Né au Pays basque, pays de sa mère, Maurice Ravel a des ascendances savoyarde et suisse du côté de son père, homme avisé qui suit attentivement l’éducation artistique de l’enfant. Entré au Conservatoire de Paris en 1889, à l’âge de quatorze ans, le tout jeune homme y bénéficie, notamment, de l’enseignement de Gabriel Fauré, qui décèle en lui «une nature musicale très éprise de nouveauté, avec une sincérité désarmante». En 1901, sa cantate Myrrha lui vaut un second prix au Concours de Rome. Mais son modernisme et ses dons exceptionnels lui valent aussi l’inimitié des traditionnalistes, comme Théodore Dubois, directeur du Conservatoire de Paris, qui ne voit en lui qu’un «révolutionnaire» osant admirer Chabrier et fréquenter Satie !
En 1905, Ravel est déjà très connu. Ses premières oeuvres (Menuet antique, Habanera, 1895 ; Jeux d’eau, 1901 ; Quatuor en fa et Schéhérazade, 1903) ont été remarquées et discutées. C’est entre 1905 et 1913 qu’il composera l’essentiel de son oeuvre. En 1910, il est l’un des cofondateurs de la Société musicale indépendante (S.M.I.), créée pour s’opposer à la très conservatrice Société nationale de musique, contrôlée par Vincent d’Indy. Si les Valses nobles et sentimentales et L’Heure espagnole, montée à l’Opéra-Comique en 1911, passent relativement inaperçues, ce n’est pas le cas de Daphnis et Chloé, créé aux Ballets russes en 1912 sur une commande de Diaghilev, une chorégraphie de Fokine, avec Nijinski, Karsavina et Pierre Monteux au pupitre.
Viennent ensuite ses Trois poèmes de Stéphane Mallarmé, composés sous l’influence de Stravinsky qui lui fait découvrir ses propres Poèmes de la lyrique japonaise et le Pierrot lunaire de Schoenberg. La guerre met un terme provisoire à cette intense production, après le Trio pour piano, violon et violoncelle (1914) et, alors qu’il vient d’être démobilisé, le Tombeau de Couperin (1914-1917), dédié à ses amis morts au combat. Il ne se remettra activement à la composition qu’en 1919, reprenant son projet de La Valse, qui ne sera créée qu’en 1928. Son style évolue, à la recherche d’un art plus dépouillé, comme l’atteste sa Sonate pour violon et violoncelle (1920-1922), manifestation extrême de son renoncement aux charmes harmoniques, ce qui n’empêchera pas les oeuvres de sa dernière période, L’Enfant et les sortilèges (1925) ou les deux Concertos pour piano et orchestre (1929-1931), de libérer un lyrisme et une imagination stupéfiants, quoique maîtrisés. Après deux tournées de concerts aux Etats-Unis (1928) et en Europe centrale (1931), Ravel peut constater quelle est sa célébrité à l’étranger. Dès 1933, il ressent les premières atteintes de l’affection cérébrale qui l’emportera en 1937, après une vaine intervention chirurgicale.
L’oeuvre de Maurice Ravel est aujourd’hui unaniment admirée pour son lyrisme et sa féérie, la perfection de l’écriture et de l’instrumentation, la maîtrise de ses paroxysmes, l’équilibre subtil entre la limpidité et la sensualité, ses «frottements de chatte amoureuse» dont parlait Vuillermoz. Ravel, qui trouve sa liberté dans la discipline, a assoupli et enrichi le langage harmonique de son époque, recourant aux modes médiévaux, aux échelles défectives de l’Extrême-Orient, mais sans rompre avec le système tonal.