Parcours de l' oeuvre de Julio Estrada

par Iván Adriano Zetina

Julio Estrada est une personnalité incontournable, infatigable et radicale de la création musicale. Pour saisir la matière musicale de son œuvre, il est essentiel de l’envisager à l’aune d’une démarche de recherche création qui croise les sciences formelles, les études philosophiques de l’art et des éléments plus subjectifs tels que l’intuition et l’imaginaire1. Estrada s’inscrit dans les tendances avant-gardistes les plus radicales du XXe siècle. Son intransigeance lui a valu bien des controverses : ses prises de positions sur des sujets esthétiques, politiques et idéologiques, tels que les modèles proposés par la théorie musicale traditionnelle, l’opposition esthétique à certaines figures paradigmatiques de la composition ou la fonction des institutions culturelles dans la création artistique ont suscité des débats passionnés.

Remettant en question tout conformisme et tout dogmatisme dans le processus de création, Estrada s’est toujours battu pour la recherche de la liberté intellectuelle et artistique. Le situer dans une esthétique à l’intérieur du champ de la musique contemporaine est donc une tâche complexe. Dès le début de sa carrière, l’artiste a veillé à ne pas réduire son engagement esthétique à tel ou tel courant dominant de l’époque. Il a cherché à produire son œuvre à partir du binôme recherche-création, un mécanisme qui lui permet de trouver des solutions novatrices aux problèmes qui s’imposent à la création musicale.

L’activité d’Estrada ne s’est donc jamais cantonnée à la composition dans un sens restreint. Elle comprend aussi bien l’interprétation — notamment comme chanteur de sa propre œuvre — qu’un engagement pédagogique de plus de quatre décennies au sein de l’Université Nationale du Mexique2. En parallèle, il a publié et supervisé des textes scientifiques sur des sujets aussi variés que l’histoire musicale préhispanique et moderne du Mexique, le rapport entre musique, mathématiques et innovation technologique appliquée à la recherche de la théorie musicale, ou encore la notion d’imaginaire en musique — aspect crucial de son propre travail de création musicale.

Une pensée dichotomique gouverne la création de Julio Estrada. Son esthétique peut être comprise à partir des deux aspects qui polarisent intimement son œuvre : la recherche scientifique (dimension objective) et sa vie personnelle (dimension subjective). En outre, tel que l’on verra par la suite, le parcours esthétique de Julio Estrada peut aussi se comprendre à partir de cinq axes qui correspondent à des phases de création où l’auteur explore spécifiquement ses inquiétudes musicales. Ainsi, l’œuvre d’Estrada opère et évolue grâce à la conjonction de préoccupations de type formel, soutenues par des recherches scientifiques, et de préoccupations de type subjectif tels que l’imaginaire et la créativité.

Du silence aux Cantos : trouver sa voix

Avant de trouver sa propre voix créative, Julio Estrada a traversé une période de presque silence, ponctué par quelques essais de création entre 1959 et 1973. L’artiste-chercheur est alors en transition : il se détache des influences et assume une position personnelle face à la création.

Il rencontre Julián Orbón (1925-1991), qui lui enseigne la composition de 1960 à 1962 au Conservatoire National du Mexique et qui le conduit à une réflexion primordiale : apprendre à dévoiler ce qu’il y a de soi dans chaque influence, puis savoir l’intégrer, à condition de chercher une musique faite de solutions propres.

Le point de départ d’Estrada pour créer est de s’approprier les influences qui le marquent, puis de les dépasser, et de s’opposer aux conceptions esthétiques d’autres artistes3. Avant de trouver son propre chemin, il passe par une période de recherche caractérisée par la différenciation progressive avec les esthétiques en vogue de l’époque, influences qui sont un point de départ nécessaire pour déclencher une recherche personnelle. Trois instants, pour violoncelle et piano (1966), par exemple, dénote l’ascendance du sérialisme intégral et notamment de Karlheinz Stockhausen. Mémoires pour le clavier (1971) s’approprie et s’oppose à la méthode minimaliste en substituant au principe de répétition celui de la non-répétition basée sur la variation constante de la répétition4 . Enfin, en reprenant l’idée d’un silence plat chère à John Cage, en créant Solo pour soi (1972), Estrada propose au lecteur, qu’il soit musicien ou simple mélomane, une série de textes qui lui suggèrent des formes intimes d’écoute.

La période où Julio Estrada commence à envisager une autonomie par rapport à tout autre courant esthétique correspond à la genèse du cycle des Chants (Cantos), constitué de six œuvres : Chant mnémonique, fugue à 4 dimensions, pour quatuor à cordes (1973), provient de sa recherche théorique sur les groupes finis qui porte sur l’élaboration d’un système de transformation continue du sujet et du contresujet. Chant tissu, pour piano (1974), est constitué par des réseaux de hauteur isolées qui génèrent des texture mélo-harmoniques. Chant occulte, pour violon (1977), développe des techniques originales d’exécution. Chant alterné, pour violoncelle (1978), et Arrullo, Chant ad libitum, pour voix et instrument(s) (1979), ouvrent la forme à partir d’une structure de réseaux labyrinthiques. Sur le plan esthétique, ces pièces sont le produit des multiples recherches théoriques et pratiques du compositeur, notamment celles qui portent sur la notion de système à partir de l’application de la théorie des groupes finis5. L’artiste-chercheur s’approche ainsi des théories mathématiques pour questionner les systèmes musicaux traditionnels, les comprendre et les intégrer à un univers plus large6.

La naissance de ses enfants contribue au processus de création de certaines œuvres de cette période. Melódica, mécano musical (1974) est un jeu d’enfants créé lors de la naissance de son fils Julián ; l’objectif est alors d’inventer un dispositif didactique pour l’enseignement de la création musicale. Chant naissant, pour octuor de cuivres (1975), associé à la naissance de son fis Amadeo, recrée dramatiquement l’espace entourant l’enfant dans le ventre maternel ; œuvre-clé de cette période, elle vise la spatialisation tridimensionnelle mélodique et harmonique en distribuant les musiciens dans les 8 vertex d’un cube. La recherche qui dérive de cette œuvre explore les classes d’intervalles et leurs distances minimales, base de la théorie d1, qui réduit au minimum les potentiels combinatoires des gammes, dont celles de 12 sons, réduite à 77 identités ou agrégats verticaux.

Les yuunohui et la notion du « macro-timbre continu »

Les réflexions de Julio Estrada sur le continuum débutent lorsqu’il travaille sur eua’on (1980), pièce électroacoustique créée au moyen de l’UPIC, le système informatique d’écriture du son conçu par Iannis Xenakis et développé sous sa direction au Centre d’Études de Mathématique et d’Automatique Musicales (CÉMAMU). L’UPIC permet à Estrada de représenter graphiquement sa pensée musicale avec davantage de précision et surtout, davantage de liberté. D’abord insatisfait par le son électronique qui en résulte, le compositeur donne plus tard une version orchestrale de l’œuvre, intitulée eua’on’ome (1995), manifestation du maniement d’un nouveau timbre instrumental individuel et collectif. La création d’eua’on constitue le point de départ d’une nouvelle période caractérisée par un lien étroit avec la recherche sur le continuum et la perception musicale.

Par ailleurs, ce moment s’avère fondamental pour Estrada, qui refuse la soumission académique provenant de la notion de « compositeur » à laquelle il préfère celle de « créateur », ce qui induit une rupture radicale avec son adhésion à la tradition musicale européenne. D’après Estrada la notion de « compositeur » limite les capacités créatives à l’arrangement ou l’assemblage des composants musicaux par le biais d’une combinaison de parties, tandis que « créateur » induit une capacité de type holistique d’invention matérielle de quelque chose de nouveau en rupture avec les œuvres d’art traditionnelles.

Sa recherche sur le continuum prend sa source dans les observations théoriques de Henry Cowell sur l’affinité entre hauteur et durée7. Pour Estrada, il s’agit d’une matière physique faite de la fusion rythme-son, tels que le temps-espace d’Albert Einstein. Sa démarche débouche sur une analyse chrono-acoustique d’un large ensemble de composants physiques, dont rythme (pulse, attaque, micro-duration ou vibrato), son (hauteur, dynamique, couleur), espace (largueur, profondeur et longueur) et des matériaux nébuleux (sons inharmoniques, pression dans l’émission, désordre rythmique). Il nomme cette vaste synthèse des composants « macro-timbre », matière d’une nouvelle perception auditive qu’il va ensuite développer dans chacune des voix instrumentales et vocales de sa musique.

Le développement de l’écriture du « macro-timbre continu » se concentre d’abord dans la synthèse rythmique-son-espace d’*eolo’oolin,* pour six percussionnistes mobiles dans un pentagone (1981-1998), puis d’*ishini’ioni,* pour quatuor à cordes mobile dans un hexagone (1984-1990). Entre ces deux œuvres Estrada initie le cycle des yuunohui (1983-2019), « terre fraiche, sans pierres », en zapotèque (un groupe linguistique amérindien de l’État de Oaxaca). Le cycle englobe sept versions, toutes constituées par des modules similaires et précédées du nom yuunohui : cordes (‘se, ‘ome, ‘yei, ‘nahui), clavier (tlapoa), bruiteur (‘wah), vent (‘éhécatl) et voix (‘sa). Grâce à des réseaux entre les modules, Ensemble’yuunohui permet la superposition de toutes les versions : depuis des duos jusqu’à des groupes de plus de sept exécutants.

Cette idée est accompagnée d’une conception de la matière rythmique-sonore comme pouvant représenter de manière fidèle les états physiques de la matière tels que les liquides, les solides et le magma. Au niveau formel, Estrada va explorer les formes ouvertes grâce à l’utilisation de dispositifs tels que les réseaux et les modules. Les modules sont des pièces indépendantes les unes des autres pouvant interagir grâce à un complexe système de connexions juxtaposées et/ou séquentielles (réseaux). Ces deux éléments deviennent la stratégie formelle utilisée pour la constitution de macrostructures dans son opéra Murmullos del páramo, dont à la même période sont extraites à partir du module initial, mictlan (1992), les pièces miqi’nahual, pour contrebasse (1994), et miqi’cihuatl, pour voix féminine (2002).

Un « multi-opéra »

Murmullos del páramo[Murmures des landes] (1992-2006) est basé sur le romanPedro Páramo de l’écrivain mexicain, Juan Rulfo. Concernant le titre, Estrada utilise le terme « páramo » non pas en référence au nom propre « Pedro Páramo », titre du roman, mais dans sa désignation « Terrain plat, aride, desséché**,** et généralement surélevé ».

La première version, Doloritas (1992), est un opéra radiophonique. Quant à la version définitive (2006), elle sera constituée d’un effectif de sept voix, cinq instruments (contrebasse, bruiteur, shô, guitare et trombone), danse Buto, ainsi qu’une spatialisation électroacoustique tridimensionnelle réalisée à l’Experimental-Studio de Fribourg. La structure est labyrinthique par son emploi caractéristique de sept modules : mictlan (voix féminine, bruiteur et contrebasse), Hum (quintette vocal), mictlan’ome (soprano, contralto, bruiteur, contrebasse, shô, trombone), Boîte avec tresses (guitare), Portrait de Páramo (trombone), Matlapoa (shô), Fossiles résonnants (cinq voix et cinq instruments).

Le multi-opéra de Julio Estrada peut être pensé comme la matérialisation et la synthèse de sa longue démarche de création et de recherche musicale. L’œuvre est incontournable pour comprendre l’esthétique de cet auteur. Cette dernière étant intimement liée aux moments fondamentaux de sa vie, on comprend à quel point la place de Murmullos del páramo est importante si l’on tient compte du fait que son processus de création a accompagné la période douloureuse de la maladie et du décès de son épouse et complice, Velia Nieto. D’après le témoignage du compositeur, son intention profonde en créant cet opéra était de garder en mémoire la voix de sa femme, de ne jamais l’oublier.

Sur le plan esthétique, la conception de l’œuvre peut être comprise suivant deux axes. Le premier est celui de la synesthésie appliquée à la représentation scénique par le biais d’un dispositif intégrant l’odorat, la spatialisation, la scénographie, la peinture corporelle et les costumes, ainsi que le son dans toutes ses dimensions. Le second est celui de la décomposition des éléments de l’opéra traditionnel. Cette décomposition opère à plusieurs niveaux : au sein du texte récité par les acteurs qui correspond à la narration du roman ; dans l’utilisation de la voix comme véhicule des affects sans entrer dans le domaine rhétorique du discours ; sur le plan symbolique lorsque certaines figures narratives sont représentées par des instruments ; à travers les sons et bruits de l’environnement décrits par le roman de Rulfo ; dans les mouvements du danseur qui sont indépendants du reste des composants.

En outre, le matériau littéraire extrait du livret, réalisé par Estrada lui-même, le conduit à utiliser des matériaux musicaux concrets dotés d’une valeur symbolique bien spécifique : la musique populaire mexicaine. Les préoccupations de Julio Estrada quant à la question de l’identité culturelle musicale se manifestent au cœur de l’opéra lorsqu’il y intègre et y décompose des mélodies paysannes pour les introduire dans son univers sonore. Son univers ne reconnaît de frontières ni entre les genres musicaux, ni entre la musique, les sons et les bruits de l’environnement qu’il cherche à représenter.

Le temps de l’introspection

Au cours des deux dernières décennies, l’art d’Estrada oscille entre deux pôles de sa pensée musicale :

  1. La poursuite de la liberté créatrice et interprétative par le biais de l’improvisation contrôlée sous la logique de la « création in vivo »notion que Julio Estrada va définir comme suit :

« le processus que je suis dans la création in vivo consiste à générer la musique sans écriture, uniquement avec la captation claire de l’image qui se produit dans la réalité ou dans l’imaginaire ; de cette façon, la mémoire, la maitrise instrumentale pèsent moins, tandis qu’augmentent le degré de perception, la synesthésie, et une intuition créatrice qui cherchent par leur propres moyens la continuation de la pulsion de départ8 ».

Les œuvres ultérieures à la création de Murmullos del páramo qui suivent cette méthode sont Simultáneas a**3, pour trois violoncelles (2004) ; Búsica, pour chant et violoncelle (2004) ; Quotidianus : polvo eres, pour voix et quatuor à cordes (2006) ; Bajo el volcán,*in memoriam Stefano Scodanibbio,*pour ensemble de contrebasses (2012) ; ni die saa, pour cinq instruments (2013) ; Trompos a la uña, pour quinze batteries (2017).

Estrada utilise également une variante de cette méthode, en recourant à la littérature pour guider l’écoute interne et l’imaginaire de l’interprète-auditeur (work in progress, dénommé Velia : creo en lo que creo, A Velia ou avec d’autres titres). Cette recherche vise à stimuler la capacité de l’auditeur à créer des univers sonores intimes grâce à une forme littéraire qui privilégie les images sonores provenant de l’imaginaire de l’auteur. Cette variante trouve ses fondements dans la synesthésie explorée dans le « multi-opéra9 ». Depuis 2008, année du décès de sa femme, Julio Estrada suit un processus intime de création qui reprend la notion de « création in vivo » pour explorer les matériaux musicaux d’un opéra-roman. Dans cette œuvre, le lecteur, guidé par un processus intime d’écoute, devient l’interprète du sens musical des mots, ce qui nous ramène à la toute première période de création d’Estrada, avec le Solo pour soi précédemment évoqué.

  1. La reprise des anciennes procédures d’écriture a tendu, dans les années 2010, à devenir moins déterministe, comme dans le cas de yuunohui’ehecatl, pour bois et/ou cuivres (2010), et de yuunohui’sa, pour voix(2019), qui ouvrent de nouvelles perspectives à l’exécutant. Ce deuxième pôle consiste en une transformation et une évolution de son système rigoureux d’écriture et de ses recherches initiales. Par une élaboration continue du matériau musical, il s’agit d’aller vers un mode d’expression qui se veut chaque fois plus permissif, laissant davantage de liberté à l’interprète.

Sur le plan académique, Estrada continue de réfléchir aux modes d’enseignement des arts au sein de l’Université Nationale du Mexique. À travers ses conférences, colloques et séminaires, il élabore une réflexion originale sur l’enseignement des arts, s’appuyant sur les notions de multidisciplinarité et de transdisciplinarité. Il explore des notions qui traversent les frontières des disciplines artistiques, telles que les notions de perception, imagination, design, représentation, rythme, ou encore proportion. Estrada revendique un idéal artistique dont les deux objectifs fondamentaux sont, d’une part, la recherche d’une beauté singulière élevée au même niveau que la pensée scientifique, et, d’autre part, la recherche d’une émancipation du sujet10.

En 2016, lorsqu’il reçoit la Médaille des Beaux-Arts, Julio Estrada prononce un discours intitulé « Un destin pour la recherche-création en Art », exposant l’actualisation de sa pensée autour de l’art, de la problématique de l’objectivité et de la subjectivité en art, du rôle de l’artiste dans la société et des structures académiques de l’art11. Estrada s’oppose aux arts qui limitent la recherche de liberté du créateur. Il propose, par contre, que le XXIe siècle aille vers une émancipation de l’art en tant que manifestation d’un territoire autonome, aussi fondamentales et élevées que les sciences de la vie, abstraites, ou sociales. L’art ne peut pas se légitimer sans sa capacité de matérialisation de l’affect et de l’émotion.

Dans le même ordre d’idée, Estrada aborde le problème de la subjectivité et de l’objectivité dans l’art : la métaphore métaphysique et l’analogie avec la science sont fondamentales pour essayer de saisir à la fois l’imaginaire et la réalité extérieure. L’artiste perçoit le monde extérieur et ressent la nécessité d’un dispositif de lecture sensible pour traduire et transmettre cette perception le plus fidèlement possible. Pour Estrada, la création consiste donc à construire ce dispositif en recourant aux outils de la science et à une exploration de son propre imaginaire.

Toute cette réflexion aboutit à la notion de « recherche-création ». Il s’agit d’un concept décrivant la dimension pédagogique et éthique de la constitution de l’artiste. Estrada vise l’enrichissement du « talent » par le biais d’une création artistique traversée par une recherche scientifique. Le talent ne serait donc pas une qualité innée comme l’affirmait Hegel, mais une capacité qui se développe. L’activité pédagogique de l’artiste, « exercice indispensable pour la rénovation créatrice de son environnement12 », fait donc pleinement partie de sa qualité morale au même titre que ses processus de création d’œuvres. Ainsi, l’artiste a deux rôles sociaux fondamentaux dans la société : d’une part, celui de transmettre les connaissances du savoir-faire de l’art, d’autre part, évoqué indirectement, celui d’émanciper autrui comme soi-même par le biais d’une pédagogie visant l’intime13.

Quant aux structures sociales qui soutiennent actuellement l’apprentissage de l’art, Julio Estrada privilégie l’Université face à ce qu’il appelle l’« Académie », une notion provenant de l’art d’avant-garde pour faire référence aux Conservatoires. Opérer la transition d’une structure conservatrice vers une structure qui se renouvelle, c’est-à-dire de l’Académie vers les Universités, c’est, d’après Estrada, éliminer des critères esthétiques préétablis et ouvrir les différentes disciplines de l’art aux sciences dures, à l’ingénierie et aux sciences humaines et sociales. L’influence pédagogique d’Estrada est vaste, par ses cours au Mexique, dans les Amériques, en Europe et en Asie, où il a répandu ses théories, aussi bien que ses méthodes d’analyse de l’imaginaire créatif. Sa trajectoire comme titulaire du Laboratoire de Création Musicale à la Faculté de Musique (UNAM) sera déterminante dans la formation de plusieurs générations de créateurs-chercheurs tels que Germán Romero, Víctor Adán, Mauricio García de la Torre, Eduardo Aguilar et Iván Adriano.

Dans son ensemble, cette étape récente de la trajectoire de Julio Estrada semble tournée vers un horizon d’introspection profonde. Sur le plan poétique, il privilégie le silence, ou le soupir presque silencieux, faisant appel à la solitude heureuse et à la contemplation. La position ainsi adoptée est celle de quelqu’un qui décide d’écouter avec toute sa vivacité les univers extérieur et intérieur. Pour cela, Estrada fait appel aux éléments pérennes et singuliers de sa pensée (créativité et rigueur, liberté et méthodologie), à laquelle il s’est consacré depuis ses débuts, pour arriver au degré maximal de l’intimité artistique.


  1. Velia NIETO, Recherche-création dans l’œuvre de Julio Estrada, Tome I et II, Université de Paris VIII, Paris, 1999, 511 p.
  2. Julio ESTRADA, « El futuro del arte universitario », Memoria, La UNAM y el futuro, Foro conmemorativo 20.20, 2015, pp. 239‑246.
  3. Iván Adriano ZETINA, Entrevista con Julio Estrada : en torno a su obra y pensamiento musical, 2 juillet 2018, archive personnelle.
  4. Ibid.
  5. Ibid.
  6. Ibid.
  7. Henry COWELL, New Musical resources, Cambridge University Press, 1996, 177 p.
  8. Julio ESTRADA, Boîte avec tresses, ed. juliusedimus, 2003.
  9. Ibid.
  10. Iván Adriano ZETINA, « Julio Estrada et la figure de l’artiste-chercheur », présenté aux journées d’étude « L’artiste et ses avatars : revendication et transformation de la fonction de l’artiste en société », CRAL/EHESS Paris, [s.n.], 18 octobre 2019, p. 13.
  11. Julio ESTRADA, Un destino para la investigación-creación en Arte., Mexico : Institut National de Beaux-Arts, 2016, p. 1.
  12. Ibid. , p. 4.
  13. Julio ESTRADA, Théorie de la composition : discontinuum-continuum, Thèse de doctorat, Université de Strasbourg II, Strasbourg, France, 1994, 500 p.
Sources
  • Julio ESTRADA, « El futuro del Arte Universitario », Memoria, La UNAM y el futuro, Foro conmemorativo 20.20, 2015, p. 239-246.
  • Julio ESTRADA, El sonido en Rulfo : «el ruido ese». Mexique, Institut de Recherches Esthétiques, UNAM, 2008, 255 p.
  • Julio ESTRADA, Théorie de la composition : discontinuum-continuum, Thèse de doctorat, Université de Strasbourg II, Strasbourg, France, 1994, 500 p.
  • Velia NIETO, Recherche-création dans l’œuvre de Julio Estrada, Tome I et II, Université de Paris VIII, Paris 1999, 511 p.
  • Iván ZETINA, « Julio Estrada et la figure de l’artiste-chercheur », présenté à L’artiste et ses avatars : revendication et transformation de la fonction de l’artiste en société, CRAL/EHESS Paris, [s.n.], 18 octobre 2019, 13 p.
  • Iván ZETINA, « Música y literatura : Pedro Páramo en la múlti-ópera Murmullos del páramo de Julio Estrada », présenté à Forum de Pensamiento Latinoamericano, Eberhard Karls Universität Tübingen, [s.n.], 28 avril 2016, 5 p.
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