AprĂšs avoir suivi des leçons de piano jusqu’à l’ñge de 18 ans, Gavin Bryars dĂ©couvre le jazz Ă  l’orĂ©e des annĂ©es 1960 et dĂ©bute l’apprentissage de la contrebasse parallĂšlement Ă  ses Ă©tudes de philosophie Ă  l’UniversitĂ© de Sheffield. Avec le guitariste Derek Bailey et le batteur Tony Oxley, il forme en 1964 le Joseph Holbrooke Trio, formation phare du free jazz europĂ©en. En 1966, il dĂ©laisse l’instrument et abandonne l’improvisation pour se consacrer Ă  la composition. Il travaille auprĂšs de John Cage aux États-Unis et cĂŽtoie le compositeur Cornelius Cardew et le pianiste John Tilbury, figures de la musique expĂ©rimentale britannique. À partir de 1969, il enseigne au Portsmouth College of Art, oĂč il est l’un des initiateurs du Portsmouth Sinfonia, orchestre mĂȘlant musiciens et non-musiciens dont les relectures iconoclastes du rĂ©pertoire classique remportent un succĂšs inattendu. En 1972, il prend en charge la gestion du Experimental Music Catalogue fondĂ© par Christopher Hobbs, qu’il dirigera jusqu’à sa fermeture en 1981. Ses premiĂšres compositions sont pour plupart des piĂšces « Ă  protocole Â» marquĂ©es par Fluxus et l’art conceptuel, incorporant souvent les bandes magnĂ©tiques. En 1975, premiĂšre rĂ©fĂ©rence du label de Brian Eno, Obscure Records, le disque regroupant The Sinking of the Titanic (1969) et Jesus’ Blood Never Failed Me Yet (1971) lui vaut rapidement une renommĂ©e internationale. Durant toute cette dĂ©cennie, il est trĂšs proche des compositeurs du courant minimaliste : Ă  l’instar de ceux-ci, il fonde en 1981 son propre ensemble, au sein duquel il lui arrivera de retrouver son instrument de prĂ©dilection ; en 2001 viendra la crĂ©ation de son label discographique, GB Records.

Le dĂ©but des annĂ©es 1980 marque un nouveau point d’inflexion dans son parcours. Assumant son amour pour le postromantisme de Strauss, Busoni ou Zemlinsky â€” qui s’exprime notamment dans son premier opĂ©ra, Medea, mis en scĂšne en 1984 par Bob Wilson Ă  l’OpĂ©ra de Lyon â€”, il va dĂšs lors entreprendre de revisiter neuf siĂšcles d’histoire de la musique occidentale, de PĂ©rotin et Palestrina Ă  Webern, Takemitsu ou Bill Evans, en passant par Schubert, Alkan, Wagner ou Saint-SaĂ«ns, d’une maniĂšre moins postmoderne que « posthistorique Â», selon le mot de David Christoffel. Il ne dĂ©daigne pas les genres canoniques : sous-titrĂ© « Between the National and the Bristol Â», son Quatuor Ă  cordes n°1 est crĂ©Ă© en 1985 aux Wiener Festspiele par le Quatuor Arditti, et enregistrĂ© l’annĂ©e suivante pour le label ECM (sur le CD Three Viennese Dancers). À la fin de cette mĂȘme dĂ©cennie, sa rencontre avec les musiciens du Hilliard Ensemble va donner naissance Ă  de nombreuses piĂšces vocales, de Glorious Hill (1988) et Cadman’s Requiem (1989) Ă  son premier Livre de Madrigals (1998-2000), sur des sonnets de PĂ©trarque, qui comprend aujourd’hui six recueils.

À partir de 1986, Gavin Bryars obtient une chaire au Leicester Polytechnics (actuelle De Montfort University), dont il avait fondĂ© le dĂ©partement Musique huit annĂ©es plus tĂŽt. Il cesse d’enseigner en 1994 (il sera tout de mĂȘme enseignant-chercheur au Darlington College of Arts de 2006 Ă  2009) pour se consacrer exclusivement Ă  la composition ; il signe la mĂȘme annĂ©e un contrat avec l’éditeur Schott. Depuis lors, son Ɠuvre profuse et protĂ©iforme, aussi Ă©rudite qu’iconoclaste, n’a cessĂ© de se dĂ©velopper dans de nombreuses directions, souvent inattendues, pour compter aujourd’hui plus de 200 opus, parmi lesquels la musique vocale â€” imprĂ©gnĂ©e de sa passion pour les rĂ©pertoires du Moyen-Âge et de la Renaissance â€” et la musique de chambre occupent une place de choix. Gavin Bryars est ainsi l’auteur d’un cycle de 54 Laudes, entamĂ© en 1998 et fondĂ© sur le Laudaire de Cortone, manuscrit italien de la seconde moitiĂ© du XIIe siĂšcle.

Au nombre de ses autres piĂšces marquantes, on peut citer entre autres le concerto pour violoncelle Farewell to Philosophy (1995), Adnan Songbook, sur des poĂšmes d’Etel Adnan (1996), New York, double concerto inaugurant une fructueuse collaboration avec les Percussions Claviers de Lyon (2004), The Stones of The Arch, composĂ© pour le 70e anniversaire de Steve Reich (2006), Dido and Orfeo, d’aprĂšs Purcell et Gluck (2011)
 Son quatriĂšme opĂ©ra, Marilyn Forever, crĂ©Ă© Ă  Victoria (Canada), est un opĂ©ra de chambre qui a fait l’objet de plusieurs productions. Également un opĂ©ra de chambre, The Collected Works of Billy the Kid, sur un livret de Michael Ondaatje, a Ă©tĂ© crĂ©Ă© Ă  Lyon en 2018. En 2020, 22 ans aprĂšs le prĂ©cĂ©dent, voit le jour son Quatuor n°4. SuccĂ©dant Ă  ceux pour saxophone, pour violoncelle, pour piano, pour violon et pour contrebasse, son concerto pour clavecin, Liverpool, a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en mars 2023 dans la ville du mĂȘme nom.

Outre ses collaborations avec des artistes venus d’autres univers musicaux, tels que le jazz, la musique folklorique ou le rock (Tom Waits, Natalie Merchant, Gavin Friday, Bertrand Belin, le duo Midget), Gavin Bryars a rĂ©guliĂšrement travaillĂ© avec des chorĂ©graphes â€” Lucinda Childs (Four Elements, 1990), Merce Cunningham (Biped, 1999), Carolyn Carlson ou Edouard Lock â€” et des plasticiens â€” Juan Muñoz, Christian Boltanski, les frĂšres Quay â€”, concevant lui-mĂȘme des installations pour la Tate Gallery Liverpool (1988), le ChĂąteau d’Oiron (1993) ou la Biennale d’Architecture de Valence (2022). Homme d’une curiositĂ© et d’une Ă©rudition panoramiques, il a par ailleurs menĂ© des recherches approfondies sur ces figures d’excentriques qui le passionnent : Lord Berners, Érik Satie ou Marcel Duchamp, ce qui lui a valu dĂšs 1974 d’ĂȘtre invitĂ© Ă  intĂ©grer le CollĂšge de ‘Pataphysique, dont il a rejoint en 2015 â€” comme avant lui Jacques PrĂ©vert, Joan MirĂł, Man Ray ou Umberto Eco â€” le sommet de la hiĂ©rarchie : le Transcendant Corps des Satrapes. Gavin Bryars est Ă©galement un fin connaisseur de l’Ɠuvre de Jules Verne, qui lui inspirera plusieurs compositions, parmi lesquelles son concerto pour saxophone The Green Ray (1981), son deuxiĂšme opĂ©ra, Doctor Ox’s Experiment (crĂ©Ă© en 1998 Ă  l’English National Opera dans une mise en scĂšne du Canadien Atom Egoyan), ou By the Vaar (1987), piĂšce pour contrebasse et orchestre Ă©crite pour le contrebassiste Charlie Haden.

MariĂ© Ă  la cinĂ©aste d’origine russe Anna Tchernakova, Gavin Bryars vit et travaille entre le Leicestershire (Angleterre) et la Colombie britannique (Canada).

© Ircam-Centre Pompidou, 2022


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