Lindberg avait déjà promis d'écrire un concerto pour piano pour le Festival d'Helsinki, mais le projet initial s'était transformé en Kraft en 1985. Son premier concerto, dans le sens classique du terme, vit le jour en 1991, sous un titre anglais probablement en signe d'amitié envers son dédicataire, le pianiste britannique Paul Crossley. Le piano n'est pas traité ici comme un instrument de percussion, comme dans la plupart des concertos pour piano de ce siècle. Plutôt que par Bartók, l'écriture semble être influencée par Ravel, à qui Lindberg doit son instrumentation, presque identique au Concerto en sol majeur du compositeur français.
Piano Concerto n° 1 est joué attacca du début jusqu'à la fin, mais il est marqué par les trois mouvements d'un concerto traditionnel. Le premier mouvement est dynamique et évolutif, proposant, à la manière de Joy, des processus successifs s'épanouissant en différentes directions. Le deuxième mouvement, sorte de concerto grosso où alternent sections solistiques et orchestrales, est de caractère lent, même si le piano étincelle vivement sur un fond immobile. Le troisième mouvement, un long processus, commence par un ensemble de quatre violons jouant des figures énergiques et avance progressivement vers le climax, agrégat harmonique figé. La deuxième partie du troisième mouvement revient graduellement vers les sonorités du début de la pièce, avec cette fois quelques subtiles références aux Préludes de Debussy. Une autre citation discrète peut être remarquée au milieu de la pièce : La Valse triste de Sibelius, comme un hommage aux versions de cette pièce improvisée lors des concerts de l'ensemble Toimii.
Après la création au Festival d'Helsinki, Lindberg souhaitait quelques modifications et coupures dans la pièce dont il n'était pas entièrement satisfait. Quelques retouches furent effectuées à l'occasion du concert du festival Stockholm New Music en mars 1993, mais, selon le compositeur, la pièce n'a pas encore trouvé sa forme définitive. Piano Concerto n°1 marque un changement dans la pratique d'écriture de Lindberg : c'est la première fois qu'il réalise une partition sur ordinateur à l'aide du logiciel de notation Finale. Auparavant, il avait toujours écrit ses partitions à la main, laissant ainsi beaucoup d'esquisses pour les musicologues s'intéressant à la genèse d'une œuvre musicale. Toutes les pièces écrites après ce concerto sont réalisées directement sur ordinateur.
Risto Nieminen, « Magnus Lindberg », Les Cahiers de l'Ircam, coll. « Compositeurs d'Aujourd'hui » n° 3.