La conception formelle de l'œuvre est apparentée aux autres pièces instrumentales de Kurtág de la même époque : une suite de mouvements brefs (leur enchaînement est parfois marqué attacca) qui, selon leurs correspondances internes, s'organisent en paires ou en groupes ; si bien que la grande forme se profile sans solution de continuité, malgré le fait que ses composantes individuelles sont des entités closes (les différents mouvements ne peuvent pas être exécutés séparément, car chacun d'eux présuppose les autres).
La période créatrice qui s'ouvre avec le Quatuor à cordes op. 1 est un nouveau départ ; après un voyage d'étude à Paris (Kurtág fut l'élève de Marianne Stein, il suivit les cours d'Olivier Messiaen et de Darius Milhaud), le compositeur a construit à neuf son univers musical – en profitant de sa connaissance récemment acquise de la musique contemporaine, mais surtout, en développant les conséquences de son étude minutieuse de l'art d'Anton Webern.
Il serait toutefois abusif de voir dans l'utilisation de formes brèves une simple influence webernienne : si l'œuvre de Webern, dans sa période médiane, se caractérise par une simplification extrême, Kurtág prend quant à lui pour point de départ des mouvements élémentaires, des gestes, des cellules motiviques. Ses formes sont donc difficiles à approcher en termes de logique compositionnelle : chez lui, l'élément le plus important est toujours la continuité formelle.
Avec le Quintette à vents op. 2, les Huit pièces pour piano op. 3 et Jelek op. 5, les Huit duos sont caractéristiques d'une seconde strate de cette période créatrice. L'instrumentation – inhabituelle – est également présente dans d'autres œuvres de Kurtág (Egy téli alkony emlékére, op. 8), et le cymbalum commence à jouer un rôle de premier plan à partir de l'op. 4.
András Wilheim, programme du Festival d'Automne à Paris, cycle Kurtag.