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Composé par Mayu Hirano , concert du 7 juin 2024

informations

évènements
Répliques
Type
Concert
Lieu de représentation
Cité de la musique (Paris)
durée
15 min
date
7 juin 2024
note de programme
Répliques

Enregistrement © Radio France / France Musique

Parfum d’un Autre Monde est l’évocation d’un voyage sensoriel inspiré par la pièce du théâtre nô Hagoromo [La robe de plumes] 1, connue comme prière pour la paix. « Alors que j’atterris sur le rivage de Miho-no-Matsubara2 et que je regarde autour de moi, des fleurs jaillissent dans l’espace éthéré, la musique résonne et un parfum surnaturel envahit l’air… » (Hagoromo).

Les matériaux musicaux sont basés sur des improvisations au violon (dont je joue). Ils sont analysés, sélectionnés de manière intuitive, et utilisés ensuite comme syntaxe afin de développer une grammaire musicale générative – recherche que j’effectue depuis plusieurs années. L’éventail de la palette musicale concerne le geste, les figures, le timbre et la synthèse sonore de l’œuvre. Ainsi je transforme les matériaux musicaux de diverses manières.

Lorsque l’Ircam m’a proposé une diffusion sonore spécifique pour la création de l’œuvre à la Philharmonie de Paris, des images me sont venues à l’esprit tandis que je composais : d’une part, la fluctuation du brouillard sonore, comme un élément éthéré qui se diffuse dans l’air à la manière du parfum ; d’autre part, l’image d’une nature luxuriante qui se reflète dans l’eau irisée, évoquant la métamorphose du geste instrumental. L’électronique est réalisée à partir de sons de cordes – analysés, segmentés, brouillés, fusionnés, superposés, immergés, disséqués, transplantés… Les figures ciblées passent par différentes transformations. Sur cette toile spatiale, l’alto et l’électronique se confondent en un parfum aigu, en constante mouvance. J’ai imaginé une forme musicale singulière, qui ne se définit pas : ses facettes apparaissent selon le concept Ikai [un autre monde] dans le théâtre nô. Dans le nô, souvent l’heure n’est pas définie ; il en va de même pour la frontière entre jour et nuit. La forme se développe de façon multi-directionnelle selon les modifications de l’ambiance musicale. Capter l’instant fugace, rendre les variations par le geste, le timbre, plonger dans la figure, saisir l’intangible, c’est ce que le terme « métamorphoses » induit, dans une musique au développement continu. Cette musique enregistre la fluctuation, la mobilité des formes dans l’espace et les changements progressifs d’atmosphère.

Parfum d’un Autre Monde s’ouvre sur une envolée, une improvisation flexible à l’image du vent, dans une allure fantasmagorique. Comme les vagues sonores façonnent la mer, le vent sculpte les dunes ondulantes. L’intensité progressivement enrichie nous emporte dans la volupté de l’expression lyrique.

Au cœur de l’œuvre, une texture frémissante en trilles fait allusion au yugen (beauté profonde et mystérieuse du monde, charme ineffable et subtil). L’univers transparent des sons harmoniques mène à un développement dans la turbulence des staccatos et des détachés.

« Le son emplit le ciel. Teintes du coucher de soleil, l’azur ondule sur les vagues. La tempête disperse les nuages, pluie des fleurs tombant du ciel. La nymphe céleste s’élève par-delà le mont Fuji, puis disparaît dans l’éther… » (Hagoromo).
Mayu Hirano

*1 Un matin de printemps, un pêcheur nommé Hakuryo veut s’approprier une robe de plumes qu’il trouve suspendue
à une branche de pin. Lorsqu’il tente de la rapporter chez lui comme un trésor familial, un être surnaturel (une jeune
nymphe céleste) apparaît et lui demande de lui rendre la robe. Au début, Hakuryo refuse, mais il est ému par cette
nymphe céleste qui se lamente, car elle ne peut retourner au ciel sans elle. Elle lui demande de lui rendre la robe
afin de regagner les cieux, et lui promet en échange une danse décrivant la Lune.
*2 Miho-no-Matsubara est une forêt de pins traversée par les vents marins.


Répliques

Trois Manifestes (2009) restera le chef d’œuvre du Colombien Luis-Fernando Rizo-Salom, disparu accidentellement en 2013. Il met en scène le fracas de trois « manifestes sonores », trois groupes instrumentaux spatialisés – nuancés et cimentés par une électronique distribuée dans toute la salle. À cette triple déflagration répliquent deux autres manifestes. Mayu Hirano, compositrice japonaise ayant étudié à Tokyo puis Paris, imagine le Parfum d’un Autre Monde. Inspirée par le théâtre nô, sa création utilise une électronique qui analyse, segmente, brouille, fusionne, superpose, immerge, dissèque et transplante l’alto. L’Italien Aureliano Cattaneo s’empare d’un personnage de Dostoïevski, un fonctionnaire schizophrène aux prises avec son double. Ici la contrebasse se dédouble dans la salle : l’instrument par le biais des transducteurs est littéralement « possédé » par l’incorporation de l’ensemble.

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