mise à jour le 30 mai 2022
© Kate Mount

Gavin Bryars

Compositeur et contrebassiste britannique né le 16 janvier 1943 à Goole, Yorkshire.

Après avoir suivi des leçons de piano jusqu’à l’âge de 18 ans, Gavin Bryars découvre le jazz à l’orée des années 1960 et débute l’apprentissage de la contrebasse parallèlement à ses études de philosophie à l’Université de Sheffield. Avec le guitariste Derek Bailey et le batteur Tony Oxley, il forme en 1964 le Joseph Holbrooke Trio, formation phare du free jazz européen. En 1966, il délaisse l’instrument et abandonne l’improvisation pour se consacrer à la composition. Il travaille auprès de John Cage aux États-Unis et côtoie le compositeur Cornelius Cardew et le pianiste John Tilbury, figures de la musique expérimentale britannique. À partir de 1969, il enseigne au Portsmouth College of Art, où il est l’un des initiateurs du Portsmouth Sinfonia, orchestre mêlant musiciens et non-musiciens dont les relectures iconoclastes du répertoire classique remportent un succès inattendu. En 1972, il prend en charge la gestion du Experimental Music Catalogue fondé par Christopher Hobbs, qu’il dirigera jusqu’à sa fermeture en 1981. En 1975, Brian Eno publie sur son label Obscure Records un disque regroupant plusieurs œuvres de Gavin Bryars, dont The Sinking of the Titanic (1969) et Jesus’ Blood Never Failed Me Yet (1971) lui valent rapidement une renommée internationale. Durant toute cette décennie, il est très proche des compositeurs du courant minimaliste : à l’instar de ceux-ci, il fonde en 1981 son propre ensemble, au sein duquel il lui arrivera de retrouver son instrument de prédilection ; en 2001 viendra la création de son label discographique, GB Records.

Le début des années 1980 marque un nouveau point d’inflexion dans son parcours. Assumant son amour pour le postromantisme de Strauss, Busoni ou Zemlinsky — qui s’exprime notamment dans son premier opéra, Medea, mis en scène en 1984 par Bob Wilson à l’Opéra de Lyon —, il va dès lors entreprendre de revisiter neuf siècles d’histoire de la musique occidentale, de Pérotin et Palestrina à Webern, Takemitsu ou Bill Evans, en passant par Schubert, Alkan, Wagner ou Saint-Saëns, d’une manière moins postmoderne que « posthistorique », selon le mot de David Christoffel. Il ne dédaigne pas les genres canoniques : sous-titré « Between the National and the Bristol », son Quatuor à cordes n°1 est créé en 1985 aux Wiener Festspiele par le Quatuor Arditti, et enregistré l’année suivante pour le label ECM (sur le CD Three Viennese Dancers). À la fin de cette même décennie, sa rencontre avec les musiciens du Hilliard Ensemble va donner naissance à de nombreuses pièces vocales, de Glorious Hill (1988) à son premier Livre de Madrigals (1998-2000), sur des sonnets de Pétrarque, qui comprend aujourd’hui six recueils.

À partir de 1986, Gavin Bryars obtient une chaire au Leicester Polytechnics (actuelle De Montfort University), dont il avait fondé le département Musique huit années plus tôt. Il cesse d’enseigner en 1994 (il sera tout de même enseignant-chercheur au Darlington Col-lege of Arts de 2006 à 2009) pour se consacrer exclusivement à la composition ; il signe la même année un contrat avec l’éditeur Schott. Depuis lors, son œuvre profuse et protéiforme, aussi érudite qu’iconoclaste, n’a cessé de se développer dans de nombreuses directions, souvent inattendues, pour compter aujourd’hui plus de 200 opus, parmi lesquels la musique vocale — imprégnée de sa passion pour les répertoires du Moyen-Âge et de la Renaissance — et la musique de chambre occupent une place de choix.

Au nombre de ses pièces marquantes, on peut citer entre autres le concerto pour violoncelle Farewell to Philosophy (1995), Adnan Songbook, sur des poèmes d’Etel Adnan (1996), New York, double concerto inaugurant une fructueuse collaboration avec les Percussions Claviers de Lyon (2004), The Stones of The Arch, composé pour le 70e anniversaire de Steve Reich (2006), Dido and Orfeo, d’après Purcell et Gluck (2011)… Son quatrième opéra, Marilyn Forever, créé à Victoria (Canada), est un opéra de chambre qui a fait l’objet de plusieurs productions. Également un opéra de chambre, The Collected Works of Billy the Kid, sur un livret de Michael Ondaatje, a été créé à Lyon en 2018. En 2020, 22 ans après le précédent, voit le jour son Quatuor n°4. Gavin Bryars est également l’auteur d’un cycle de 54 Laudes, entamé en 1998 et fondé sur le Laudaire de Cortone, manuscrit italien de la seconde moitié du XIIe siècle.

Outre ses collaborations avec des artistes venus d’autres univers musicaux, tels que le jazz, la musique folklorique ou le rock (Tom Waits, Natalie Merchant, Gavin Friday, Bertrand Belin, le duo Midget), Gavin Bryars a régulièrement travaillé avec des chorégraphes — Merce Cunningham, (Biped, 1999), Carolyn Carlson ou Edouard Lock — et des plasticiens — Juan Muñoz, Christian Boltanski, les frères Quay —, concevant lui-même des installations pour la Tate Gallery Liverpool (1988), le Château d’Oiron (1993) ou la Biennale d’Architecture de Valence (2022). Homme d’une curiosité et d’une érudition panoramiques, il a par ailleurs mené des recherches approfondies sur ces figures d’excentriques qui le passionnent : Lord Berners, Érik Satie ou Marcel Duchamp, ce qui lui a valu dès 1974 d’être invité à intégrer le Collège de ‘Pataphysique, dont il a rejoint en 2015 — comme avant lui Jacques Prévert, Joan Miró, Man Ray ou Umberto Eco — le sommet de la hiérarchie : le Transcendant Corps des Satrapes. Gavin Bryars est également un fin connaisseur de l’œuvre de Jules Verne, qui lui inspirera plusieurs compositions, parmi lesquelles son deuxième opéra, Doctor Ox’s Experiment (créé en 1998 à l’English National Opera dans une mise en scène du Canadien Atom Egoyan), ou By the Vaar (1987), pièce pour contrebasse et orchestre écrite pour le contrebassiste Charlie Haden.

Marié à la cinéaste d’origine russe Anna Tchernakova, Gavin Bryars vit et travaille entre le Leicestershire (Angleterre) et la Colombie britannique (Canada).


© Ircam-Centre Pompidou, 2022

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(liens vérifiés en avril 2022).