Iris ter Schiphorst commence très jeune des études de piano, puis à 22 ans apprend aussi la basse et la batterie. Elle étudie par la suite le théâtre et la philosophie à Berlin et assiste aux cours de Dieter Schnebel, Luigi Nono et Helga de la Motte-Haber. Riche d’une longue expérience de musicienne en tant que pianiste mais aussi bassiste, batteuse, claviériste et ingénieure du son dans diverses formations pop-rock, elle devient compositrice autodidacte vers quarante ans.
Intéressée par les travaux de Derrida, Barthes, mais aussi Hélène Cixous, la philosophe Eva Meyer et la linguiste Luce Iriguaray, les compositions de Iris ter Schiphorst interrogent pour beaucoup le rapport au langage. Cet aspect de son œuvre rend d’autant plus significatif ses quinze projets en collaboration avec Helmut Oehring, fils de parents sourds-muets, avec qui elle compose régulièrement pour des personnes sourdes-muettes, comme c’est le cas dans le théâtre musical Bernarda Albas Haus (1999), EFFI BRIEST (2000), Mischwesen (1998), Polaroids (1996) et rumgammeln + warten (2001). En intégrant la langue des signes dans ses travaux, la compositrice cherche à ramener le langage à ses origines graphiques.
En s’inspirant des travaux de Lacan sur la perception de l’altérité, la compositrice fait se rencontrer son intérêt pour le langage et son engagement politique, prégnant dans son œuvre ; la pièce Das Imaginäre nach Lacan (2017) en faisant dire les mêmes textes (des poèmes arabes anciens) par des locuteurs identifiés par leurs vêtements comme occidentaux ou non interroge notre rapport à nos interlocuteurs et la réception que nous pouvons faire de leur énoncé en fonction de nos préjugés archétypaux.
La compositrice dit plus généralement composer sur des sujets qui la mettent en colère. À ce titre, son œuvre porte un fort aspect politique, présent dans Zerstören I (« Destruction », 2005) pour ensemble qui est une réaction à l’attentat du World Trade Center. … meine-keine Lieder/die Aufgabe von Musik (2014) porte son regard sur le climat intellectuel allemand sous le régime nazi au travers des poèmes d’Inge Müller. Elle s’engage plus récemment sur la question de la liberté d’expression avec sa composition Assange: Fragmente einer Unzeit (2019) pour voix de femme, ensemble et sampler, par laquelle elle apporte son soutien au fondateur de Wikileaks. Ses réflexions se prolongent dans une activité de documentariste : elle a notamment réalisé Volk unter Verdacht (Le peuple suspect) qui traite des méthodes des services secrets de la République démocratique allemande.
Elle travaille avec de nombreux ensembles, parmi lesquels le London Sinfonietta, l’Ensemble modern, l’Ensemble recherche, l’Ensemble ictus, l’Ensemble Mosaik, Neue Vokalsolisten, BIT-20 Ensemble, l’Ensemble Musikfabrik, l’Ensemble Ascolta, et le quatuor Arditti.
Iris ter Schiphorst a reçu de nombreux prix et bourses, dont le Prix des femmes artistes de Heidelberg en 2015. Depuis 2013, elle est membre de l’Académie des arts de Berlin et, depuis 2015, professeur de composition multimédia à l’Université de musique et des arts du spectacle de Vienne.
Ses œuvres sont publiées par Boosey & Hawkes, Berlin.