In girum imus nocte et consumimur igni (Nous tournons dans la nuit et seront consumés par le feu) manifeste mes soucis en matière d'objectivation des formes musicales du passé. La partie instrumentale utilise abondamment les techniques du canon prolationel, la partie chantée se réfère à l'organum, alors que l'informatique fonctionnant lors du concert dévoile ce qui, sans elle, resterait latent. Cette assimilation de techniques du passé sous-entend une nécessité vis-à-vis de la signification qu'elles acquièrent dans notre propre contexte, fatalement éloignée des préoccupations historiques auxquelles elles doivent leur émergence. Je ne me sens du reste nullement attiré vers les méprisables retour-à, ni vers les candides référents scientistes. On reprochera probablement à cette œuvre pessimiste la coexistence fragile, en son sein, d'éléments qui sembleront a priori incompatibles ; on aura raison.
La partie technique regroupe plusieurs procédés de transformation des sons réalisée en temps réel : transpositions, mise en résonance de différentes régions du spectre instrumental, synthèse croisée (hybridation) de l'ensemble vocal et instrumental avec des fragments préenregistrés de voix chuchotée (traités dans Audiosculpt). Toutes ces transformations, ainsi que la mise en espace, sont réalisées avec la Station d'informatique musicale de l'Ircam. La partition a par ailleurs fait l'objet d'un travail de formalisation dans Patchwork.
Le texte chanté est tiré du poème philosophique La Vérité de D. A. F. de Sade : « La crainte fit les dieux et l'espoir les soutint. » Les fragments de textes parlés sont tirés des œuvres complètes de Guy Debord. Ils ne sont pas destinés à plaire. L'œuvre a été composée à la mémoire de Guy Debord, philosophe et sociologue, disparu le 1er décembre 1994.
Brice Pauset.