Seule compositrice française de sa génération qui puisse être citée comme pionnière de la musique sur synthétiseur, Éliane Radigue a su créer une œuvre dans laquelle les microbattements naturels entre les fréquences remplacent la rythmique, ou autres formes traditionnelles d’organisation sonore. La composition d’une pièce électronique chez Radigue — qui, majoritairement, consiste à enregistrer et à mixer sur bandes magnétiques des sons produits par synthétiseur — est un processus méticuleux qui peut prendre jusqu’à trois ans de travail. Or, le corpus électronique complet de Radigue dépasse les 20 heures de musique, faisant d’elle l’une des artistes les plus prolifiques dans le domaine.

En 1955, Radigue rencontre Pierre Schaeffer et devient, peu après, stagiaire au studio d’essai de la Radio Télédiffusion Française. Elle y étudie les techniques de la musique concrète et en fait la promotion lors de conférences à Düsseldorf, Amsterdam, Darmstadt et dans la région niçoise. Mariée à l’artiste Arman et mère de trois jeunes enfants, Radigue abandonne en 1958 le studio de Pierre Schaeffer et Henry pour se consacrer à sa famille, suivant en même temps des cours de harpe et d’harmonie au conservatoire de Nice. De 1967 à 1968, elle travaille de nouveau avec Pierre Henry au studio Apsome, et sera son assistante notamment pour la réalisation de La Messe de Liverpool et L’Apocalypse de Jean. C’est à cette époque que l’on voit apparaître les premières œuvres de Radigue, dont le matériau sonore est composé de larsens et la structure dictée par des bandes magnétiques bouclées asynchrones. Radigue recevra peu de reconnaissance en France pour ces premiers travaux.

C’est sur la scène expérimentale du ‘downtown’ new-yorkais qu’elle trouvera l’accueil et l’estime d’une communauté artistique. Radigue y fréquente James Tenney, Malcolm Goldstein, Philip Glass, Steve Reich, La Monte Young, Phill Niblock, Alvin Lucier et John Cage, entre autres. De 1970 à 1971, Radigue est compositrice en résidence à la New York University School of the Arts où, au studio de Morton Subotnick, elle travaille avec le Buchla (série 100), un des premiers synthétiseurs modulaires de l’époque. Vers la fin de ce séjour, Radigue touche au Moog, à l’Electrocomp (EML) et au Putney (EMS), pour enfin tomber sur le synthétiseur ARP 2500, qu’elle achète et ramène avec elle à Paris. Elle composera presque exclusivement pour celui-ci pendant plusieurs décennies, devenant une véritable virtuose de l’instrument. Ses premières œuvres pour synthétiseur attirent considérablement l’attention en Amérique et, en 1973, Radigue est invitée comme compositrice en résidence dans les studios de musique électronique du California Institute of the Arts et de l’Université d’Iowa.

En 1974, Radigue découvre le Bouddhisme tibétain et entame une retraite spirituelle auprès du maître Pawo Rinpoche. Elle ne revient à la composition qu’en 1978. Ce retour à la musique donne lieu à certains des chefs-d’œuvre électroniques de Radigue : Adnos II & III, ainsi qu’un grand cycle dédié à la vie du Yogi tibétain Jetsun Milarepa. En 1984, Radigue reçoit une Bourse à la création du gouvernement français qui assure la composition des Chants de Milarepa, œuvre pour synthétiseur et voix de Lama Kunga Rinpoché et Robert Ashley (incluant des traductions en anglais d’extraits de “The Hundred Thousand Songs of Milarepa” par lama Kunga Rinpoché). Radigue reçoit en 1986 une Commande de l’état pour la poursuite du cycle.

En 2006, Radigue se voit décerner le prestigieux Prix Ars Electronica pour sa dernière pièce avec synthétiseur modulaire enregistré, L’îIe re-sonante (2000).

Depuis 2001, suite à quarante ans de travail avec le ARP 2500, Radigue ne collabore plus qu’avec des instrumentistes et utilise un processus de composition souvent comparé à la transmission orale de musiques traditionnelles. La première de ces collaborations fut initiée par le bassiste Kasper T. Toeplitz. Parmi les plus récents projets de Radigue avec interprètes, on compte les trois Naldjorlak ainsi que le monumental Occam Océan, joué par certains des meilleurs musiciens de notre époque. Ce cycle (en cours) compte déjà près de soixante-dix pièces pour toutes formations, du solo à l’orchestre.

La musique de Radigue a été présentée dans de nombreux festivals de renom, et de nouvelles œuvres continuent d’être créées partout aux États-Unis et en Europe dans des lieux hautement diversifiés allant du loft aux grandes salles de concert, en passant par la galerie d’art et le musée.

© Ircam-Centre Pompidou, 2019

sources

Éditions Aedam Musicae ; Éliane Radigue.



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