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Composé par Juan Pablo Carreño , concert du 13 juillet 2008
Que peut changer une note de programme, dans ce monde d’indifférents, paresseux, lâches, assassins, égoïstes, menteurs, qui fermons les yeux pour faire comme si toutes les atrocités possibles que nous commettons quotidiennement contre tout ce qui existe, n’existaient pas. Nous sommes indifférents face aux massacres dont ont souffert les indigènes de l’Amazonie qui ont résisté au contact avec nous, nous qui vivons dans cette société civilisée dévastatrice, indifférents face à ces massacres commis par des entreprises de bois, pétrole, mines, caoutchouc. En Colombie, les indigènes sont massacrés par les paramilitaires, tués par les narcotrafiquants et exécutés par la guérilla, quand ce n’est pas par d’autres mains assassines, de celles qui ne manquent pas dans ce pays de fous. Les indiens sont sales, pauvres et ne valent rien. Nous, les Colombiens, représentons très bien cette race humaine carnivore, sans pitié et hypocrite.
En Colombie, plus de 50% de la population justifient les crimes de l’extrême droite appelée le para-militarisme. Et d’autres, moins nombreux, justifient ceux de l’extrême gauche armée, la guérilla. Et, sans compter les milliers de colombiens qui souffrent de la violence, peu nous importe qu’on décapite des gens à coups de pieds ou qu’on découpe des paysans vifs quand ils ne sont pas du coté de ceux qui les découpent. Nous sommes habitués à une vie tranquille dans laquelle la violence frappe à la porte du voisin professeur, étudiant, syndicaliste, etc.
Il faut résister contre cette partie égoïste et égocentrique du travail du compositeur, qui est de justifier ou écrire sur une oeuvre, quand on pourrait dans le même espace, insister sur les choses que l’on dit tous les jours, même si elles n’importent à personne. En Colombie, nous sommes tous des assassins par action ou par omission. Il y a quelques mois, un bon Colombien m’a demandé : pourquoi, au lieu de parler des mauvaises choses que font les Colombiens, qui te tourmentent tant, tu ne parles pas des choses bonnes qu’il y a en Colombie ?
Quand je lui ai demandé quelles étaient ces choses et qu’il a commencé à parler des paysages, de la cuisine, des femmes, je me suis rendu compte que nous méritons toutes nos disgrâces. Je ne peux pas parler de ces paysages, comme je ne peux pas parler de cette pièce, quand c’est dans ces mêmes terres que l’on découpe à la scie électrique des paysans vivants. Et je n’en ai pas envie non plus.
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