Premier compositeur japonais à avoir acquis une réputation internationale, Takemitsu a passé la première partie de son enfance jusqu’à l’âge de sept ans en Mandchourie, région chinoise occupée par les Japonais, où son père travaillait. Revenu au Japon, il poursuit sa scolarité jusqu’en 1944, date à laquelle il est mobilisé pour renforcer les bases japonaises en prévision de la prochaine invasion américaine. L’histoire politique du Japon depuis 1868 a oscillé entre l’intégration de la culture occidentale et des périodes protectionnistes de retour à la tradition nationale. Le contexte de la Deuxième guerre mondiale n’échappe pas à ce mouvement de balancier. Alors que la culture occidentale, et spécifiquement américaine, était totalement proscrite au Japon, le jeune Takemitsu, découvre au sortir de la guerre la célèbre chanson « Parlez-moi d’amour » qui l’impressionne profondément et dont il parlera encore avec émotion à la fin de sa vie. Il décide alors de devenir musicien et se forme en majeure partie de façon autodidacte, tout en recueillant parallèlement les conseils du compositeur Yasuji Kiyose. Bien qu’ayant été initié au koto par sa tante quand il était enfant, le jeune Takemitsu orientera clairement, dans un premier temps, ses choix en faveur de la musique occidentale aux dépens de la culture japonaise qu’il évitait consciemment : « Le Japon n’existait pour moi que dans un sens négatif. Du moins, quand j’ai décidé d’apprendre la musique occidentale moderne et d’en vivre, il me fallait rejeter le Japon » (Mirrors).

Nourri de musique occidentale écoutée à la radio, il découvre également les œuvres de CoplandPiston et Sessions, celle de Messiaen à laquelle il restera attaché toute sa vie, et se passionne pour les films de Capra et d’autres réalisateurs américains, prolongeant ainsi le goût prononcé de sa mère pour le cinéma. Après avoir écrit sa première œuvre marquante, Lento in due movimenti (piano, 1950), Takemitsu participe l’année suivante à la fondation du groupe Jikken Kobo (Atelier expérimental, 1951-1957), initié par le poète surréaliste Shuzo Takiguchi, et qui réunit des musiciens, poètes et plasticiens. Cela donne lieu à des concerts avec des expériences de relation entre musique et image (Joji Yuasa), et pour lesquels Takemitsu composera notamment Uninterrupted Rest I (1952) pour piano et Vocalism A.I. (1956) pour voix enregistrées sur bande sur les lettres du mot « ai » (amour). L’expérience du « Jikken Kobo » marque irrémédiablement Takemitsu qui pratiquera souvent le travail en collaboration avec d’autres artistes, au croisement entre des formes artistiques différentes — poésie, théâtre, arts plastiques, etc. — et plus encore pour le cinéma. Il épouse en 1954 l’actrice Asaka Wakayama.

Comme beaucoup de compositeurs japonais, Takemitsu découvre la musique sérielle, la musique concrète et la musique électronique au début des années cinquante. Peu après la création du studio de la NHK en 1955 amorçant les premières œuvres de musique concrète et électroniques japonaises (Mayuzumi), Takemitsu compose des musiques pour bande (Static Relief, 1955), des musiques pour la radio et la télévision, et aborde le cinéma avec ses premières partitions dès Hokusai en 1952 (sa musique ne sera finalement pas retenue et c’est Kiyose qui sera crédité au générique).

À la suite d’une visite au Japon de Stravinsky, qui manifesta un intérêt appuyé pour le Requiem pour orchestre à cordes (1957), la notoriété de Takemitsu acquiert peu à peu une dimension internationale. Il remporte diverses récompenses dans le cadre de festivals de musique contemporaine. Bien qu’il commence à s’intéresser à la musique traditionnelle japonaise après avoir découvert le théâtre de marionnettes (Bunraku), Takemitsu continue à dissocier ses origines culturelles et sa propre musique qui reste étrangère à cette source. C’est le contact avec les idées de John Cage à la fin des années cinquante, puis la rencontre entre les deux hommes en 1964, qui le conduira à réviser sa position en l’incitant à renouer avec sa propre culture : Eclipse pour biwa et shakuachi (1966), dont la notation relève autant du graphisme que de la tablature, et surtout November Steps pour les deux mêmes instruments traditionnels confrontés à un orchestre symphonique l’année suivante, constituent les étapes essentielles de la réintégration de la tradition japonaise dans la musique de Takemitsu, qui culminera avec In an Autumn Garden (1973) pour un orchestre de gagaku.

Les années soixante-dix sont celles de la consécration pour le compositeur – il est nommé directeur du Space Theater dans le cadre de l’exposition universelle d’Osaka en 1970 – dont le catalogue s’accroît de façon importante dans des domaines très divers. Il reçoit parallèlement de nombreux prix et honneurs internationaux qui ponctueront régulièrement ses dernières années.

La production de Takemitsu dans les années quatre-vingt sera majoritairement consacrée à alimenter les cycles « Waterscape » (Rain TreeRain Spell, Rain coming, etc.) et « Dream » (Dreamtime, Dream / Window, Rain Dreaming) qui coïncideront avec une musique de plus en plus consonante et dont le point culminant sera atteint avec Quotation of Dream (1991). La réconciliation entre les cultures est symbolisée dans le concept de « mer des tonalités » qui apparaît comme le maillon esthétique et musical entre l’orient et l’occident.

© Ircam-Centre Pompidou, 2010


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