Arnold Schoenberg, aĂźnĂ© de trois enfants, doit quitter le collĂšge Ă lâĂąge de seize ans, Ă la mort de son pĂšre, pour sâengager dans la vie active. Dâabord apprenti dans une banque jusquâen 1895, il assumera ensuite diverses tĂąches lui permettant de se consacrer quasi exclusivement Ă la musique. MariĂ© en 1901 Ă Mathilde Zemlinsky (la sĆur du compositeur) dont il aura deux enfants, il Ă©pouse en 1924, un an aprĂšs la disparition de celle-ci, Gertrud Kolisch qui restera Ă ses cĂŽtĂ©s jusquâĂ la fin de sa vie. Trois enfants naĂźtront dont lâaĂźnĂ©e, Nuria, Ă©pousera Luigi Nono en 1955.
Hormis quelques leçons de contrepoint avec Alexander von Zemlinsky, il apprend et comprend lâessentiel de lâĂ©criture musicale par la lecture des grandes Ćuvres du passĂ© et dans lâinterprĂ©tation dâun trĂšs vaste rĂ©pertoire de musique de chambre, essentiellement comme violoniste mais aussi comme violoncelliste. Cette expĂ©rience, qui irriguera toute son Ćuvre, alimentera ainsi de nombreuses dĂ©monstrations dans ses grands traitĂ©s (harmonie, composition, esthĂ©tique).
DĂšs 1903, il enseigne lâharmonie et le contrepoint Ă Vienne (Ă©cole privĂ©e dâEugĂ©nie Schwarzwald) ; lâactivitĂ© de professeur restera au cĆur de toute son existence, de Berlin (1926, Ă lâAcadĂ©mie des Arts) Ă Los Angeles (UCLA jusquâen 1944) et se prolongera Ă travers des cours privĂ©s. Longtemps aprĂšs les premiers Ă©lĂšves Anton Webern et Alban Berg (1904), avec lesquels se forme ce que lâhistoire retiendra sous le nom de Seconde Ă©cole de Vienne, de nombreux autres crĂ©ateurs suivront ses cours, dont Hanns Eisler (1919) et John Cage en 1935 lors de sĂ©minaires dâĂ©tĂ©. Sa conscience aiguĂ« de la nĂ©cessitĂ© de transmettre un savoir se concrĂ©tise, sur un plan strictement artistique, dans la fondation de la SociĂ©tĂ© dâExĂ©cutions Musicales PrivĂ©es (1918-1921) dont les activitĂ©s furent suspendues pour des raisons essentiellement financiĂšres.
En 1903, il rencontre Mahler Ă Vienne ; revenant sur les rĂ©serves quâil avait formulĂ©es jusquâalors sur lâĆuvre de ce dernier, Schönberg lui vouera une admiration indĂ©fectible aprĂšs avoir entendu la TroisiĂšme Symphonie. Le dĂ©part de Mahler pour les USA, en 1907 coĂŻncide, curieusement avec les premiers pas dans la grande traversĂ©e des annĂ©es 1907-1909 oĂč la musique tonale basculera alors irrĂ©versiblement vers lâinconnu par la dissolution des fonctions classiques de lâharmonie dâabord, puis, ce qui est plus crucial encore, celle des repĂšres thĂ©matiques : DeuxiĂšme quatuor Ă cordes, PiĂšces pour piano op. 11, Livre des Jardins suspendus op. 15, PiĂšces pour orchestre op. 16, monodrame Erwartung op. 17, âŠ
Lors de son sĂ©jour premier Ă Berlin (1901), Schoenberg rencontre Richard Strauss dont lâinfluence marque le poĂšme symphonique PellĂ©as et MĂ©lisande op. 5 ; le second (1911) le fera croiser Ferruccio Busoni â dĂ©fenseur de la nouvelle musique avec qui les rapports sont plutĂŽt bons â mais câest avec Kandinsky (rencontrĂ© Ă Munich) quâil Ă©changera une longue et prĂ©cieuse correspondance (1911-1936). AprĂšs les turbulences et leur relative accalmie (Pierrot lunaire op. 21, Quatre chants op. 22) la pĂ©riode 1915-1923 voit un certain repli de lâinvention au profit de multiples transcriptions mais surtout, et en mĂȘme temps que la rĂ©flexion sur la future composition avec douze sons, lâessor dâune profonde pensĂ©e religieuse qui gouvernera la crĂ©ation Ă venir depuis lâimmense oratorio inachevĂ© LâEchelle de Jacob (1916) jusquâaux Psaumes des derniĂšres annĂ©es, en passant par MoĂŻse et Aaron (1932) et Kol Nidre (1938).
Lâadoption de la technique sĂ©rielle (1923) sâinscrit ainsi Ă la fois dans la perspective dâun authentique classicisme et dans celle dâune vision proprement messianique du rĂŽle du crĂ©ateur qui domine largement la pure question de la syntaxe Ă laquelle Schoenberg se verra si frĂ©quemment confinĂ©.
LâannĂ©e 1933 est dĂ©cisive : reconversion au judaĂŻsme (Ă Paris, le 25 octobre) abandonnĂ© en 1898 et dĂ©part dĂ©finitif pour les USA (Boston puis, pour raisons de santĂ©, la cĂŽte ouest) ; sâil amĂ©ricanise aussitĂŽt lâorthographe de son nom (le ö devient oe) et Ă©crit dorĂ©navant directement en anglais, il ne deviendra citoyen amĂ©ricain que le 11 avril 1941. JusquâĂ la fin, ce sera le temps des relations fĂ©condes, conflictuelles parfois, (avec Alma Mahler-Werfel, Thomas Mann, Berthold Brecht, Hans Eisler et⊠Theodor W. Adorno dont les Ă©crits et le rĂŽle dans la brouille avec Thomas Mann Ă propos du Docteur Faustus furent source de rapports orageux). Quant au voisin Igor Stravinsky, la relation de respect mutuel reste limitĂ©e aux propos que chacun sâadresse par lâintermĂ©diaire dĂ©vouĂ© du chef dâorchestre et secrĂ©taire de Stravinsky, Robert Craft.
Au repli de lâinvention de 1933 â essentiellement centrĂ©e sur des travaux didactiques (canons) â succĂšdent les annĂ©es dâĂ©panouissement du style oĂč parmi les puissantes Ćuvres tardives, certaines laissent affleurer lâidĂ©e de compatibilitĂ© avec un type nouveau de tonalitĂ© (DeuxiĂšme Symphonie de chambre op. 38, Ode Ă NapolĂ©on op. 41, etc.).
Trop fatiguĂ© par de lourds et frĂ©quents problĂšmes de santĂ©, Schoenberg ne peut se rendre en 1949 Ă Darmstadt oĂč commence Ă sâĂ©laborer la postĂ©ritĂ© du courant quâil avait lui-mĂȘme portĂ© si haut.