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Composé par Vittorio Montalti
Référence directe à la Tentative d’épuisement d’un lieu parisien de Georges Perec, cette pièce pour ensemble et électronique fait partie d’une série que j’ai entreprise depuis quelques années autour de la thématique de la ville et de la vie parisienne. J’ai découvert Perec en lisant La Vie, Mode d’Emploi, lorsque j’étudiais encore en Italie — j’ai croisé son nom en lisant les travaux d’un mathématicien universitaire traitant des liens entre mathématiques et arts : il consacrait une partie de ses travaux à l’Oulipo et à Perec. J’ai immédiatement été fasciné par les jeux sur le langage, par l’écriture à contrainte (je m’impose également un certain nombre de contraintes dans ma pratique de la composition), et par ses descriptions de la ville.
Pour écrire Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, Georges Perec s’est installé pendant trois jours place Saint-Sulpice, dans le 6e arrondissementde Paris. Assis à la terrasse des cafés ou sur les bancs publics, il a observé la place à différents moments de la journée, prenant note de tout ce qu’il voyait : gens, voitures, autobus, animaux, nuages… des choses apparemment insignifiantes, mais qui rendent compte de la vie d’une grande ville.
Les images que Perec décrit, à première vue à peine anecdotiques, tissent un réseau d’histoires qui guident la composition de ma pièce en donnant vie à différentes figures musicales : la femme qui passe avec une baguette sous le bras, les pigeons qui volent d’un point à un autre de la place, la jeune fille qui fume une cigarette en attendant l’arrivée de son petit ami, le passage des autobus… Les figures alternent, se chevauchent, se croisent et reviennent, dans la même journée, ou d’un jour à l’autre — dans une écriture qui relève parfois du montage cinématographique.
J’ai également voulu suggérer les changements de perspective de l’observateur (Perec se déplace toutes les deux heures, du Tabac Saint-Sulpice au Café de la Mairie en passant par la fontaine Saint-Sulpice) et les changements dans son attitude. Au début, l’écriture a manifestement la prétention d’être extrêmement objective, prenant même la forme d’un inventaire. Puis Perec se laisse aller, de temps à autre, à formuler des pensées et des réflexions plus subjectives. La répétition d’événements ordinaires le conduit à imaginer des digressions qui créent de légers écarts dans la forme de l’essai. On constate aussi qu’il s’ennuie de son exercice : le premier jour fait 24 pages, le deuxième, 12, et le troisième 7. Son matériau s’épuise (ou l’épuise), et ma musique devient plus elliptique.
Les trois journées sont l’occasion de décliner, de trois manières différentes, l’idée d’hétérophonie dans l’écriture musicale — non pas des lignes musicales plus ou moins identiques et plus ou moins décalées, mais plutôt de visions de différents objets dans leurs interactions avec le monde.
Vittorio Montaldi, propos recueillis par Jérémie Szpirglas, ManiFeste 2013.
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