Très jeune un clarinettiste talentueux, Morton Subotnick obtient à seize ans une bourse de l’Université de Californie du Sud où, ayant réussi les examens d’entrée des quatre années d’études en une seule fois, il s’intéresse à la littérature anglaise. À dix-sept ans, il intègre le Denver Symphony, où il rencontre James Tenney. Stationné à San Francisco pendant son service militaire, il y reste et intègre Mills College, où il étudie avec Leon Kirchner et Darius Milhaud.
Au début des années 1960, Morton Subotnick pressent que la démocratisation de l’enregistrement sonore va rapidement changer les rapports à la musique, et cherche à anticiper ce tournant en participant à la création de l’inéluctable future machine musicale. L’ingénieur Donald Buchla répond à son annonce et ils travaillent ensemble pendant deux ans sur le synthétiseur modulaire Buchla, un synthétiseur sans clavier afin d’éviter toute tentation de faire « de la musique ancienne avec un nouvel instrument ou de la nouvelle musique ancienne1 ». En 1967, le label Nonesuch Records lui commande un disque pour lequel il compose entièrement avec le synthétiseur. Silver Apples of the Moon est la première composition de grande ampleur réalisée nativement pour le medium du disque et fait partie des 300 enregistrements retenus par le National Recording Registry de la Bibliothèque du Congrès. Plusieurs autres disques suivront dans les huit années suivantes, parmi lesquels The Wild Bull, Touch, Sidewinder et Four Butterflies.
Durant cette même période, en 1962, il fonde, avec Ramon Sender et Pauline Oliveros, le San Francisco Tape Music Center qui compte dans son réseau étendu des personnalités comme Steve Reich, John Chowning et Terry Riley, dont la pièce In C est créée au Center. Morton Subotnick devient rapidement le directeur musical de l’Actor’s Workshop et part pour New York où il devient également directeur musical du Repertory Theater du Lincoln Center nouvellement créé. À New York, Morton Subotnick, contacté par les producteurs de rock Jerry Brandt et Stan Freeman, participe à l’ouverture du club The Electric Circus, qui se présente comme une discothèque multimédias, et, en son sein, est directeur musical de la série Electric Ear à laquelle participent entre autres John Cage, Alvin Lucier, Pauline Oliveros, Robert Ashley et Terry Riley. En 1969, le compositeur devient doyen associé du nouveau California Institute of the Arts (CalArts) à Los Angeles. Après quatre ans à ce poste, il devient directeur du programme de composition, où il introduit les technologies interactives et le multimédia dans le cursus.
En 1975, après la composition de Until Spring, cette fois commandé par le label Odyssey, où il utilise les tensions de contrôle, Morton Subotnick développe, à partir de cette technique, une idée pour contrôler exactement l’équipement de traitement en temps réel. De cette réflexion émerge la « “ghost” box », un dispositif composé d’un suiveur de hauteur et d’enveloppe pour un signal en direct, et d’unités commandées par tension : un amplifier, un frequency shifter et un ring modulator. Le signal micro de l’interprète envoyé à la ghost box est ensuite traité en lisant la bande préenregistrée ou la mémoire EPROM qui contient les tensions de commande — aucun des deux ne produit de sons, ce qui leur vaut le nom de « partition fantôme » (ghost score). Two Life Histories (1977) est la première pièce à faire appel à ce dispositif, une dizaine d’autres suivront avec diverses instrumentations. Morton Subotnick poursuit sa recherche du traitement électronique en temps réel avec Ascent Into Air (1981), écrite pour l’ordinateur 4C de l’Ircam, où les interprètes contrôlent en direct la musique informatisée, faisant office de tensions de contrôle pour modifier l’emplacement des sons, leur modulation et leur intensité.
Auteur de six CD-ROM pour apprendre la composition aux enfants ainsi que d’un site internet, Morton Subotnick poursuit son travail de pédagogie en continuant d’élaborer des programmes d’apprentissage de la musique destinés aux plus jeunes, publiés par Alfred Music Publishers.
Après de nombreuses années de tournées et de performances, le 23 mars 2022, le compositeur présente à Montréal As I Live and Breathe, son ultime performance scénique, une métaphore musicale de sa vie en musique, une œuvre audiovisuelle mise en images par Lillevan.
1. Kevin L. Jones, « Morton Subotnick on Growing Into His Life as an Electronic Composer », KQED, 20 avril 2017↩