Né le 3 décembre 1911 à Milan, Nino Rota est un enfant prodige – il compose l’oratorio L’infanzia di San Giovanni Battista à 11 ans –, et vient d’une famille où la musique est « familière » : le grand-père maternel, Giovanni Rinaldo, avait été un pianiste et compositeur apprécié ; sa mère Ernesta sacrifie sa propre carrière de pianiste pour se consacrer à sa famille et suivre le développement du talent précoce de son fils. Sa maison est l’un des salons musicaux les plus importants de Milan, que fréquentent des compositeurs de premier plan, lesquels contribuent à la formation culturelle du jeune Rota – l’entourage d’artistes, d’écrivains et de musiciens connus (Toscanini, Menotti, Barber, D’Annunzio, Savinio…), caractérisera d’ailleurs toute sa vie. Ayant grandi dans un milieu rétro, Rota restera nostalgiquement attaché à l’idée de salon bourgeois, même quand il s’établira à Rome, où il fréquentera celui des Cecchi. De cette formation, anachronique, il aime se prendre ironiquement au jeu, en utilisant dans ses œuvres chants populaires, danses, fanfares, musique de cirque et musique vernaculaire.

Rota étudie avec Alessandro Perlasca, avant d’entrer au Conservatoire de Milan, d’abord dans la classe de Giacomo Orefice, puis dans celle de Paolo Delachi et Giulio Bas. Il suit également les leçons de maîtres italiens, parmi lesquels Ildebrando Pizzetti, qui tolère mal la médiatisation du jeune musicien, et surtout, Alfredo Casella, dont le magistère et la vocation progressiste et clairvoyante conditionnent fortement son apprentissage, sinon sa vie entière. Sous sa direction, en 1930, à peine âgé de 18 ans, Rota obtient, à l’Accademia di Santa Cecilia, son diplôme de composition. Grâce à Arturo Toscanini, on lui offre la possibilité d’obtenir une bourse pour se perfectionner au Curtis Institute de Philadelphie, où il étudie avec Rosario Scalero, Fritz Reiner et Johann Beck, compte parmi ses camarades Menotti et Barber, et fréquente Copland. De retour à Milan, il termine ses études de philosophie, à la Regia Università de Milan, auprès d’Antonio Banfi, et soutient une thèse sur les Aspects techniques et esthétiques de la musique à la Renaissance italienne à travers la théorie de Gioseffo Zarlino.

En 1937, il remporte, de manière inattendue, la chaire de théorie et solfège au Lycée musical de Tarante et enseigne, deux ans plus tard, au Conservatoire de Bari, comme professeur d’harmonie et de contrepoint, puis de composition, avant d’en devenir directeur en 1950 – Riccardo Muti compte au nombre de ses élèves. Cette activité didactique est aussi utile pour l’expérience compositionnelle de Rota, qui a la possibilité de faire exécuter à ses élèves et collègues ses œuvres raffinées pour piano et ses musiques de chambre. La « grande famille » du Conservatoire Piccinni, à laquelle il restera lié toute sa vie, lui offre ainsi des conditions optimales pour composer. Rota est en outre l’artisan d’une tournant dans les institutions de Bari, y appelant comme enseignants les meilleurs musiciens du moment et aidant, y compris économiquement, les élèves les plus doués.

À Rome, dès 1940 environ, il fréquente les familles Cecchi et D’Amico, nouant des amitiés avec Suso Cecchi, bientôt scénariste de renom du cinéma italien, et avec Fedele D’Amico, insigne musicologue qui défendra sa musique de la critique militante. Grâce à Emilio Cecchi, directeur artistique de la Cines, il est invité par Raffaello Matarazzo à écrire la musique de Treno popolare. Le film connaît cependant un four et Rota reste loin des écrans pendant des années, poursuivant son activité compositionnelle pour le théâtre et la salle de concert. Il retourne au cinéma quand Guido M. Gatti l’invite à Lux Film, maison de production dans laquelle il travaille de manière ininterrompue de 1942 à 1962, avec Mario Soldati, Alberto Lattuada, Mario Camerini, Luigi Comencini et, surtout, Federico Fellini. Au cours des années 1940, il continue néanmoins à écrire pour le théâtre et la salle de concert (concertos, sonates, mélodrames et nombre de musiques vocales). Les deux aspects de son activité compositionnelle – pour le cinéma et pour la salle de concert ou le théâtre – procèdent ainsi de manière parallèle.

Les années 1950 voient la création de l’œuvre la plus connue du catalogue de Rota, Il cappello di paglia di Firenze, que la critique considère comme le seul opera buffa du xxe siècle. Viennent ensuite I due timidi, La Notte di un Nevrastenico, L’Imprésario de Smyrne, mis en scène par Luchino Visconi à La Fenice en 1957, et Lo scoiattolo in gamba, fable en un acte sur un texte d’Eduardo De Filippo, consacrée à l’enfance, un univers cher à Rota. Le catalogue symphonique s’enrichit aussi de nouvelles compositions, dont le Concerto pour piano et orchestre, dédié à Arturo Benedetti Michelangeli, et d’autres concertos pour trombone, violoncelle et basson.

Rota devient dans le même temps l’un des compositeurs de musiques de film les plus reconnus. Parmi les films mis en musique – au rythme soutenu d’environ dix par an –, citons La Montagne de verre de Henry Cass, Guerre et Paix de King Vidor, Naples millionnaire d’Eduardo De Filippo, Barrage contre le Pacifique de René Clément et La Grande Guerre de Mario Monicelli, ainsi que la collaboration avec deux des metteurs en scène les plus représentatifs du cinéma italien de ces années : Federico Fellini et Luchino Visconti. Les musiques pour Le Cheik blanc, Les Vitelloni, La strada, Les Nuits de Cabiria et Les Nuits blanches sont la quintessence du langage musical cinématographique de Nino Rota. La collaboration avec ces deux metteurs en scène se poursuit au cours de la décennie suivante et Rota signe d’autres chefs-d’œuvre : La dolce vita, Huit et demi, Satyricon, Rocco et ses frères, Le Guépard… Entre-temps, il initie une collaboration avec Franco Zeffirelli (La Mégère apprivoisée et Roméo et Juliette) et se mesure au feuilleton télévisé avec Il giornalino di Gian Burrasca de Lina Wertmüller, où se trouve l’un de ses motifs destinés à devenir les plus célèbres. La production musicale « extra-filmique » continue encore, avec le ballet La strada, l’oratorio Mysterium Catholicum, parmi quantité de musiques sacrées.

À partir des années 1960, la critique se divise entre pro-Rota et anti-Rota. L’attaque la plus violente suit immédiatement Naples millionnaire, partition dénigrée en raison de ses choix linguistiques et de son pot-pourri de styles hétérogènes. Le public, unanime, lui réserve cependant le plus large consensus ; et le chorégraphe Maurice Béjart collabore avec Rota pour Le Molière imaginaire. Rota remporte en 1975 l’Oscar de la musique de film pour le deuxième Parrain et connaît la consécration avec Amarcord, Le Casanova de Fellini et Prova d’orchestra, son dernier film pour Fellini. Lauréat de prix italiens, anglais et américains, Nino Rota meurt le 10 avril 1979 à Rome. Suivant la volonté de Giulietta Masina, aux funérailles de Fellini, le tromboniste Mauro Maur joue l’Improvviso dell’angelo de Rota dans la Basilique Santa Maria degli Angeli e dei Martiri. Fellini, lui, dans l’émouvante nécrologie consacrée à l’« ami magique » publié dans le Messaggero, avait déjà rappelé leur extraordinaire entente. La qualité de Rota, c’était, écrivait-il, son « imagination géométrique, une vision musicale parfois céleste », qui lui avait permis d’accéder comme nul autre à l’univers des images en mouvement.

© Ircam-Centre Pompidou, 2016


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