<p>Il existe, de la main de Roland Barthes, une suite de huit feuillets portant le titre éminemment programmatique de <em>Vita Nova</em>. Ce texte, ou plutôt ces esquisses patiemment ajustées ont le ton d'un mot d'ordre intime, presque Pascalien (Pascal est d'ailleurs cité explicitement dans le texte). La première phrase (le monde comme objet contradictoire de spectacle et d'indifférence) est le lieu d'un étrange mélange de Schopenhauer et de Debord, comme s'il était nécessaire, impérieux, de brouiller les cartes : RB va changer de vie, et lui seul en sera témoin. <br /></p><p>Le sujet de la nouvelle vie, la littérature, sera la nouvelle vie elle-même ("la littérature comme substitut..."). C'est donc d'une sérénade dont il s'agit : la sérénade hésitante du signe au sens : autant parler d'emblée de chasteté perpétuelle (mieux vaut en général un échec grandiose qu'une réussite mesquine). <br /></p><p>Dans ce nouveau morceau (que je dois encore composer au moment où j'écris ces lignes), un dialogue d'emblée voué à l'échec tentera de s'imposer malgré tout entre un violon soliste déployant ostensiblement un vaste répertoire d'artifices rhétoriques, et un ensemble conçu comme un chœur de signes vocaux désincarnés. Une collection de sérénades s'agencera alors, quelquefois consécutives, d'autre fois simultanées. <br /></p><p>Le pincement, cette production sonore propre au trio caractéristique intégré au Nieuw Ensemble (mandoline, guitare et harpe) est une des images sonores les plus chargées de promesses vocales : de la remémoration nostalgique du luth accompagnant les voix renaissantes au vaste registre d'onomatopées qu'elle suscite. <br /></p><p>On peut difficilement invoquer Roland Barthes en faisant l'économie de son discours critique sur la modernité (littéraire). Depuis mon quintette <em><i><a href="/work/les-voix-humaines-2006-06-27">Les Voix Humaines</a></i></em> et ma pièce pour orchestre avec piano principal <em><i><a href="/work/symphonie-iv-der-geograph">Der Geograph</a></i></em>, je veux placer mon travail sur le double terrain du dépassement de la modernité par les vides qu'elle a elle-même ménagés (le passé, la structure, la déconstruction) et de l'inquiétude que peut engendrer une notion absente du champ musical : l'impossible. </p><p><em>Brice Pauset, décembre 2005.</em><br /></p>