John Zorn commence à apprendre la composition à quatorze ans à la UN School de New York. Alors fasciné par le travail du compositeur Carl Stalling pour les Looney Tunes de la Warner Bros (qui lui inspirera Road Runner en 1986), il se passionne également pour le travail de Charles Ives et Harry Partch et, plus tard, Stravinsky (à qui il consacre l’une de ses premières œuvres – Canon to Stravinsky, 1972), Pierre Boulez et Karlheinz Stockhausen. Après le lycée, il intègre le Webster College de Saint Louis où il s’intéresse au jazz auprès du Black Artists Group et de l’Association for the Advancement of Creative Musicians, et commence à jouer du saxophone.
Ses premiers processus de composition témoignent de l’influence de John Cage sur son travail, en réinvestissant notamment ses questionnements autour de l’aléatoire et, partant, des relations improvisation-composition. Au début des années 1970, Zorn écrit en utilisant une technique qu’il apparente à la théorie des jeux. Ses games pieces sont constituées d’un ensemble détaillé de règles qui déterminent qui joue et quand : Archery Pool, Lacross et Cobra en sont des exemples. Quelques années plus tard, il se penche sur une nouvelle technique qu’il nomme file card composition, technique assez représentative de son esthétique, tenant du collage et de la collision, mélangeant les genres et les influences, ce que l’on retrouve tout au long de son œuvre : le compositeur établit des listes d’impressions, d’idées et d’extraits sonores qu’il transfère sur des fiches assemblées ensuite pour former une partition. Ses références vont de la musique contemporaine au jazz, mais passent également par de nombreux autres genres : le rock, le hardcore, la noise, la musique de film, le métal, la pop, la musique klezmer… Il explore ce dernier genre dans le cadre d’un projet qu’il nomme « Radical Jewish Culture » débuté en 1995, qu’il entreprend avec sa formation la plus connue, Masada, dont l’ambition est de réinvestir des idées et mélodies de la culture juive menacées de destruction des suites de l’Holocauste.
John Zorn devient célèbre à la fin des années 1980 avec la parution du disque The Big Gundown en hommage à Ennio Morricone. Dès lors, plusieurs réalisateurs ont fait appel à lui pour travailler sur leurs films, parmi lesquels Raoul Ruiz pour The Golden Boat (1990) ; mais c’est au Japon, où John Zorn passe près de la moitié de son temps, qu’il produira le plus de musique de film.
Profondément investi dans l’idée de communauté artistique, le compositeur s’attache assidument à créer des espaces d’expression pour les artistes expérimentaux, au-delà du domaine de la musique. Il se charge d’organiser festivals et concerts, crée un douzaine de formations musicales, fonde en 1995 son propre label, Tzadik (en hébreu « l’homme juste ») qui a jusqu’ici édité plus de 800 enregistrements de son travail (près de 150 CD) et celui d’autres artistes avant-gardistes, et ouvre à Manhattan en 2003 un club, le Stone, où se produisent ses collaborateurs. Depuis 2000, sa maison d’édition a publié sept volumes de sa série de livres Arcana qui compilent des écrits et des interviews de musiciens qui ont fait partie à un moment ou à un autre du cercle des connaissances de John Zorn.
L’œuvre de John Zorn est également fortement inspirée par l’art pictural, que ses compositions référencent souvent : Henry Darger avec Chimeras (2001), Paul Gauguin avec Oviri (2013), Jackson Pollock pour Autumn Rhythm (2015), Agnès Martin dans Blue Stratagem et Praise (2016), Hilma af Klint avec Altarpiece (2017) ou encore Remedios Varo avec Star Catcher (2022). En retour, le monde des musées devient rapidement un nouveau terrain pour lui : John Zorn a été invité à présenter plusieurs pièces de chambre en face d’œuvres, au Metropolitan Museum of Art, à la Frick Collection, au Museum of Modern Art de New York, à l’Art Institute de Chicago, au Los Angeles County Museum of Art ainsi qu’au Louvre. En 2016, le Guggenheim fait appel à lui pour un hommage à Agnès Martin.
Au-delà de la peinture, le compositeur présente un intérêt pour les arts en général. Tout d’abord le cinéma : il rend hommage à Jean-Luc Godard et à sa technique de montage plan sur plan dans l’album « Godard/Spillane » en 1986 et à Marguerite Duras dans « Duras: Duchamp » en 1997. La littérature (Là -Bas, 2009 ; A Rebours, 2010), la poésie (Bateau Ivre, 2011 ; Novalis, 2013), le théâtre — particulièrement Antonin Artaud — et la philosophie sont régulièrement référencés, mais également l’alchimie et le mysticisme (Hermeticum Sacrum, 2002 ; Pandora’s Box, 2013).
John Zorn a reçu le Cultural Achievement Award de la National Foundation for Jewish Culture et le William Schuman Award for composition de l’Université de Columbia. Il a été intronisé au Long Island Hall of Fame par Lou Reed en 2010 et a reçu une bourse de la fondation MacArthur Fellow. L’Université de Gand, SUNY Purchase et le New England Conservatory lui ont décerné des doctorats honorifiques.