleuze à partir de 1974. Comme l’écrit la compositrice : « Nous revenions fréquemment sur ces foyers d’intérêt ayant trait au continuum et au chromatisme dans leurs rapports à l’expression et aux formes… Je faisais part à Deleuze de l’approche du continuum sonore d’Ivan Wyschnegradsky… qui l’intéressait particulièrement sous l’angle “d’une pluralité de continuums” se ralliant sur un seul plan. Je lui communiquais aussi les travaux de Gérard Grisey et lui exposais les tenants du mouvement spectral » (Criton 2005, 61). Deleuze restera un point de repère essentiel pour Criton : « Plusieurs de ses concepts me sont devenus précieux, tels que les multiplicités, les devenirs et en particulier son concept de jeu différentiel » (Criton & Kanach 2019, 23).

L’œuvre compositionelle de Criton reflète son approche singulière de l’exploration des phénomènes acoustiques et de leurs effets psychoacoustiques. Des sonorités microtonales très fines, souvent obtenues par un réaccordage drastique des instruments acoustiques, rendent audible une variété d’états sonores complexes, à l’intersection de la hauteur et du timbre, incluant les effets de battements, interférences, combinaisons de fréquences, flux spectraux, formants, résonances, effets de fusion et fission d’agrégats complexes et clusters associés à l’acoustique des salles. Comme l'écrit la compositrice,

Depuis le début des années 1980, j’ai été principalement intéressée par la variabilité du son et les microvariations dynamiques propres aux processus acoustiques. J’utilise souvent la scordatura pour modifier l’accord d’instruments acoustiques tels que le piano, le violon, le violoncelle ou la guitare afin de les accorder de manière régulière, irrégulière, ou variable. Je suis surtout intéressée par les effets micrologiques qui remettent en question la perception et la fonction du cerveau. Ceci concerne tout ce qui a trait à la perception des signes et du signal : les événements sonores, tout comme la lumière et des couleurs, sont en quelque sorte l’expression d’un devenir qui émerge par le truchement de différences à la fois ténues, intensives et temporelles. Ces différences peuvent prendre place dans un champ continu de fréquences moléculaires, ou encore dans des dimensions connectées de manière hétérogène, comme c’est le cas lorsque je les développe au moyen d’outils numériques ou dans des contextes architecturaux. Parmi ces divers milieux, je reste sensible aux possibilités de variation qu’offrent ces outils, qu’il s’agisse de logiciels, de systèmes microintervalliques ou de synthèse, ou encore de techniques de jeu étendues — tous permettent d’accéder à la variabilité acoustique du son (Criton 2017, 67).

Quarts de ton, huitièmes de ton et au-delà : une exploration microtonale des tempéraments égaux dans Thymes pour piano et électronique (1987 - 88)

Fruit d’une résidence à l’Ircam, la pièce Thymes illustre le travail microtonal de Criton et sa profonde fascination pour la complexité des phénomènes sonores. La musique microtonale se présente sous différentes formes, et un bref survol permettra de situer le travail de Criton dans ce contexte. La classification proposée par son collègue compositeur Georg Friedrich Haas (2007) distingue plusieurs types de microtonalités :

(1) les échelles, y compris les échelles non tempérées provenant de diverses traditions musicales, les divisions tempérées de l’octave en parties égales (par exemple, 24 divisions par octave donnant les quarts de ton, ou 72 divisions par octave donnant les douzièmes de ton), et les échelles « d’intonation juste étendue » telles qu’utilisées par Harry Partch et Ben Johnston qui, en s’appuyant sur de simples ratios entre les fréquences, définissent un nouveau vocabulaire d’intervalles sonores consonants ;

(2) les accords de partiels et les sonorités spectraux se référant soit à la série harmonique, soit aux spectres des fréquences inharmoniques qui produisent les timbres uniques des cloches, des plaques et de certains sons synthétisés ;

(3) la Klangspaltung ou fractionnement du son, consistant en une juxtaposition étroite de sons de hauteurs presque identiques afin de créer des effets d’interférence tels que des battements ou l’accentuation de certaines composantes spectrales ;

(4) la microtonalité aléatoire, qui résulte souvent de techniques de jeu étendues comme jouer derrière le chevalet sur un instrument à cordes ou le jeu sur les multiphoniques aux bois.

La musique de Criton (de même comme celle de Haas) utilise plusieurs catégories constitutives de la pensée microtonale, dont la division fine de l’octave en douzièmes et seizièmes de ton, les modèles spectraux basés sur les sons inharmoniques complexes (particulièrement dans ses premières œuvres telles que Thymes, discutée dans cette section) et, de manière peut-être plus importante et certainement innovante, l’exploration des effets imprédictibles de la Klangspaltung qui émergent de la distribution très rapprochée des intervalles et clusters microtonaux.

Œuvre de musique mixte, Thymes associe un piano réaccordé (selon un schéma irrégulier de quarts de ton se répétant toutes les deux octaves) et des sons synthétisés sur un support fixe (bande). L’accord du piano (proposé initialement à Criton par Jean-Étienne Marie, commanditaire de la pièce) est illustré à la Figure 1. Les hauteurs réhaussées d’un quart de ton par rapport à leur position habituelle dans l’échelle chromatique sont entourées d’un rectangle. Avec ce schéma répétitif de deux octave, l’ensemble des hauteurs de quart de ton parmi les vingt-quatre possibles sont représentés.

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Figure 1 : Accordage du piano pour Thymes (1987–88). ©2000 Editions Jobert, Paris. Tout droit réservé. Avec l’aimable autorisation de l’éditeur : https://www.henry-lemoine.com/en/partitions-piano/13113-thymes.html

La Figure 2 est extraite de la seconde moitié de la pièce. En raison du réaccordage, la notation du piano doit être comprise comme une sorte de tablature, indiquant les touches à jouer et non les hauteurs qui en résultent. La partie de bande est notée dans la partition avec beaucoup de précision, allant jusqu’à écrire les nuances d’intervalles au seizième de ton près, dans une approche spectrale de la microtonalité. La partition contient des indications timbrales (cloches, clochettes) tant dans la partition de piano que dans celle pour bande, précisant l’univers sonore métallique de l’œuvre : on passe de sons de cloches à divers timbres frappés tel que le marimba, le glockenspiel et le cymbalum (Criton 1994, 8) — le tout dans l’entremêlement complexe du piano et de l’électronique. Comme l’écrit la compositrice :

« Dans Thymes… la synthèse par formants m’a permis de jouer sur une ambiguïté hauteur-timbre. Les composantes de cloches et métaux frappés, distribuées dans des tempéraments en 1/4, 1/8e, 1/16e de ton, s’immiscent dans les résonances du piano et les prolongent tout en les déviant imperceptiblement. J’ai cherché à construire un espace fluctuant dans lequel les figures dérivent. Les intervalles oscillent entre contraction et dilatation — une notion venant de Wyschnegradsky — et se déplacent en spirale si bien que l’oreille ne perçoit pas d’effet de “detuning”, car elle conserve une référence relative, ce qui est par ailleurs favorisé par des clusters denses et multidirectionnels » (Kanach & Criton 2019, 24-25).

L’indication « ritournelle, claire et souple » en bas de page contraste avec la complexité et le brio de la section qui précède : le rythme y est substantiellement plus simple et les hauteurs s’imbriquent dans une seule et même échelle chromatique à douze tons, ce qui annule les quarts de ton précédents. Les hauteurs en question (fa♯, do, mi, do♯, fa, si, mi, la, , fa♯) sont toutes relevées d’un quart de ton par rapport à l’accordage « normal » du piano, créant ainsi un effet chromatique plutôt que microtonal. Alors que l’écriture instrumentale de Thymes est limitée à un accordage particulier du piano en quart de ton, Criton se tourne, quelques années plus tard, vers un univers microtonal beaucoup plus affiné, basé sur les interactions acoustiques et les interférences qui émergent des tempéraments en douzièmes et seizièmes de ton.

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Figure 2 : Thymes, page 10. Audio (SoundCloud) : Jean-Pierre Collot, piano, Assai 222482, 5:24–5:58. ©2000 Editions Jobert, Paris. Tout droit réservé. Avec l’aimable autorisation de l’éditeur : https://www.henry-lemoine.com/en/partitions-piano/13113-thymes.html

Scordatura radicale et formes deleuziennes : La ritournelle et le galop (1996)

Les ritournelles sont une thème important dans Mille Plateaux de Deleuze et Guattari, et une préoccupation récurrente dans les compositions de Criton. Une ritournelle est conçue comme une mise en ordre des matériaux ayant une fonction stabilisatrice, « territorialisante ». Comme le commente Deleuze dans un séminaire de 1984, « la ritournelle, c’est le cristal sonore de temps par excellence » (Deleuze 1984). Criton développe ce concept dans un essai de 1998 :

Dans sa fonction territorialisante, la ritournelle opère une sélection, une différenciation sérielle : c’est la distribution spatiale d’un agencement, le passage à la territorialité avec la génération de matières expressives. Pour le musicien, c’est le choix séquentiel de gammes, d’échelles, tels que la sélection de modes chez Olivier Messiaen, le choix de cribles chez Iannis Xenakis, d’un milieu harmonique chez Scriabine ou Debussy à partir desquels s’élaborent les motifs et séquences de rythmes et de mélodies, le fibrage harmonique. Le facteur territorialisant est le devenir expressif […] (Criton, 1998, 518)

Pour Deleuze, l’élément statique et territorialisant de la ritournelle doit être mis en opposition avec des forces plus dynamiques et vectorielles : « Il faudrait quelque chose pour faire tourner le cristal, pour le faire bouger ». Il propose donc le galop : « un vecteur linéaire, avec précipitation, vitesse accrue ». Deleuze considère ces éléments à titre de balises essentielles du temps musical : « Le galop, c’est la cavalcade des présents qui passent : vitesse accélérée… La ritournelle, c’est la ronde des passés qui se conservent » (Deleuze 1984).

Écrite près d’une décennie à la suite de Thymes, La ritournelle et le galop (1996) pour guitare se réfère à ces concepts. L’accordage de la guitare est modifié par une scordatura radicale, une technique qui sera ensuite utilisée par Criton des années 1990 jusqu’à aujourd’hui (Criton & Delume 2023). La guitare (un instrument spécialisé avec des frettes en quart de ton) est réaccordée avec six cordes de mi grave identiques, ce qui permet d'accorder les quatre cordes inférieures en seizièmes de ton ascendant, les deux cordes restantes étant accordées à l'unisson avec les deux cordes du milieu. L’utilisation de l’accordage en seizièmes de ton ici, comme dans une grande partie de la musique de Criton, n’est pas destinée à la production d’intervalles simples ou de géométries de hauteur abstraites : il s’agit plutôt d’un moyen de cultiver et d’explorer des états acoustiques à la fois nouveaux et complexes :

Les micro-tempéraments prennent toute leur sens en suscitant une nouvelle sensibilité sonore, modifiant les relations entre timbre et hauteur, renouvelant les modes de production du son et les techniques instrumentales en générant des différences inouïes. [...] Je considère les micro-tempéraments et les techniques de jeu étendues comme un moyen d’accéder à la variabilité acoustique du son. Les systèmes micro-intervalliques offrent de nouvelles possibilités de façonner le son, de l’organiser sous l’identité de la note. Ils donnent accès à d’infimes différences de fréquences qui favorisent la transitivité et l’émergence de propriétés acoustiques, d’où découlent de nouvelles formes d'expression. (Criton 2017, 70)

La Figure 3 montre la quatrième page de la partition. L’extrait s’ouvre sur un accord microtonal composé de variantes microtonales sur la et la♯ (les notes sur la portée supérieure représentent des doigtés en référence à la notation standard de la guitare et non la hauteur entendue). Le changement continu des qualités sonores est au cœur de cette l’œuvre (figurant le caractère directionnel du galop), ainsi le guitariste évolue progressivement vers une technique de rasgueado et une sonorité de plus en plus étouffée. Un accord en barré appuyé à la frette V se transforme en effleuré (pression des doigts), faisant ressortir les variantes du mi comme un harmonique naturel deux octaves au-dessus des cordes à vide. Une lente descente du barré vers le bas du manche conduit à l’apparition des cinquièmes, de sixièmes, et même de septièmes harmoniques — dans une complexification caractéristique, Criton combine cela avec un changement de ponticello à tasto et un changement de rasgueado à tremolando. Le tremolando (fin de la ligne 18) montre à nouveau l’effet des micro-intervalles, avec une forme d’accord simple (barré à la tierce mineure sur les cordes de mi nuancées microtonalement) qui produit un agrégat microtonal serré en 1/16e de ton, bientôt rejoint par un harmonique aigu sur sol♯ joué sur la corde la plus aiguë. Celle-ci alterne avec un harmonique presque — mais pas tout à fait — identique joué sur la cinquième corde, accordé un huitième de ton plus bas que la corde supérieure. La texture envoûtante attire l’attention sur ces petites différences.

La fin de la ligne 19 est la première apparition de la ritournelle, entièrement jouée sur des harmoniques naturels. En effet, la mélodie de la ritournelle est basée sur la série harmonique des cordes de mi à vide, quelque peu voilée par la scordatura en 1/16e de ton. Comme dans Thymes, la ritournelle est plus simple, tant au niveau du rythme que de la hauteur. La lettre J marque un retour progressif aux textures tremolando qui illustrent le galop.

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Figure 3 : La ritournelle et le galop (1996), page 5. Audio (SoundCloud) : Didier Aschour, guitar, Assai 222482, 4:51–6:10. ©2003 Editions Jobert, Paris. Tout droit réservé. Avec l’aimable autorisation de l’éditeur : https://www.henry-lemoine.com/en/partitions-guitare/13122-la-ritournelle-et-le-galop.html

Étant donné la spécialisation radicale de l’écriture pour guitare propre à cette pièce — qui implique de réaccorder l’instrument et d’ajouter des frettes pour les quarts de ton — l'étroite collaboration avec le guitariste Didier Aschour a constitué une partie importante du processus créatif. Les œuvres présentées ci-après sont issues de processus de création similaire, réalisées en étroite collaboration avec les instrumentistes pour lesquels elles ont été écrites : Deborah Walker, Silvia Tarozzi, le Duo XAMP (Fanny Vicens et Jean-Étienne Sotty) et Juliet Fraser.

« États de variables en transformation » et la libération du geste : Artefact (2001), Plis pour guitare (2003)

À partir des années 1990, la guitare microtonale joue un rôle primordial dans plusieurs œuvres de Criton, telle que Artefact (2001) écrite pour trio de guitares et ensemble mixte. Criton délaisse ici les seizièmes de ton utilisés dans La ritournelle et le galop pour des douzièmes de ton, et les trois guitares n’ont pas de frettes en quarts de ton : chacune d’entre elles utilise, encore une fois, six cordes de la même épaisseur, accordées selon un cluster microtonal irrégulier qui se meut étroitement autour de la hauteur centrale (avec un douzième et un sixième de ton au-dessus de cette hauteur centrale, et un quart, sept-douzièmes et deux-tiers de ton en dessous). Les hauteurs fondamentales, séparées les unes des autres par une septième mineure, sont (de haut en bas) do3, 2 et mi1. Ensemble, les guitares sont en mesure de produire, avec le demi-ton tempéré des frettes usuelles, un continuum de hauteur en douzièmes de ton selon une échelle de soixante-douze degrés par octave.

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Figure 4 : Artefact (2001), page 8. Audio (SoundCloud) : Ensemble 2e2m, dirigé par Paul Méfano, Assai 222482, 1:30–1:44. ©2001 Editions Jobert, Paris. Tout droit réservé. Avec l’aimable autorisation de l’éditeur : https://www.henry-lemoine.com/en/partitions-pour-ensemble/13198-artefact.html

L’extrait ci-dessus de la partition d’Artefact (Figure 4) montre le déploiement des guitares aux côtés des instruments de l’ensemble. L’ordre inhabituel de l’effectif instrumental correspond à la spatialisation des instruments en trois sous-groupes : la flûte, le violon et la première guitare forment un trio placé côté jardin ; la clarinette, l’alto et la deuxième guitare un autre trio placé au centre ; et enfin le cor, le violoncelle, la troisième guitare, les timbales et la contrebasse un quintette côté cour. D’ordre général on peut entendre, de gauche à droite, un échelonnement vers le grave des tessitures instrumentales : chaque groupe d’instrument joue selon le registre de « sa » propre guitare réaccordée (notée en sons entendus dans la partition, contrairement aux parties séparées qui sont en scordatura). Les guitaristes utilisent des techniques de bottleneck slide (écrit « b.n. » dans la partition), frottant les cordes avec les doigts ou le pouce, ou faisant bouger la corde avec un mouvement du bottleneck (« frotté b.n. ») En résulte la mise en activité des modes complémentaires de la corde, audibles seulement par le truchement de l’amplification : le mode complémentaire — ou « ombre du son » pour reprendre les mots de la compositrice — est le résultat de la vibration de la section de la corde qui se trouve derrière le bottleneck (donc vers le manche et non vers le chevalet). Une caractéristique importante de cette œuvre est le développement, toujours malléable, toujours en mouvance, d’un environnement sonore : « À la façon d’un univers mobile, fait de vitesses et de distances, Artefact fait écho à un entrelacs de dynamismes divergents et coexistants : un site sans délimitation dans lequel des objets variables évoluent, se frôlent et disparaissent » (Criton 2015).

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Figure 5 : Plis pour guitare (2003), page 1. Audio (SoundCloud) : Didier Aschour, guitare, 0:00–1:12. ©2004 Editions Jobert, Paris. Tout droit réservé. Avec l’aimable autorisation de l’éditeur : https://www.henry-lemoine.com/en/partitions-guitare/13556-plis-pour-guitare.html

Dans l’univers sonore mobile d’Artefact, les gestes, les trajectoires et les conditions acoustiques changeantes forment le noyau du discours musical : « On sort du domaine de la note au profit de la production d’états de variables en transformation » (Criton & Kanach 2019, 25). Un approche de la notation encore plus gestuelle, voire chorégraphique — déjà suggéré par l’emploi des glissandi dans Artefact — est mise en œuvre dans des pièces ultérieures, dont Plis pour guitare, créée par Didier Aschour en 2003. La Figure 5 illustre cette approche d’une notation gestuelle. Les modes complémentaires de la corde, déjà explorés dans Artefact, sont ici pleinement audibles sous la forme de résonances émergentes en mouvement contraire aux glissandi notés. La guitare, ici accordée en douzièmes de ton avec six cordes de la identiques, est souvent jouée sans attaque (« SA »), en glissant seulement le bottleneck. Les positions de contact spécifiques le long de la corde par rapport à la touche, à la table d'harmonie et au chevalet, sont indiquées par des symboles, ce qui permet une exploration très contrôlée des possibilités timbrales et acoustiques de la guitare.

Styles, états et transformations : Circle Process (2010–12), Chaoscaccia (2011–13) et Bothsways (2014–15)

La notation gestuelle déjà présente dans Plis atteint un niveau d’abstraction supérieur une décennie plus tard, dans un ensemble d’œuvres issues d’une collaboration particulièrement riche entre Criton et deux musiciennes : la violoniste Silvia Tarozzi et la violoncelliste Deborah Walker. Sont issues de ces collaborations Circle Process (2010–12) pour violon solo (signée avec Tarozzi en tant que co-compositrice), Chaoscaccia (2011–13) pour violoncelle solo (signée avec Walker en tant que co-compositrice) et Bothsways (2014–15), œuvre en plusieurs parties pour violon et violoncelle alternant duos et solos. Afin de comprendre l’approche compositionnelle de Criton dans cet ensemble d’œuvres, il est utile de se pencher sur certains exemples détaillés de Shift, la première pièce de Bothsways. Comme la compositrice l’indique :

Pour chacune de ces pièces solistes, un travail d’élaboration à la fois technique et expressif a été réalisé en collaboration pour stabiliser des styles de jeu. Chaque style est précisément établi, caractérisé par une région, un ensemble de variables, des modes de jeu et des types de progression. Les styles sont des manières de jouer, mais aussi des manières de sentir (régimes de vitesses, ralentissements, accélérations), investies d’une idée à la fois sonore et émotionnelle (tension, rupture, construction, déconstruction). Chaque style correspond à un état (ethos) tout à la fois sonore, dynamique, et j’ajouterai même psychique. (Criton & Kanach, 28)

La Figure 6 montre les quatre styles de Shift tels qu’ils sont définis dans la partition, se limitant à une palette relativement restreinte pour cette courte pièce de deux minutes. Comme toutes les pièces de Bothsways, Shift utilise une scordatura en seizièmes de ton qui, dans ce cas-ci, se situe autour de la corde de do grave du violoncelle. Chaque style est caractérisé par un ensemble de paramètres qui définissent à la fois les actions des deux mains sur les cordes, la région approximative des hauteurs, les caractéristiques ouvertes à la variation, les types de mouvement, les dynamiques ainsi que les sonorités qui en résultent. Lors de la performance de l’œuvre, certain styles se présentent sous des formes variées : les « Tenues/battements » et « Multiphonie harmonique » ont des options de mouvement ascendant ou descendant. À noter qu’en plus des définitions stylistiques écrites, une part considérable de l’information pour chaque style est transmise de manière orale, lors du travail en collaboration au cours duquel s’intègrent la création et les répétitions de l’œuvre — une approche comparable aux stratégies utilisées par les compositrices Éliane Radigue et Cassandra Miller (Nickel 2020, 59–61).

La définition des styles est conçue essentiellement « hors temps » (pour emprunter un concept de Xenakis) : le déploiement temporel des styles est donc une autre étape compositionnelle, abordée avec des stratégies différentes dans les diverses pièces de ce cycle. Dans Circle Process, par exemple, douze styles différents sont répartis en diagramme autour d’une figure de cercle : le violoniste peut débuter et terminer la pièce à n’importe quel point autour du cercle, mettant ainsi l’accent sur la transformation graduelle d’un style à l’autre : « Il s’agit de passer progressivement d’un état à un autre en “dépliant” les transformations avec le maximum de transitivité » (Criton & Kanach, 29). Par contraste, Shift est une étude sur la discontinuité et l’instabilité, basé (tout comme Chaoscaccia) sur un « processus de changement », ou oscillation rapide entre styles contrastants : comme indiqué dans la préface de la partition, l’idée de base est ce « passage soudain et énergique (shift) entre différents états ». Il n’y a pas de partition écrite pour spécifier les notes ou les gestes en détail, mais plutôt un diagramme montrant la succession des styles à interpréter, accordant une grande liberté à l’interprète. La Figure 7 est un exemple de « schéma diachronique » utilisé par Criton pour Shift, montrant les transitions rapides entre les différents styles : la ligne en zigzag débute sur une alternance entre le « Shift-caisse » (frottement rapide de l’archet sur le corps du violoncelle) et le « Parlando », suivi d’un enchaînement rapide en « Point vibrant », de notes tenues, de multiphoniques, de tapements et de trilles à la main gauche.

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Figure 6 : Shift (2014–15), définition des styles. ©2016 Art&Fact. Tout droit réservé. Avec l’aimable autorisation de l’éditeur.

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Figure 7 : Shift, « Schéma diachronique » de Criton, 2016. Audio (SoundCloud) : Deborah Walker, violoncelle, 8 octobre 2016. ©2016 Art&Fact. Tout droit réservé. Avec l’aimable autorisation de l’éditeur.

« Jeu éco-sensible » et travail avec l’acoustique des espaces : Wander Steps (2018)

La notation de plus en plus abstraite de Shift et des pièces du même cycle témoigne de la fascination de Criton pour la flexibilité et pour ce qui outrepasse la notation : les microvariations du son qui émergent souvent de manière seulement partiellement contrôlable, dépendant d’une situation ou d’un scénario acoustique particulier. Il faut souligner que l'économie et l'ouverture de la notation est voulue, car destinée à préserver l’attention d’une écoute sensible maximale afin de contrôler des phénomènes sonores en transformation (« l’écoute virtuose » comme décrit par l'interprète Fanny Vicens). On retrouve les traces de cette fascination dans les œuvres composées au cours des années suivantes et notamment Wander Steps (2018) pour deux accordéons en quarts de ton, composé pour le remarquable Duo XAMP (Fanny Vicens et Jean-Étienne Sotty). Bien que noté de manière plus traditionnelle que les œuvres immédiatement précédentes, Wander Steps n’en offre pas moins de nouvelles découvertes et de nouveaux éclairages sur la variabilité sonore.

La pièce est divisée en cinq « trajectoires » qui s’apparentent aux styles ou états de Shift. La Figure 8 montre la partition de la Trajectoire IV, intitulée « En inversant ». Dans la préface de la partition, Criton attire l’attention sur la microvariabilité des hauteurs et sur l’importance de la réciprocité dynamique en fondu enchaîné entre les interprètes qui favorise l’émergence de battements dans le registre grave. La partition de chaque accordéoniste présente deux portées, la portée inférieure concernant les notes « normalement accordées » et celle du haut concernant les quarts de ton, reflétant ainsi la conception physique des accordéons microtonaux.

La Trajectoire IV suit immédiatement la fin de la Trajectoire III et s’ouvre sur un cluster microtonal au-dessus de la3, joué par les deux accordéons. La section débute avec le premier accordéon effectuant un decrescendo jusqu’al niente et réémergeant de ce silence une douzième parfaite plus bas, sur un cluster similaire, mais cette fois-ci au-dessus de 2. Le premier cluster de l’accordéon 2 s’efface à son tour et est remplacé par un cluster construit au-dessus de do♯ 2, chevauchant le cluster de l’accordéon 1 un demi-ton en dessous de celui-ci. Dans le deuxième système, l’accordéon 1 prend d’assaut le registre aigu, s’affirmant avec un ¾♯4 (trois quarts de dièse) deux octaves plus haut que la note la plus aiguë du cluster joué précédemment. Ce ¾♯ ne sonne que brièvement avant de s’effacer dans un decrescendo et rejoindre dans le registre grave l’accordéon 2 dans cluster à l’unisson. Le dernier événement significatif sur le plan de la notation dans cette section est une dyade de quarts de ton dans l’aigu entre do5 et do¼♯5, dyade qui perdure dans la Trajectoire V. Tout au long de l’extrait, un astérisque indique un crescendo graduel à partir de niente, et un double astérisque un decrescendo comparable vers le silence. Le symbole « b » suivi d’une ligne ondulée indique un « bend modulant », fluctuant à la discrétion de l’interprète destiné à contrôler le battement acoustique résultant.

Ces infimes fluctuations sont une composante essentielle des cinq trajectoires de Wander Steps. L’écriture de ce duo est inhabituelle dans son intimité et son interaction, exigeant des interprètes une écoute intense et de constants micro-ajustements pour réussir à guider les interférences acoustiques (battements, sons résultants, fréquences fantômes, etc.) qui émergent de l’intermodulation des fréquences instrumentale en relation avec l’acoustique de la salle. Cette dernière devient, le temps de la performance, un troisième membre du groupe. Comme l’écrit Criton : « Ces combinaisons font apparaître des constellations sonores imperceptiblement changeantes, stimulant les “modes propres” à l’architecture de la salle de concert » (Criton & Kanach, 31) et qualifie cette approche de « jeu éco-sensible » réclamant une « écoute de la réponse acoustique de la salle et l’entretien d’un équilibre instable des dynamiques » (préface de la pièce). Les deux systèmes de la Figure 8 représentent à eux seuls presque deux minutes de musique. Toutefois, le résultat des interactions sonores s’avère beaucoup plus complexe que ne semble l’indiquer la partition, en apparence simple.

La Figure 9 est un spectrogramme correspondant à Trajectoire IV, incluant des éléments des sections précédentes et subséquentes. On peut observer ici l’importance du chevauchement des partiels harmoniques : le la3 initial, par exemple, devient la troisième harmonique de 2, qui génère à son tour le do/do¼♯5 aigu dans sa septième harmonique. La complexité acoustique des clusters crée de nombreux phénomènes d’interférence imprévisibles : certains partiels ressortent de manière proéminente à l’oreille, grâce à leur renforcement dans le spectre hétérogène. Ces partiels plus marqués et les battements acoustiques lents qui émergent du chevauchement des clusters sont indiqués dans les annotations de la Figure 9.

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Figure 8 : Wander Steps (2018), Trajectoire IV. ©2018 Art&Fact. Tout droit réservé. Avec l’aimable autorisation de l’éditeur.

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Figure 9 : Wander Steps, Trajectoire IV, spectrogramme annoté. Audio (SoundCloud) : Fanny Vicens et Jean-Etienne Sotty, accordéons microtonaux, enregistré par Alice Ragon, CNSMDP, 25 avril 2018, 7:00 – 9:10

Voix, masse sonore microtonale et « relations fragiles » : Alter pour voix et orchestre (2022)

Au moment d’écrire ces lignes, Alter est l’une des plus récentes pièces de Criton. Commande de la BBC Radio 3 et du BBC Scottish Symphony Orchestra, elle a été créée au festival Tectonics Glasgow 2022 sous la direction de Ilan Volkov, avec la soprano Juliet Fraser comme soliste. Rare œuvre vocale dans le catalogue essentiellement instrumental de Criton, elle a été entamée pendant la première vague de COVID-19 en France, au printemps 2020. Dans sa note de programme, Criton écrit : « Un état de stupeur a tout à coup envahi nos vies, nous projetant dans un monde différent. Alter joue avec l’idée de l’étrangeté, ainsi qu’avec l’altérité et la transformation. Les points de référence sont instables, guidés par de minces influences réciproques, à la limite des phénomènes acoustiques tels que les battements et les résultantes. L’écoute de ces relations fragiles nous invite à lâcher prise, vers une attitude moins concernée par la volonté individuelle ».

Bien que la pièce soit écrite pour grand orchestre (avec toutes les limitations qui vont de pair avec les techniques de jeu étendues et le temps de répétition), Criton a néanmoins intégré une version simplifiée de sa scordatura microtonale préférée. Les seconds violons sont divisés en sept pupitres, chaque pupitre réaccordant son instrument à distance de 1/12e de ton afin de constituer un cluster couvrant un demi-ton autour de chaque corde à vide, avec une note « normalement accordée » au centre. Cette stratégie est beaucoup moins radicale que les accordages de Circle Process ou Bothsways, qui nécissitent un remplacement complet des cordes de l’instrument : ici, le changement d’accord maximum pour un violon est d’un quart de ton plus haut ou plus bas que leur accord standard. Les violons ainsi réaccordés sont le plus souvent notés à l’unisson (produisant en fait un cluster de douzièmes de ton en sept parties), avec des techniques qui allient notes tenues et harmoniques naturels, artificiels, semi-harmoniques, des techniques de bariolage sur des harmoniques, etc.

La partie vocale est souvent intégrée dans la masse orchestrale, soutenant de longues notes tenues au sein d’une harmonie microtonale dense, faisant émerger des interférence, des battements et des sons résultants. Le texte écrit par Criton tourne autour de quelques variations sur peu de mots : « ce monde », « notre monde », « est en train de changer » — en français, en anglais et en arabe. Criton fait appel également à un texte écrit par Fraser, un extrait de « Inside Out », qui évoque les perturbations, l’isolement et le mal être causé par la pandémie, ainsi que du besoin profond des musiciens de trouver « la gloire et la malice de la création musicale collective » (Fraser, 2022). Vers la fin de la pièce, Fraser livre ce texte dans une voix parlée, soutenue par une texture orchestrale très réduite, pour ensuite revenir à une approche plus abstraite et phonétique du texte pour la partie finale.

April 2020, global pandemic lockdown.
I am wondering how my perception of sound and space may have changed.
I am thinking of my mind as a room.
Some thoughts feel verbal… others seem more like sensations; still others are visual.
My inner world is extremely embodied.
I am more and more interested in the grey, smudged areas of our understanding.
I am not travelling, I am, mostly, not encountering people… very rarely listening to
music. What I hear most are the environmental sounds around me…
When I’m singing, it’s the only voice I’m hearing. These days all I do is sing for myself.
I am sitting in a room that only ever resonates with my voice or sounds emanating from
my laptop speakers.
I am realising that… I need to share the room.

Avril 2020, confinement pandémique mondial.
Je me demande comment ma perception des sons et de l’espace a pu changer.
Je pense à mon esprit comme s’il s’agissait d’une chambre.
Certaines pensées se verbalisent… d’autres sont plus de l’ordre de la sensation ; et d’autres encore sont plutôt visuelles.
Mon univers intérieur est profondément incarné.
Je suis de plus en plus intéressée par les zones grises et floues de notre compréhension.
Je ne voyage pas et d’ordre général, je ne rencontre personne… je n’écoute de la musique que très rarement. Ce que j’entends, ce sont les sons environnants autour de moi…
Quand je chante, c’est la seule voix que j’entends. Ces jours-ci, tout ce que je fais, c’est chanter pour moi-même.
Je suis assise dans une chambre dans laquelle ne résonne que ma propre voix ou les sons émanant des haut-parleurs de mon ordinateur portable.
Je me rends compte que… j’ai besoin de partager cette chambre.

Figure_10-Criton-Alter_page_24.png

Figure 10 : Alter, page 24. Vidéo (YouTube) : BBC Scottish Symphony Orchestra dirigé par Ilan Volkov, Juliet Fraser, soprano, Tectonics Glasgow, 30 avril 2022, 0:00–0:15. ©2022 Éditions Musicales Rubin, Le Breuil. Tout droit réservé. Avec l’aimable autorisation de l’éditeur.

Conclusion

Un intérêt pour la perception du son physique dans toute sa complexité sous-tend l’œuvre et la recherche de Criton. Elle décrit en termes élogieux l’approche expérimentale de la recherche en acoustique instrumentale menée par le Laboratoire d’Acoustique Musicale de Leipp : « La question du son, l’analyse de ses conditions de production, de ses comportements en contexte, la prise en compte de la subjectivité de l’écoute — du musicien comme de l’auditeur —, rendait sensible l’interrelation complexe entre l’instrument, le geste, la subjectivité du musicien, l’espace acoustique du lieu de concert et s’adressait à tous les musiciens » (cité dans Bazin 2020, 189). Un projet de recherche création en cours, Écouter autrement, explore l’expérience d’écoute par le toucher grâce à des dispositifs spécifiquement conçus, tels que des tables vibrasonores et des stations d’écoute solidienne, destinés à des participants entendants et sourds (Criton 2014).

Les échelles microtonales et la scordatura sont, dans la musique de Criton, autant de manières de régénérer notre perception, conduisant à une appréciation musicale du son comme phénomène plutôt que comme une abstraction des domaines mesurables des hauteurs et des durées. Les micro-intervalles permettent la création d’états acoustiques complexes et délicats qui ne peuvent être produits avec la gamme tempérée habituelle. Comme la compositrice le commente, « Je m’intéresse à la possibilité d’une distribution fine de l’ensemble des composantes du son (harmoniques et inharmoniques), sous l’identité de la note. Les tempéraments et accords microintervalliques sont des outils qui n’ont pas de fonction propre. En revanche, ils génèrent des qualités qui peuvent être analysées du point de vue des relations harmoniques ou encore du point de vue des comportements acoustiques qu’ils produisent (rémanence, degrés de rugosité, battements). Les échelles denses comme le 1/12e ou le 1/16e de ton ont une signature à la fois acoustique et psychoacoustique : elles opèrent un ralentissement, une dilatation temporelle qui place l’écoute à l’échelle des microvariations » (Criton & Kanach, 24).

L’engagement profond de Criton dans l’expérience de l’écoute ainsi que notre perception de la réalité acoustique du son la rapproche de compositeurs associés au spectralisme (Gérard Grisey, Tristan Murail, Kaija Saariaho, etc.) ou, outre-Atlantique, avec James Tenney, lui aussi explorateur des phénomènes perceptifs et des émergences acoustiques liées aux micro-intervalles dans une œuvre comme Critical Band. La concentration intense de l’auditeur que requièrent les infimes détails de la musique de Criton pourrait suggérer un lien avec John Cage et le groupe Wandelweiser, et son intérêt pour les drones mouvants à l’intérieur de la texture sonore et les lentes transformations invite à des comparaisons avec Éliane Radigue et Phill Niblock ou, si on se tourne plus loin vers le passé, Giacinto Scelsi. Depuis le début des années 2000, l’intérêt de Criton pour de nouvelles approches graphiques en matière de notation de styles, d’états et de gestuelles la met en relation avec un large spectre de compositeurs-improvisateurs-interprètes, parmi lesquelles ses fréquentes collaboratrices, Deborah Walker et Silvia Tarozzi. L’éventail des comparaisons musicales suggérées ici ne fait que souligner le caractère unique du parcours esthétique de Criton, traçant une voie singulière et audacieuse dans la microstructure foisonnante du son.


Sources

  • Paul BAZIN, « La pansonorité d’Ivan Wyschnegradsky et son héritage », thèse de doctorat (PhD), McGill University, 2020 https://escholarship.mcgill.ca/concern/theses/8910jz928
  • Pascale CRITON, « Continuum, ultrachromatisme et multiplicités », Dissonance/Dissonanz, 1994, 42, p. 4–10. https://dissonance.musinfo.ch/fr/archives/articles_de_fond/539
  • Pascale CRITON, « À propos d’un cours du 20 mars 1984 : la ritournelle et le galop », dans Gilles Deleuze : une vie philosophique, édité par Eric Alliez, Le Plessis-Robinson : Institut Synthélabo pour le progrès de la connaissance, 1998, p. 513–23.
  • Pascale CRITON, « L’invitation », dans Deleuze épars – approches et portraits, édité par André Bernhold et Richard Pinhas, Paris, Hermann, 2005, p. 55–68.
  • Pascale CRITON, « Listening Otherwise: Playing with Sound Vibration », dans Proceedings ICMC-SMC-2014, 14–20 September 2014, Athens, Greece, édité par Anastasia Georgaki et Georgios Kouroupetroglou, 2014, p. 1817–20. https://speech.di.uoa.gr/ICMC-SMC-2014/images/VOL_2/1817.pdf
  • Pascale CRITON, « Sound and Micro-Variability », conférence à l’Université McGill, 7 avril 2015.
  • Pascale CRITON, « Variables, differences, process », conférence à la Sorbonne Université, 22 juin 2016.
  • Pascale CRITON, « Variables, Diagrams, Process », dans The Dark Precursor: Deleuze and Artistic Research, Vol. 1, édité par Paulo de Assis et Paolo Giudici, Leuven University Press, 2017, p. 67–75.
  • Pascale CRITON & Caroline DELUME, « Microtunings, Complexity, Variability: A New sound Map for the Guitar », dans Proceedings of The 21st Century Guitar Conference 2019 & 2021, edité par R. Torres, A. Brandon et J. Noble, 2023, p. 1–17. https://digitalcommons.du.edu/twentyfirst-century-guitar/vol1/iss1/2
  • Pascale CRITON & Sharon KANACH, « L’art des (petites) différences », Circuit : musiques contemporaines, 2019, 29/2, p. 19–32. https://www.erudit.org/fr/revues/circuit/2019-v29-n2-circuit04806/1062565ar/
  • Gilles DELEUZE, « Sur Cinéma, vérité et temps : le faussaire », séminaire à l’Université de Paris VIII, 20 mars 1984. https://deleuze.cla.purdue.edu/lecture/lecture-14-3/
  • Juliet FRASER, « Inside Out », Tempo, 2022, 76/300, p. 74–82. https://doi.org/10.1017/S0040298221000942. Voir également la vidéo du texte de Fraser « Inside Out » fait en collaboration avec la cinéastre Jessie Rodger : https://www.youtube.com/watch?v=m96xf41-_PA
  • Georg Friedrich HAAS, « Mikrotonalität und spektrale Musik seit 1980 », dans Orientierungen: Wege im Pluralismus der Gegenwartsmusik, édité par Jörn Peter Hiekel, Mainz, Schott, 2007, p. 123–29.
  • Luke NICKEL, « Scores in Bloom: Some Recent Orally Transmitted Experimental Music », Tempo, 2020, 74/293, p. 54–69. https://doi.org/10.1017/S0040298220000261

sources

Traduit de l'anglais par Emanuelle-Majeau Bettez.



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