Une dense masse orchestrale harmonique est perfusée par des matériaux musicaux à timbres aigus et incisifs... comme l’eau acide corrode et dissout la roche carbonatée des montagnes, apparentement imperméable. Ainsi, la matière initialement homogène fournie par les accords des cors, des bassons et des clarinettes cède aux attaques métalliques des trompettes en sourdines et aux aigus vibrants des flûtes et piccolo. Les sons sombres mais accueillants et solides des cordes graves se voient poussés à la gestualité éphémère de l’anharmonicité et de la stridence. À mesure que la pièce avance, la dissolution de ces accords, à caractère presque processionnel, nous conduit vers une fluidité à temporalité multidimensionnelle, stratifiée, complexe et fuyante. Une nouvelle topographie sonore est sculptée : rythmée, irrégulière, extrême... L’entrecroisement de textures et la constante transformation des centres qui focalisent la tension musicale agissent comme des principes structurants pour les divers matériaux proliférants issus de cette géomorphologie acoustique.
Cette pièce pour grand orchestre propose l’écoulement de notre écoute dans les profondeurs de la plasticité acoustique. Notre perception auditive devient notre seule guide pour pénétrer les cavités et interstices de la mémoire et compréhension sonore pendant cette courte descente de sept minutes. L’ensemble de Karst –Chroma II se constitue ainsi en un corps à consistance presque géologique qui nous invite à l’explorer et à le comprendre.
Hèctor Parra, 2006.