informations générales

date de composition
1993-1995
date de révision
2002
durée
45 min
éditeur
Schott

genre

Musique concertante (Violon et orchestre)

effectif détaillé

Soliste(s)
violon

3 flûtes (aussi 3 flûtes piccolos, flûte alto), 3 hautbois (aussi cor anglais), 4 clarinettes (aussi 2 clarinettes basses), 2 bassons, cymbalum, 3 cors, 3 trompettes, 3 trombones, timbales, 3 percussionnistes, harpe, célesta, 6 violons, 6 violons II, 4 altos, 4 violoncelles, 3 contrebasses

informations sur la création

date
16 novembre 1995

Suisse, Lausanne, Théâtre de Beaulieu (mouvements I-III)

interprètes

Thomas Zehetmair : violon, Orchestre de la Suisse Romande, direction : Heinz Holliger ; 9 novembre 2002, mouvement IV, Allemagne, Heidelberg, Alte Universität, Aula, Heidelberger Biennale für Neue Musik 2002, par  Thomas Zehetmair : violon, SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg, direction : Heinz Holliger.


date
9 novembre 2002

(mouvement IV) Allemagne, Heidelberg

interprètes

Thomas Zehetmair : violon, SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg, direction : Heinz Holliger.

Note de programme

Le Concerto pour violon de Heinz Holliger résulte d'une commande de l'Orchestre de la Radio Suisse-Romande. Heinz Holliger s'est inspiré de l'œuvre du peintre suisse, Louis Soutter, qui fut en tant que violoniste membre de l'orchestre des débuts.

L'œuvre est fondée sur le double matériau de la biographie et des toiles de Soutter d'une part, d'une structuration musicale intrinsèque d'autre part, celle-ci composant celles-là.La relation entre le soliste et l'orchestre acquiert ainsi une signification qui dépasse la formule traditionnelle du concerto. Le violon est traité comme un personnage qui se projette à l'intérieur de l'orchestre, avant d'être happé par lui (une métaphore de l'existence de Soutter). Il est entouré d'un premier cercle d'instruments qui rappelle le concertino baroque : harpe, cymbalum et marimba, puis par un orchestre structuré en groupes de timbres homogènes formant des sortes de « chœurs » instrumentaux. Holliger avait pensé, dans un premier temps, utiliser des voix de femmes, en référence aux Nocturnes de Debussy (envisagés d'abord comme un concerto pour violon dédié à Ysaÿe).

Les mouvements sont enchaînés. Le premier, « Deuil », renvoie à un tableau que Soutter avait peint dans sa jeunesse : il représente sa sœur après la mort de leur père. Il est écrit dans un style qui évoque, d'une certaine manière, l'esthétique « fin de siècle » liée à la jeunesse de Soutter. Le violon, dans une phase initiale très lyrique, amplifie et transforme le thème de la Troisième Sonate pour violon solo d'Ysaÿe, dont Soutter avait été l'élève.

Dans le second mouvement, « Obsession » (le titre renvoie également à une sonate d'Ysaÿe). Le violon solo déploie un jeu virtuose et monomaniaque, fondé sur des réitérations, des ostinati, des figures rythmiques irrégulières où planent les fantômes du premier Stravinsky, ainsi que de Bartók et Veress. Mais sous l'apparente légèreté de la danse, résonnent les notes du Dies Irae (comme dans la sonate n° 2 d'Ysaÿe) : prémonition de l'apocalypse. L'agitation de cette partie de l'œuvre fait référence aux dessins à la plume de Soutter, à ces figurations nerveuses, rythmiques, compulsives, qui semblent nées d'une obsession physique et qui rappellent le mouvement du poignet tenant l'archet du violon.

Le troisième mouvement, « Ombres » (il existe une toile de Soutter intitulée Danse et Ombres), est un adagio dans lequel la matière sonore se raréfie et se spiritualise et où s'opposent deux types d'écriture très contrastés. On y entend resurgir des éléments des mouvements précédents. Dès le début, les instruments à vent entonnent une sorte de choral très doux, tandis que les cordes déploient des accords et des figurations en harmoniques (puis de longues sections en trilles). A ces textures raffinées s'opposent des figures répétitives, fortement caractérisées rythmiquement, et qui culminent dans un finale violent, figé sur des gestes obsessionnels joués fortissimo ; à la fin, le violon solo est confronté à la seule percussion (un hommage possible à Stravinsky). L'écriture en accords, les effets de clair-obscur, le caractère tragique du mouvement, tout renvoie ici aux toiles que Soutter peignait directement avec les doigts.

Le quatrième et dernier mouvement, qui n'est toujours pas écrit à ce jour (1996), reprend le titre d'un tableau que Soutter peignit le jour même de la déclaration de la Seconde Guerre et dont le titre, Avant le Massacre, résonne comme une menace et un appel à la conscience de ses concitoyens.

Holliger a toujours évité « le juste milieu » dans son écriture musicale : les instruments, chez lui, sont utilisés dans leurs possibilités les plus étendues, au-delà même des limites habituelles. Les techniques de jeu non conventionnelles sont intégrées à une écriture rigoureuse et virtuose, les sons « déformés » croissant avec l'expressivité de l'œuvre. Les sonorités, souvent inouïes, proviennent aussi bien des rapports harmoniques intrinsèques que des mélanges inédits entre les instruments, les techniques de jeu non conventionnelles et une utilisation très raffinée de la percussion modifiant les timbres et les spectres harmoniques. Ces sonorités parfois indéfinissables et difficiles à « localiser » n'existent cependant pas pour elles-mêmes : elles reposent sur une riche articulation de phrases musicales, de structures « thématiques » et harmoniques où l'on retrouve le lyrisme propre à Holliger, dont les racines sont dans la musique expressionniste (Berg et Webern, mais aussi Bartók).

Chaque élément est pris dans un réseau de relations signifiantes : même si le compositeur évite les répétitions textuelles ou les développements traditionnels, les figures mélodiques, harmoniques ou rythmiques sont intimement liées entre elles. Holliger parvient ainsi à une logique harmonique faite de progressions organiques, d'oppositions et de transitions subtiles.

L'écriture du violon solo doit beaucoup, en ce qui concerne son aspect technique, à celle des sonates d'Ysaÿe, dont elle développe plusieurs « gestes » techniques et « thématiques », ainsi qu'à Bartók et Stravinsky. Elle exige une virtuosité qui n'est pas seulement liée à la rapidité d'exécution et à l'exubérance du jeu, mais aussi (et surtout) à la qualité et au contrôle des sonorités, des articulations mélodiques et rythmiques. De même que le Concerto traduit, à travers le médium de la musique, le monde intérieur de son auteur en résonance avec celui de Louis Soutter, de même impose-t-il aux musiciens un jeu expressif dans l'esprit de la musique de chambre, y compris dans les passages les plus frénétiques ou les plus ludiques. D'une manière générale, comme dans toute la musique de Holliger, les éléments contraires ne fusionnent pas dans le tout, mais coexistent, créant des tensions expressives sans résolution qui se prolongent au-delà de l'œuvre elle-même. Les mouvements de danse du second mouvement ne cachent-ils pas cette colère divine que les notes du Dies Irae font résonner à travers les siècles, et qui nous taraudent, de façon obsédante, « avant le massacre » ?



Philippe Albèra, 1996.

Titres de parties

  1. Deuil
  2. Obsession
  3. Ombres
  4. Avant le massacre

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