Tan Dun naît le 18 août 1957 à Changsha, dans la province du Hunan, en Chine. Ses premières impressions musicales sont chamaniques, issues des rituels villageois. La Révolution culturelle, amorcée en 1966, le conduit à travailler comme planteur de riz durant deux ans. Puis il apprend le jeu de divers instruments à cordes traditionnels. Le naufrage d’un bateau voit la disparition de plusieurs membres de l’Opéra de Pékin, et Tan est alors appelé en remplacement, en tant que joueur de viole et arrangeur. Il entre ensuite, en 1977, à la suite d’un concours particulièrement sélectif, au Conservatoire central de musique de Pékin. Ses premières influences y sont Tōru Takemitsu, George Crumb, Alexander Goehr, Hans Werner Henze, Isang Yun, Chou Wen-Chung. On parlera plus tard de la « génération de 1978 » pour le réunir, un peu hâtivement, à ses camarades Qigang Chen, Chen Yi, Zhou Long, Xu Quiasong, Guo Wenjing, Mo Wuping.
Son quatuor Feng Ya Song (1982) emporte le second prix au Concours international Weber de musique de chambre de Dresde, en 1983. Trois ans plus tard, Tan Dun émigre aux États-Unis, tout d’abord comme étudiant en troisième cycle à la Columbia University. Là , Chou Wen-Chung, ancien élève de Edgard Varèse, est son professeur. Tan découvre à la fois la musique de John Cage et celle des minimalistes et post-minimalistes américains comme Steve Reich, Philip Glass et Meredith Monk. Sa thèse de compositeur (un mémoire autour d’une brève symphonie), soutenue en 1993, trahit déjà un goût pour la transversalité et les arts plastiques : Mort et feu – dialogue avec Paul Klee.
Auparavant, en plus de ses études, il a signé la musique de plusieurs films peu diffusés, souvent documentaires, et composé des pièces de concert pour les milieux underground new-yorkais, ainsi que l’opéra « expérimental » (sans canevas dramatique narratif) Neuf Chansons (1989), sur des poèmes de Qu Yan, pour lequel le potier Ragnar Naess construit spécialement cinquante instruments en céramique (percussions, cordes et vents). Tan a aussi amorcé en 1990, dans la lignée de son premier opéra, sa série de « musiques rituelles » (Théâtre orchestral n° 1, trois autres numéros suivront), prolongeant la tradition performative et interactive américaine.
Le tournant de sa carrière vient avec son second opéra qui mêle les styles dramatiques occidental et de l’opéra de Pékin, Marco Polo (1995), sur un argument de Paul Griffiths. Des passages oniriques (dans le style pékinois), transhistoriques, voient des apparitions de Dante, Shéhérazade, Freud, Mahler, John Cage. Une narration du célèbre voyage se tisse cependant entre ces intermèdes. Cet ensemble hétéroclite remporte le Prix Grawemeyer en 1998, ce qui propulse le musicien dans sa carrière planétaire. La même année, l’opéra Le Pavillon aux pivoines est créé dans la mise en scène de Peter Sellars.
1998 encore, année clef pour Tan, voit la composition du Concerto pour eau, qui marque déjà un aboutissement pour les « musiques organiques » qu’il compose pour des ensembles de percussions, de vents ou de cordes en céramique, papier ou eau. Ces nouvelles organologies, depuis plusieurs années, apparaissent ponctuellement dans les pièces de chambre, d’orchestre ou dramatiques. Elles culminent en 2002 dans Thé : Le Miroir de l’âme, nouvel opéra qui s’articule foncièrement avec elles, un acte pour chaque « élément ».
En 2000, la musique du célèbre film Tigre et Dragon offre un Oscar et une renommée plus vaste encore, populaire. Cette gloire est alimentée ensuite par d’autres musiques de films chinois, atemporels, présentant des héros experts en arts martiaux, Héros (2002), puis Le Banquet (2006). Chacun de ces trois succès engendre alors un concerto associé (telles les anciennes suites de concert qui prolongeaient les ballets), servi par un soliste de très grande renommée (respectivement le violoncelliste Yo-Yo Ma, le violoniste Itzhak Perlman et le jeune pianiste Lang Lang).
Le réalisateur du second film (Héros), Zhang Yimou, mettra en scène la première production du dernier opéra en date, Le Premier Empereur (2006), commande du Metropolitan Opera, dont le rôle titre est créé par Plácido Domingo.
Depuis, les consécrations internationales exceptionnelles se poursuivent encore. C’est notamment, en 2008, la commande par Youtube/Google d’une symphonie pour l’inauguration de leur orchestre symphonique (réunissant plus de trente nations). Tan Dun est nommé Ambassadeur de Bonne Volonté par l’UNESCO en 2013.