Né en 1930 à Bilbao (Espagne), Luis de Pablo a commencé très jeune ses études musicales, puis a étudié le droit à l’université Complutense de Madrid, dont il a été diplômé en 1952. Intéressé par les formes les plus modernes de l’art et ayant une vocation musicale, Luis de Pablo, alors avocat de la compagnie aérienne Iberia, entreprend de compléter sa formation par l’étude personnelle et intense des principales partitions du XXe siècle, tout en s’exerçant, en autodidacte, à la composition. À la fin des années 1950, il abandonne le droit et commence à présenter ses oeuvres. En 1958, il fonde avec Ramón Barcé le groupe Nueva Música, auquel participe également Cristóbal Halffter.
Dans les années 1960, tout en continuant à composer, il développe une intense activité pour la promotion de la musique moderne dans son pays : conférencier, analyste (notamment des oeuvres de Webern), traducteur de la biographie de Schoenberg par Stuckenschmidt et des principaux écrits de Webern, alors inédits en Espagne. Éditeur, fondateur des concerts « Tiempo y Música » en 1959 (où seront créés en Espagne Le Marteau sans maître et les trois sonates pour piano de Boulez, ainsi que Zeitmasse de Stockhausen) et du groupe « Alea » en 1965, premier studio électroacoustique espagnol. Il organise également les concerts des « Jeunesses musicales » de 1960 à 1963 et une biennale de la musique contemporaine à partir de 1964.
Par cette activité et ses oeuvres, Luis de Pablo a sorti l’Espagne de l’isolement culturel où l’avait plongée le franquisme, il a introduit le sérialisme dans un pays où la musique s’était arrêtée depuis la guerre civile à l’esthétique folklorisante de Pedrell ou de Falla, et a réussi à imposer la jeune musique espagnole sur la scène internationale : Darmstadt, Donaueschingen et Paris.
Lui-même se rend à Darmstadt au début des années 1960, il y rencontre Bruno Maderna, Pierre Boulez, György Ligeti, Karlheinz Stockhausen, puis va à Paris pour y suivre les cours de Max Deutsch, ancien élève de Schoenberg. La musique de Luis de Pablo reflète alors les tendances de toute une génération qui tente de renouveler le sérialisme par l’usage de l’aléatoire.
En 1972, il organise les « Rencontres de Pampelune », festival de musique, théâtre, cinéma et d’arts plastiques, apothéose de son activité de défenseur de l’art nouveau en Espagne. Mais expérience personnelle difficile puisqu’il est accusé par les franquistes de faire la part trop belle à un « art de gauche », et par l’ETA d’être un suppôt du régime (l’un des mécènes de ce festival sera d’ailleurs enlevé par l’ETA, et la manifestation arrêtée en raison d’attentats à la bombe). Luis de Pablo est alors contraint à l’exil, aux États-Unis tout d’abord (il enseigne à l’université de Buffalo), puis au Canada (professeur à l’université d’Ottawa et à celle de Montréal). Il retourne en Espagne, à Madrid, à la mort de Franco.
Ses nombreuses activités de conférencier, d’organisateur de concerts, de conseiller1, d’enseignant, de membre du jury dans de nombreux concours internationaux, et son engagement auprès de diverses académies2, ne l’ont pas empêché de produire une oeuvre impressionnante (plus de 210 opus). Récompensé par d’innombrables prix et distinctions3, commandes internationales et concerts monographiques, son oeuvre s’est peu à peu dégagée de toute influence.
Sa musique est fondée sur le respect envers toutes les formes d’art, si éloignées soient-elles, si dissemblables apparemment, et entre lesquelles il excelle à dévoiler des similitudes, tout en souhaitant qu’elles conservent à jamais leur authentique différence. Parmi ses pièces, on trouve des hommages à Tomas Luis de Victoria, Claude Debussy, Beethoven, Schoenberg, Mompou, la musique iranienne, le nô, la flûte mélanésienne, et des textes de Vicente Aleixandre, de Pessoa, d’Ibn Gabirol, de Góngora, de Leopardi, les Epigrammes de Martial, des écrits aztèques… C’est la malle d’un « circumnavigateur » des cultures.
Inventif, fantaisiste, poétique, leader de l’école espagnole actuelle, il est une des personnalités les plus marquantes de la musique. Citons Luis de Pablo : « …Ce qui importe le plus de ne pas perdre, c’est la gourmandise. J’avoue plus volontiers être un hédoniste qu’un analyste. »
- Directeur du festival de Lille (1982), directeur de la diffusion de la musique contemporaine au ministère de la Culture espagnol (1983), membre du comité pour le projet de l’Opéra-Bastille (1984), etc.
- Académies de Grenade, de San Fernando à Madrid, de Belgique, de Santa Cecilia à Rome, de l’Académie basque des sciences, des arts et des lettres (Jakiunde).
- Officier de l’Ordre des Arts et de Lettres, Médaille d’or du mérite des Beaux-Arts en Espagne, Prix national de Musique, « Docteur Honoris Causa » de l’Université complutense de Madrid, Prix Honegger de la Fondation de France, Prix de Composition Musicale de la Fondation Prince Pierre de Monaco, Prix de la Fondation Jacinto Guerrero, Prix Tomás Luis de Vittoria, etc.