<p>Les <em>Kinderszenen</em> de Robert Schumann ont toujours été pour moi une énigme : comment articuler les différentes pièces du cycle entre elles ? À quel degré certains madrigalismes doivent être pris en charge par l'interprétation ? Que faire des tempi de Schumann lui-même, des tempi quelquefois totalement décalés du sujet d'une pièce, comme c'est le cas pour <em>Träumerei</em> qui, si l'on joue comme Schumann le demande, ne laisse pas vraiment de temps pour la rêverie ? Mon interprétation ne tente pas de répondre à ces énigmes qui, pour la plupart, me sont personnelles ; en revanche, j'ai essayé de faire entendre de plus près leur nature. Cette décision a été rendue plus facile depuis que <a href="/composer/hans-zender/biography">Hans Zender</a> a ouvert la voie à ce type de réalisation, avec son magistral <em><i><a href="/work/schuberts-'winterreise'">Winterreise.</a></i></em> Que son courage et son honnêteté soient ici, une fois de plus, célébrés. Je dois ajouter, considérant cette transcription comme une interprétation personnelle possible d'un monument particulier du legs de l'histoire musicale européenne, que la notion d'interprétation — et par conséquent ce dialogue — devrait être une question permanente dans la composition considérée en général : composer c'est interpréter son propre parcours musical, jouer c'est interpréter les creux et les vides (réels ou supposés) ménagés par le compositeur au sein de l'écriture — écouter enfin, c'est interpréter les torsions, les trahisons rendues possibles par un code commun, appelé « musique », et qui consiste à exprimer sans signifier. Pour finir, je pourrais décrire cette transcription comme un jeu d'ombres avec l'enfance telle que rêvée par Robert Schumann (d'où le titre, peut-être alambiqué), une enfance tantôt touchante par l'immédiateté de son innocence, agaçante pour ses infinis ressassements, terrifiante par les cauchemars qu'elle promet.</p><p><em>Brice Pauset.</em></p>