La musique pour l'accompagnement du film Paris qui dort est conçue comme un contrepoint à l'image avec le souci permanent de servir le film, quel que soit le niveau de complémentarité ou de divergence utilisé. Si elle est contrepoint au niveau temporel, elle est aussi « harmonisation » au niveau plus local, pour ce qui est de la psychologie des personnages. Elle est aussi « orchestration », en tant qu'extension dans le domaine des timbres de l'ambiance spécifique de chaque scène. Le déroulement formel général de la pièce est fourni par la trame cinématographique, et en ce sens, la musique suit assez fidèlement le découpage du film adoptant ainsi son articulation dynamique. Par contre, elle ne suit pas le montage avec précision, mais plutôt anticipe, commente, soutient ou entretient le rythme provoqué par celui-ci.
La thématique centrale d'une temporalité « contrariée », participe à créer autant de refuges « hors du temps », dans lesquels la psychologie humaine, non préparée à l'expérience d'une telle réalité, est explorée avec beaucoup d'ironie et d'humour par René Clair. Le musicien ne peut que se réjouir de cette thématique, car les situations engendrées par le jeu sur le « temps contrarié » dans son écoulement (pour certains seulement) comme le temps figé, ou accéléré, sont des situations éminemment musicales qui trouvent ici pour leur réalisation un espace de déploiement naturel et cohérent.
L'ensemble instrumental, assez inhabituel (flûte, clarinette, accordéon, violoncelle, trombone, percussion, clavier maître) possède une riche palette sonore me permettant d'obtenir la couleur spécifique que je recherchais. L'électronique en temps réel (analyse/synthèse, génération de structures rythmiques « spectrales », extraction des composants « bruitées » du spectre instrumental, transformations diverses, etc...) est utilisée de manière à enrichir et magnifier la matière sonore instrumentale.
Yan Maresz.