Henry Cowell est né le 11 mars 1897 à Menlo Park, Californie, dans une famille d’écrivains bohèmes anarchistes. Après le divorce de ses parents en 1903, le jeune Henry vit avec sa mère dans une grande précarité, qui les contraint à quitter la Californie en 1906 pour s’installer à New York. Durant toute son enfance, il suit une scolarité perturbée par une santé fragile et par les travaux qu’il doit faire pour apporter quelques revenus. Très tôt, il manifeste des dons exceptionnels pour la musique. Il apprend le violon dès l’âge de 4 ans, puis à 9 ans, il se tourne vers le piano qui devient son principal moyen d’expression. De retour en Californie en 1910, il entre en contact avec les musiques asiatiques qu’il va souvent écouter dans les districts chinois et japonais de San Francisco.

En 1914, il est prĂ©sentĂ© Ă  Charles Seeger qui le fait entrer au DĂ©partement de musique de l’UniversitĂ© de Berkeley, oĂą il devient son Ă©tudiant privilĂ©giĂ© en composition. Il Ă©tudie aussi, entre autres, avec Wallace Sabin (contrepoint) et Edward Stricklen (harmonie). Ă€ la mort de sa mère, en 1916, il poursuit de brèves Ă©tudes Ă  l’Institute of Musical Art de New York. Dès l’annĂ©e suivante, il retourne en Californie, oĂą il intègre la communautĂ© thĂ©osophique d’Halcyon dirigĂ©e par le poète irlandais John Varian. Il compose de nombreuses Ĺ“uvres pour piano, qui utilisent de larges clusters comme dans The Tides of Manaunaun (1912 ?) ou Dynamic Motion (1914). Après avoir effectuĂ© son service militaire dans la musique, en Pennsylvanie, en tant que chef assistant et flĂ»tiste (fĂ©vrier 1918-mai 1919), il entame une carrière de pianiste compositeur qui, pendant les trois annĂ©es suivantes, va le conduire Ă  travers les États-Unis et l’Europe. Il se forge une solide rĂ©putation de virtuose atypique grâce notamment Ă  son utilisation des paumes de la main et des avant-bras pour jouer les clusters. Il dĂ©veloppe aussi un mode de jeu, le string piano, consistant Ă  jouer directement sur les cordes avec les doigts comme dans The Aeolian Harp (1923) ou The Banshee (1925). Infatigable voyageur, il retourne en Europe en 1926 et 1929, visite l’URSS et entre en contact avec l’avant-garde russe.

Pour promouvoir la musique moderne sur la côte Ouest, Cowell fonde en 1924 la New Music Society. Les activités de la société seront élargies à l’édition de partitions avec la New Musical Edition en 1927 et à l’édition discographique avec New Musical Quarterly Recordings en 1934. En 1927, il co-fonde avec Edgard Varèse, Carlos Chávez et Carlos Salzedo, la Pan American Association of Composers. Grâce à une bourse d’un an de la Fondation Guggenheim (1931-1932), il étudie les musiques du monde aux Archives phonographiques de l’Université de Berlin. De retour à New York, il crée avec Charles Seeger, Joseph Yasser et Joseph Schillinger, la New York Musicological Society, qui deviendra en 1934 l’American Musicological Society.

En 1928, Cowell fait la connaissance de Charles Ives, qui soutiendra financièrement la plupart de ses activités musicales. Cowell lui rendra hommage en écrivant, en 1955, Charles Ives and his Music, le premier ouvrage consacré à ce compositeur.

En 1929 débute une longue et fructueuse collaboration avec la New School of Social Research de New York, pour laquelle il organisera de nombreux concerts et conférences, et dispensera un très large éventail de cours (musiques du monde, musiques modernes, percussions…).

En 1930 paraĂ®t son ouvrage thĂ©orique New Musical Resources qui dĂ©veloppe ses recherches sur le rythme et l’harmonie, et renouvelle l’approche du contrepoint grâce au concept d’harmonie rythmique dans lequel les vitesses des diffĂ©rentes lignes mĂ©lodiques sont dĂ©finies par les rapports de frĂ©quence des notes d’un accord. Ces concepts avaient prĂ©cĂ©demment Ă©tĂ© expĂ©rimentĂ©s dans le Quatuor « Romantic Â» (1915-1917) et le Quatuor « Euphometric Â» (1916-1919). Pour rĂ©aliser ses polyrythmes complexes, il collabore avec Lev Theremin Ă  l’invention du Rhythmicon, pour lequel il compose en 1931 son Concerto for Rhythmicon and Orchestra (Rhythmicana). Il collabore Ă©galement avec des chorĂ©graphes dont Martha Graham pour qui il Ă©crit, entre autres, Six Casual Developments (1933).

En 1936, Cowell est condamnĂ© pour « raison morale Â» (relations sexuelles illicites Ă  l’époque) et est incarcĂ©rĂ© Ă  la Prison d’État de Saint Quentin. Durant ses quatre ans de dĂ©tention, il dispense une Ă©ducation musicale Ă  des centaines de dĂ©tenus et dirige plusieurs formations instrumentales pour lesquelles il compose de nombreuses pièces et arrangements.

Ă€ sa libĂ©ration « sur pardon Â» en 1940 (il sera finalement graciĂ© en 1942), il s’installe sur la CĂ´te Est et Ă©pouse, l’annĂ©e suivante, Sidney Hawkins Robertson, une Ă©minente professeur de folk music qui deviendra sa collaboratrice. Il entreprend la composition des dix-huit Hymns et Fuguing Tunes (1944-1963). Entre 1943 et 1945, il travaille pour l’Office of War Information, oĂą il est chargĂ© de superviser les programmations musicales radiophoniques diffusĂ©es Ă  l’étranger. Tout en poursuivant sa collaboration avec la New School of Social Research, Cowell enseigne Ă  la Columbia’s School of General Studies (1948-1956), ainsi qu’au Peabody Conservatory de Baltimore (1951-1956). Au dĂ©but des annĂ©es 1950, il est consultant pour le label Folkways, pour lequel il rĂ©dige les notes d’une collection d’enregistrements de musique du monde sous le titre Music of the World’s Peoples (1951-1961).

En 1955-1956, il entreprend avec son Ă©pouse un grand voyage d’études des musiques populaires et savantes, et du phĂ©nomène d’hybridation musicale en Asie, financĂ© par le programme Arts and Humanities de la Rockefeller Foundation. Les pays qu’il visite lui inspirent un certain nombre d’œuvres dont Persian Set (1956-1957), en Iran, la Symphony n° 13 « Madras Â» (1955-1956), en Inde, ou Ongaku (1957), pour orchestre, au Japon. C’est Ă  cette Ă©poque qu’il incorpore l’Asia Society dont il sera un membre particulièrement dĂ©vouĂ©.

En 1961, Ă  l’invitation de Nicolas Nabokov secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Congress for Cultural Freedom, il retourne en Iran et au Japon pour une sĂ©rie des confĂ©rences. Il publie American Composers on American Music, qui rassemble des portraits de compositeurs modernes rĂ©alisĂ©s par des pairs et par lui-mĂŞme. Parmi les Ĺ“uvres de cette dernière pĂ©riode figurent le Concerto n° 1 et le Concerto n° 2 pour koto et orchestre (1961-1962 et 1965) et les 26 Simultaneous Mosaics (1963).

Fragilisé depuis plusieurs années par des problèmes de santé, il s’éteint dans sa résidence de Shady, État de New York, le 10 décembre 1965.

© Ircam-Centre Pompidou, 2016


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