updated 2 June 2023
© Maarit Kytöharju

Kaija Saariaho

Finnish composer born 14 October 1952 in Helsinki, died 2 June 2023 in Paris.

Kaija Saariaho, née Kaija Anneli Laakkonen, was born in Finland on 14 October 1952. She studied visual arts at the University of Industrial Arts (now part of the Aalto University School of Arts, Design and Architecture) in Helsinki. She subsequently turned to composition, studying with Paavo Heininen at the Sibelius Academy from 1976 to 1980, and with Klaus Huber and Brian Ferneyhough at the Freiburg Musikhochschule from 1981 to 1983. She also studied computer music at IRCAM starting in 1982, and since then has remained a resident of Paris. She taught composition at UC San Diego in 1988-89 and at the Sibelius Academy in 1997-98 and from 2005 to 2009.

Saariaho’s work is heavily influenced by spectral music. Key to her musical language since the 1980s is the exploration of the concept of the “timbral axis,” in which “a noisy, grainy texture is akin to a dissonance, whereas a smooth, transparent texture corresponds to a consonance.” The malleable sonorities of the cello and flute lend themselves perfectly to this ongoing research; works such as Laconisme de l’aile for flute (1982) and Près for cello and electronics (1992) explore the space between ethereal, light sounds and saturated, noisy textures.

Kaija Saariaho has been the recipient of numerous prizes, including the Kranichsteiner Musikpreis for Lichtbogen (1986), a work in which she revealed her personal, luminous form of tonality, derived from the spectral aesthetic; and the Prix Ars Electronica for Stilleben (1988), a virtuosic radiophonic work which explores the vagaries of consciousness. In the 2000s, her works continued to receive accolades, including a Nordic Council Music Prize (2000), Prix Schock (2001), American Grawemeyer Award for Music Composition (2003), Musical America Composer (2008), Wihuri Sibelius Prize (2009), Léonie Sonning Music Prize (Denmark, 2011), Grand Prix Lycéen for Composers (2013) for Leino Songs, the “Frontiers of Knowledge” Prize from the BBVA Foundation (2018) for her contribution to contemporary music, and the Golden Lion prize from Biennale Musica (2021).

Saariaho’s musical language crystalised in the 1980s. It is marked by gradual transformations of sonic material, as manifest in the diptych for orchestra Du cristalà la fumée. Other particularly paradigmatic pieces include NoaNoa, Amers, Près, and Solar, composed in 1992 and 1993. A brief period of creative uncertainty followed the composition of these works, coinciding with the composer’s newfound international acclaim and a string of commissions. The opera l’Amour de loin (1999-2000), with a libretto by Amin Maalouf and directed by Peter Sellars, marked the beginning of a new phase for Saariaho, in which concepts derived from spectralism, now totally absorbed into her creative identity, merged with a novel form of lyricism. Following this opera, for which Kent Nagano’s recording received a Grammy Award in 2011, Saariaho composed a string of orchestral works for the world’s leading orchestras, and a second opera (Adriana Mater) and a passion on the life of Simone Weil (The Passion of Simone), both of which were further collaborations with Sellars and Maalouf. Émilie (2008), a monodrama with a libretto by Maalouf based on the writings of Émilie du Châtelet, was premiered by Karita Mattila at the Lyon Opera in 2010. In 2012, she composed Circle Map for orchestra and electronics, in which six poems by Rumi, read in their original Persian, were both the basis for the material in the electronics and the inspiration for the instrumental writing. Her opera Only the Sound Remains (2015), again directed by Peters Sellars and inspired by Ezra Pound’s translations of two Noh theatre plays, was premiered in 2016 at the Amsterdam Opera.

Saariaho’s creative work is always the result of collaborations with other artists, including musicologist Risto Nieminen, conductor Esa-Pekka Salonen, and cellist Anssi Karttunen (Finnish artists and former members of the “Korvat Auki!” [“Open your ears!”] group, a collective founded in the 1970s in Helsinki with which Saariaho regularly worked), as well as flutist Camilla Hoitenga, sopranos Dawn Upshaw and Karita Mattila, and pianist Emmanuel Ax.


© Ircam-Centre Pompidou, 2019

Sources

  • Site du Centre d’information sur la musique finlandaise (voir ressources documentaires).
  • SAARIAHO Kaija, « Timbre et harmonie »,dans Le timbre, métaphore pour la composition, Jean-Baptiste Barrière, éd., Paris, Ircam - Christian Bourgois, 1991, p. 412-453.
  • Risto NIEMINEN (éd), « Kaija Saariaho », Les cahiers de l’Ircam, « Compositeurs d’aujourd’hui », n° 6, 1994, 95 p.

By Grégoire Lorieux

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Les trois dernières décennies du vingtième siècle resteront probablement comme étant celles de l’apparition de l’ordinateur dans l’atelier des compositeurs de musique savante. Pour la génération de ceux qui, nés dans les années cinquante, gravitent autour de l’Ircam au début des années quatre-vingt (Philippe Hurel, Marc-André Dalbavie, Magnus Lindberg…), il s’agit spécifiquement d’intégrer à la grammaire spectrale issue de leurs collègues un peu plus âgés (Gérard Grisey, Tristan Murail...), les notions renouvelées par les progrès de l’informatique musicale en matière d’analyse-synthèse et de connaissance psycho-acoustique. Caractérisées par une accessibilité toujours plus aisée des outils informatiques pour la composition, ces années marquent une appropriation intime des concepts et outils de l’informatique qui aboutit parfois à une réelle mutation du métier de compositeur.

Les outils de CAO (composition assistée par ordinateur) aident à formaliser et à accélérer le travail quotidien du compositeur, en particulier dans le cadre spectral, en multipliant la capacité de calcul, et par là même les possibles dans l’élaboration des matériaux sonores. Cette puissance dissocie à beaucoup d’égard le lien séculaire entre la main (vecteur de l’écriture) et l’oreille (contrôle de la réalisation) jusqu’à déposséder le compositeur de son apprentissage classique du métier d’écriture. D’autre part, les progrès des outils d’analyse spectrale favorisent la fusion des mondes instrumental et électroacoustique : de l’analyse d’un son, peuvent aussi bien être générés des structures symboliques hautement formalisées (grand réservoir d’accords par exemple) que des matières résultant de la combinaison ou de l’hybridation de différentes sources sonores acoustique ou de synthèse. L’ordinateur scrute et combine le matériau sonore bien plus loin que l’oreille ne saurait le faire seule. De même, la synthèse sonore en proposant de construire le son musical ex nihilo, avec une complexité au moins égale à celle des sons concrets ou instrumentaux, réclame une pensée paramétrique complexe qui ne peut être gérée de manière satisfaisante qu’avec l’aide informatique. En retour, cette possibilité de composer littéralement le son ne peut qu’inviter à une nouvelle conception de l’orchestration et de l’écriture instrumentale : ce sera le cas, en particulier, chez Kaija Saariaho. Enfin, l’essor de l’électronique en temps-réel ouvre des possibilités d’interaction inédites entre la machine et les instruments de musique qui restent encore aujourd’hui largement inexplorées.

L’œuvre de Kaija Saariaho participe pleinement de ce mouvement d’interaction étroite entre développements des technologies et évolution des techniques de composition. Les créateurs se trouvent alors face à de nouvelles possibilités, mais se doivent, pour espérer les assimiler à leur esthétique propre, profondément revoir leurs modes de pensée : Saariaho y parvient dès sa première période de création (jusqu’à 1987), caractérisée par la volonté de contrôler les textures sonores grâce aux programmes informatiques, suivant la notion d’axe timbral 1.

Cette première période est marquée par l’arrivée de la compositrice en 1982 à l’Ircam, où elle découvre la synthèse sonore, et sa nécessité d’écrire le son en contrôlant de très nombreux paramètres en parallèle. Ses premières réalisations dans ce domaine comportent souvent des glissements progressifs d’un état sonore complexe à l’autre. En effet, comme de nombreux compositeurs de sa génération, Saariaho réinvestit l’habitus formel du processus (héritage direct de György Ligeti et des premiers spectraux) par la notion d’interpolation (issue de l’informatique). Ainsi, Vers le blanc (1982, bande magnétique) utilise uniquement le programme CHANT contrôlé par des interpolations très fines qui permettent de donner aux voix synthétiques une évolution et une vie constantes. Le cycle des Jardins Secrets (Jardin Secret I pour bande, 1985, Jardin Secret II pour clavecin et électronique, 1986) est l’occasion de développer l’un des premiers programmes informatiques visant à contrôler les évolutions des sons synthétiques comme celles des textures instrumentales, par un système d’interpolation intégrant toutes les dimensions musicales (harmonie, rythme, dynamiques, timbre…). Verblendungen (1984, orchestre) applique ces idées d’évolution contrôlée de tous les paramètres musicaux à l’écriture orchestrale. Cette fois, les paramètres choisis concernent surtout des évolutions à l’échelle macroscopique : densité polyphonique, harmonique, instrumentale, rythmique, équilibre entre la bande magnétique et l’orchestre… C’est un pas vers la définition de l’axe timbral 1. Cette notion vise à définir une situation musicale donnée, du point de vue du timbre, à la fois qualitativement et fonctionnellement. Le timbre y est compris comme une qualité de texture sonore (au sens quasi-électroacoustique du terme) qui se définit par l’harmonie, la couleur instrumentale, la densité rythmique… et acquiert une sorte de fonction grammaticale, entre « dissonance » (« son bruité ») et « consonance » (« son clair »). Lichtbogen (1986, ensemble) illustre parfaitement ces idées. Des sons de violoncelle de plus en plus bruités, moins analysés en termes harmoniques qu’interprétés comme geste formel global, sont le point de départ de la pièce. Le modèle sonore choisi, vu comme une sorte d’objet évoluant dans un espace à trois dimensions, acquiert des épaisseurs et des brillances. Ces variations de matière, perçues avec une sensibilité plastique, sont transcrites musicalement par des variations de texture entre son clair et son bruité, à différentes échelles. C’est bien le modèle sonore/plastique de départ qui dicte à la fois la macro-forme de Lichtbogen, et les micro-évolutions de texture instrumentale. Saariaho parvient dans cette pièce à une organisation rhétorique qui associe ses précédentes recherches de formalisation avec l’expression de ses toutes premières pièces.

La période qui s’ouvre entre 1987 et 1994 s’oriente vers un plus grand dramatisme : plans différenciés, polyphonies de processus, tensions entre couches tectoniques. La directionnalité caractéristique des œuvres antérieures, se doublent désormais d’interpolations multiples, de superpositions conflictuelles, parfois déchirées par de violentes ruptures. De 1987 jusqu’aux pièces maîtresses des années 1990-1992 que sont le diptyque Du cristal ...à la fumée (1989-1990, pour orchestre, puis pour flûte, violoncelle et orchestre), Amers (1992, pour violoncelle, ensemble et électronique) Près (1992, pour violoncelle et électronique) et NoaNoa (1992, pour flûte et électronique), les œuvres de Saariaho prennent systématiquement appui sur des matériaux issus d’analyses spectrales. Nymphea (Jardin Secret III, 1988 pour quatuor à cordes et électronique) se construit par superposition de processus mélodiques et timbraux, interrompus par de grandes brisures. L’orchestre de Du cristal procède par collisions et couches de blocs de son massifs. Io (1987 pour ensemble et électronique) confie plusieurs plans parallèles d’évolutions rythmiques, harmoniques et timbrales à l’ensemble et à l’électronique. Des sons de contrebasse ont servi à l’élaboration de la partie électronique comme des parties instrumentales : les résultats des analyses spectrales sont affectés à des filtres, plus ou moins résonants, ce qui permet un contrôle précis de l’épaisseur du tissu électronique, c’est-à-dire des seuils de perception entre timbre et harmonie. Conjointement une notion émerge progressivement, qui deviendra centrale : celle d’espace résonant.

La notion d’espace résonant est induite par l’utilisation d’une nouvelle méthode d’analyse-synthèse : celle par modèle de résonance, que la compositrice explore dès son invention en 1985. Avec une analyse spectrale classique (FFT, par exemple), on prend des « photographies » d’un son, séparées dans le temps. Les résultats, sous forme de hauteurs et d’intensités, sont « transcriptibles » en accords : l’utilisation de ce matériel est a priori destinée à une re-synthèse plus ou moins fidèle du son d’origine (synthèse additive ou « instrumentale »). Au contraire, la méthode d’analyse par modèle de résonance donne un résultat qui représente statistiquement le son entier. On crée ainsi un ensemble de filtres résonants, que l’on utilise, concrètement, comme une sorte de réverbération dont la coloration est très similaire à celle du son analysé.

Il s’agit donc d’un système dynamique, qui n’est pas un « objet » musical figé mais un filtre ; qui n’est pas un élément agissant (poser un accord pour définir un champ harmonique est un geste actif) mais un élément qui réagit (un filtre sans impulsion ne donne pas de son). Ce filtre définit le comportement spectral d’un modèle sonore, assimilé à un résonateur : il s’agit d’un espace résonant. Ce qui compte, c’est la définition de cet espace et l’inscription des événements dans cet espace, non plus la représentation et la déformation d’un modèle initial. C’est donc à l’intérieur d’un espace résonant que va se construire le discours musical. La notion de synthèse instrumentale est ainsi dépassée par la notion d’espace de résonance.

Cette notion nouvelle a permis de repenser la figuration du matériau spectral. Jusqu’alors, la figure musicale passait au second plan d’une écriture essentiellement harmonique, vouée à la description du modèle (cf. les premières pièces monumentales de la fin des années soixante-dix de Murail et Grisey). La seconde génération des compositeurs spectraux, en souhaitant se réapproprier un certain dynamisme rythmique à l’aide de figures (parfois de patterns), a parfois perdu de vue la définition harmonique du rapport de consonance avec le modèle de départ. La notion d’espace résonant ouvre la possibilité d’une réconciliation de ces deux exigences. Comme les cordes sympathiques d’une viole d’amour, l’espace de résonance définit un background sonore. Comme les mélodies et accords joués sur les cordes supérieures de la viole peuvent entrer plus ou moins en consonance avec les cordes sympathiques, les figures musicales s’inscrivent à la fois dans cet espace harmonique tout en le décrivant, en épousant plus ou moins sa configuration.

Dans le concerto pour violoncelle Amers (puis sa reformulation soliste Près), le modèle spectral est un mi bémol trillé (entre son harmonique et son appuyé) : celui-ci ouvre la pièce, joué par le violoncelle. Mais en réalité, le trille n’est son que dans la mesure où il décrit une résonance, celle de la corde qu’il fait vibrer. Les accords extraits à différents endroits du son, présentés au cours de l’œuvre sous forme de sons électroniques, re-synthèses sonores du trille, ou encore sous la forme de figures pour le violoncelle et l’orchestre, décrivent (re-présentent) le son d’origine. Ils matérialisent des repères formels, comme les amers servent de repères pour les navigateurs. C’est alors l’œuvre dans son entier qui simule le modèle. Amers est ainsi une œuvre de transition, entre une formulation « classique » du matériau, avec un aspect réellement « résonant ».

NoaNoa est le nom d’une gravure sur bois de Gauguin — la gravure est une sculpture en creux. Dans sa pièce éponyme, Saariaho s’appuie sur l’électronique pour définir un espace spectral de manière progressive : des réverbérations infinies et larges évoluent vers des filtres résonants accordés sur un multiphonique de flûte. Cette « fermeture » progressive des filtres peut être rapprochée d’une évolution sur l’axe timbral du son « bruité » vers le son « clair ». De manière inverse, la flûte part globalement de figures « claires », qui sont projetées dans le flou de la réverbération, vers des figures « bruitées », multiphoniques et souffles, qui excitent les filtres résonants sur des hauteurs précises.

La période suivante (1994-2000), voit l’écriture de Saariaho évoluer vers une dramaturgie plus directe, quitte à abandonner la rigueur des procédés mis en œuvre dans les années précédentes. C’est la période des figures « toupies », courtes et tourbillonnantes, qui, dans Graal Théâtre (1995, pour violon et orchestre), Trois Rivières (1994, pour percussion et électronique) ont un caractère expressif intense et séduisant. Dans Six Japanese Gardens (1995, pour percussion et électronique), ces ostinatos tendent peu à peu vers l’immobilité de la méditation, conséquence logique de l’exploration, par une écriture de figures, d’un espace résonant fixe et unique.

Mais cette période est surtout marquée par l’avancée progressive de l’opéra L’amour de loin, chef-d’œuvre qui marquera la reconnaissance internationale de la compositrice auprès d’un très large public. Les pièces préparatoires Château de l’âme (1995, pour soprano, mezzo, chœur de femmes et orchestre) et Lonh (1996, pour soprano et électronique) ont une écriture vocale volontiers diatonique. La première pièce, de caractère assez hiératique, prolonge la voix soliste dans le chœur, tandis que l’orchestre embrasse le tout. La sensation d’espace résonant se construit ici autour de modes diatoniques, un peu à la manière debussyste. Lonh, adaptation du célèbre Lanquan il jorn… de Jaufré Rudel, habille la voix de Dawn Upshaw de voiles électroniques raffinés. Pensé comme un extrait de l’opéra à venir, Lonh délimite autour de la voix des espaces réalisés à partir d’analyses spectrales par modèles de résonance, dans lesquels la mélodie évolue.

L’amour de loin (2000, opéra) parle, comme la pièce radiophonique Stilleben (1988) de l’éloignement des amants. Déjà avec Amers et Du cristal, la mer apparaît ici comme l’élément de dé-liaison et de fusion tout à la fois – jusqu’à symboliser le liquide primordial. Saariaho a souhaité caractériser chacun des personnages (Jaufré, Clémence, le Pèlerin) par une famille spectrale, obtenue par analyse de sons instrumentaux divers. Ainsi, les relations dramaturgiques entre les personnages de l’opéra se manifestent dans la construction harmonique : chaque personnage agissant ou recueillant l’harmonie d’un autre. Dans les monologues, une seule famille spectrale est représentée, sous la forme de longues plages harmoniques et d’échelles mélodiques qui en sont tirées. Le dialogue entre les personnages se caractérise par le croisement, par filtrage, des familles spectrales entre elles. Des sons électroniques fusionnent avec l’orchestre : comme dans Lonh, ils sont composés de bruits de la nature filtrés par les modèles spectraux, eux-mêmes extraits de sons instrumentaux. L’écriture vocale, quant à elle, s’adapte parfaitement à la prosodie du texte de Amin Maalouf, réinventant une forme de « récitatif continu », solution efficace pour l’opéra français, de Lully à Debussy, notamment avec des rythmes harmoniques lents. Le rythme harmonique est d’ailleurs globalement lent dans tout l’opéra, qui prend soin d’installer des espaces résonants, des milieux, dans lesquels les voix évoluent. Associé aux jeux des couleurs de timbres et au déploiement mélodique, cette notion d’espace résonnant sonne alors comme une relecture de l’éthos de l’ancienne modalité.

Les œuvres qui suivent L’amour de loin se diversifieront, sans abandonner une veine assez directement expressive. Sa musique pourrait être aujourd’hui caractérisée comme un flux d’affects traversant tempêtes, accalmies ou supplications… Ce sont les concertos aériens L’aile du songe (2005, pour flûte et ensemble), Notes on light (2006, pour violoncelle et orchestre), les pièces solistes virtuoses Vent nocturne (2006, pour alto et électronique), Couleurs du vent (2005, pour flûte alto) ; pour la musique vocale : The Tempest Songbook (2002-2005, cycle pour soprano, baryton et huit instruments, d’après Shakespeare), La passion de Simone (2007, oratorio, en hommage à Simone Weil). Également des fresques orchestrales : Nymphea Reflection (2002, pour orchestre à cordes), Orion (2004, pour orchestre), qui célèbrent la maîtrise de la sensualité des timbres de l’orchestre. Saariaho a composé un second opéra, Adriana Mater (2005), où l’atmosphère féerique et légendaire du premier opéra, cède la place à une représentation violente de la guerre des Balkans des années quatre-vingt dix. Dans cet opéra, comme dans l’œuvre de chambre préparatoire Je sens un deuxième cœur (2005, pour alto, violoncelle et piano), on retrouve la métaphore de deux cœurs qui battent dans le corps d’une femme enceinte : une superposition de pulsations données à la grosse caisse et à un crotale, et du mi bémol trillé au violoncelle (le même qu’Amers, et présent dans de très nombreuses pièces de la compositrice), élément symbolique de fusion, matricielle et maternelle.

  1. SAARIAHO Kaija, « Timbre et harmonie », Le timbre, métaphore pour la composition, Jean-Baptiste Barrière éd., Paris, Ircam - Christian Bourgois, 1991, p. 413.

© Ircam-Centre Pompidou, 2013

Documents

Discographie, filmographie sélectives

  • Kaija SAARIAHO, Preludi ; Tunnustus ; Postludi ; Sua Katselen ; Sydän ; Rauha ; Iltarukous ; Du Kick, Flög ; Il Pleut ; Luonnon Kasvot ; Jokaisella On Tämänsä ; Kaikki Tämä ; Minussa Lintu Ja Käärme ; Sumun Läpi, Pia Värri : piano, Anu Komsi : soprano, dans « Sumun Läpi », 1 CD Coloramaestro Oy, 2021, CM01.
  • Kaija SAARIAHO, Jardin Secret II, dans « Musique? », avec des oeuvres de Toru Takemitsu, Anahita Abbasi, Gavin Bryars, Henry Cowell, Luc Ferrari ; Mahan Stefani, clavecin, 1 cd Hyperion, 2020, CDA68287.
  • Kaija SAARIAHO, Fleur de neige ; Aure ; Du gick ; Nocturne ; Changing Light ; …de la Terre ; Die Aussicht ; Terra Mamoria, dans « Chamber Works for Strings, Vol 2/2», Meta4 ; Pia Freund, soprano ; Marko Myöhänen, électronique, 1 cd Ondine, 2016, ODE1242-2.
  • Kaija SAARIAHO, Tocar, Mirrors I ; Couleurs du vent ; Sombre I-III ; Dolce tormento ; Mirrors III ; Oi Kuu ; Laconisme de l’aile ; Mirrors II, dans « Let the Wind Speak, works for flute », Camilla Hoitenga, flûte ; Anssi Karttunen, violoncelle ; Daniel Belcher, baryton ; Héloïse Dautry, harpe, Da Camera of Houston, 1 cd Ondine, 2015, ODE1276-2.
  • Kaija SAARIAHO, Quatre instants ; Terra memoria ; Émilie Suite, Karen Vourc’h, soprano ; Orchestre Philharmonique de Strasbourg ; Marko Letonja, direction, 1 cd Ondine, 2015, ODE1255-2.
  • Kaija SAARIAHO, Tocar ; Vent nocturne ; Calices ; Spins and Spells ; Nocturne ; Nymphéa, Meta4 ; Anna Laakso, piano ; Marko Myöhänen, électronique, dans « Chamber Works for Strings, Vol 1», 1 cd Ondine, 2013, ODE1222-2.
  • Kaija SAARIAHO, La Passion de Simone, Dawn Upshaw, soprano ; Finnish Radio Symphony Orchestra ; Tapiola Chamber Choir ; Esa-Pekka Salonen, direction, 1 cd Ondine, 2013, ODE1217-5.
  • Kaija SAARIAHO, Mirage ; Cloud Trio ; Cendres ; Je sens un deuxième cœur ; Serenatas, Steven Dann, alto ; Pia Freund, soprano ; Tuija Hakkila, piano ; Mikael Helasvuo, flûte alto ; Florent Jodelet, percussion ; Anssi Karttunen, violoncelle ; Ernst Kovacic, violon, dans « Trios »,  1 cd Ondine, 2012, ODE1189-2.
  • Kaija SAARIAHO, D’Om ; Le Vrai Sens ; Laterna Magica ; Leino Songs, Anu Komsi : sorpano, Kari Krikku : clarinette, Finnish Radio Symphony Orchestra, direction : Sakari Oramo, 1 cd Ondine, 2011, ODE 1173-2.
  • Kaija SAARIAHO, Notes on Light ; Orion ; Mirage, Karita Mattila, Anssi Karttunen, Orchestre de Paris, direction : Christoph Eschenbach, 1 cd Ondine, 2008, ODE 1130-2.
  • Kaija SAARIAHO, L’Amour de loin, Daniel Belcher : baryton, Ekaterina Lekhina : soprano, Marie-Ange Todorovich : mezzo-soprano, Orchestre et Chœur Deutsches Symphonie Berlin, direction : Kent Nagano, 1 cd Harmonia Mundi, 2009, HMC801937.38.
  • Kaija SAARIAHO, « L’œuvre pour violoncelle » : Petals ; Oi Kuu ; Spins and Spells ; Mirrors ; Sept Papillons ; Près, Alexis Decharmes, violoncelle, Nicolas Baldeyrou, clarinette, Jérémie Fèvre, flûte, 1 cd æon-Harmonia Mundi, 2006, æon 637
  • Kaija SAARIAHO, L’Amour de loin, livret d’Amin Maalouf, Gerald Finley, Dawn Upshaw, Monica Groop, chœur et orchestre de l’opéra national finlandais, direction : Esa-Pekka Salonen, mise en scène : Peter Sellars, 1 dvd Deutsche Grammophon - Universal, 2005, 156 minutes.
  • Kaija SAARIAHO, Cinq reflets de l’Amour de loin ; Nymphea Reflection ; Oltra mar, Pia Freund, soprano, Gabriel Suovanen, baryton, Tapiola Chamber Choir, Finnish Radio Symphony Orchestra, direction : Jukka-Pekka Saraste, 1 cd Ondine, 2004, ODE 1049-2.
  • Kaija SAARIAHO, Du cristal ; …à la fumée ; Nymphea (Jardin secret III) ; Sept papillons, Anssi Karttunen, violoncelle, Los Angeles Philharmonic Orchestra, direction : Esa-Pekka Salonen, Kronos Quartet (Nymphea), 1 cd Ondine, 2004, ODE 1047-2.
  • Kaija SAARIAHO, Chamber Music : Cendres ; NoaNoa ; Mirrors (deux versions) ; Spins and Spells ; Monkey Fingers ; Velvet Hand ; Petals ; Laconisme de l’aile ; Six Japanese Gardens, Wolpe Trio : Lesley Olson, flûte, Scott Roller, violoncelle, Susanne Achilles, piano, 1 cd Kairos, 2004, 0012412KAI.
  • Kaija SAARIAHO, Six Japanese Gardens ; Trois rivières : Delta, Thierry Miroglio, percussions, 1 cd INA 5013, 2002, 275 922.
  • Kaija SAARIAHO, Laconisme de l’aile ; Flute Concerto “L’Aile du songe”, Camilla Hoitenga, flûte, Amin Maalouf, recitant, Finnish Radio Symphony Orchestra, direction : Jukka-Pekka Saraste, Kaija Saariaho & Jean-Baptiste Barrière, electronique, 1 cd Montaigne, 2002, MO 782154.
  • Kaija SAARIAHO, Graal théâtre [premier enregistrement de la version pour orchestre de chambre], Solar, Lichtbogen, John Storgårds, violin, Avanti! Chamber Orchestra, direction : Hannu Lintu, 1 cd Ondine, 2002, ODE 9970.
  • Kaija SAARIAHO, Château de l’âme ; Graal-théâtre ; Amers, Anssi Karttunen : violoncelle, Avantii Chamber Orchestra, direction : Esa-Pekka Salonen, 1 cd Sony, 2001, SK 60817.
  • Kaija SAARIAHO, Private Gardens : Lonh ; Près ; NoaNoa ; Six Japanese Gardens, Dawn Upshaw, soprano, Anssi Karttunen, cello, Camilla Hoitenga, flute, Florent Jodelet, percussions, 1 cd audio dans « Prisma » 1 cd-rom + 1 cd audio Naïve, 2001, MO782087.
  • Kaija SAARIAHO, New gates [musique de chambre] : Cendres ; Grammaire des rêves ; Solar ; New Gates ; Ensemble Champs d’action direction : James Wood, 1 cd MODE 91, 2000.
  • Kaija SAARIAHO, From the Grammar of Dreams [pièces vocales] : Du glick ; flög ; Preludi-Tunnustus-Postludi ; Miranda’s Lament ; Caliban’s Dream ; From the Grammar of Dreams ; Il pleut ; Adjö ; Grammaire des reves ; Die Aussicht, Anu Komsi, Piia Komsi, sopranos, Petteri Salomaa, baryton, Avanti! dir. Hannu Lintu, 1 CD Ondine 958-2, 2000.
  • Kaija SAARIAHO, La Dame à la Licorne ; Cloud Music, Anu Komsi, soprano, 1 cd Petals 003, 1999.
  • Kaija SAARIAHO, Meet The Composer : I. Verblendungen ; II. Lichtbogen ; III. Io ; IV. Stilleben ; V. Jardin Secret II ; VI. Petals ; VII. Lichtbogen, I, II, III : Avanti, dir. Jukka-Pekka Saraste ; V : Jukka Tienssu , clavecin, VI : Anssi Karttunen, violoncelle, VII : Endymion, direction : John Whitfield, 2 cds Finlandia, 1999, 3984-23407-2.
  • Kaija SAARIAHO, Works for cello : Petals ; Près ; Spins and Spells, Anssi Karttunen : violoncelle, 1 cd Petals 002, 1998.
  • Kaija SAARIAHO, Private Gardens : Lonh ; Près ; NoaNoa ; Six Japanese Gardens, Dawn Upshaw, soprano, Anssi Karttunen, cello, Camilla Hoitenga, flute, Florent Jodelet, percussions, 1 cd Ondine, 1997, ODE 906-2.
  • Kaija SAARIAHO, Du Cristal ; ...à la fumée ; Nymphea, Los Angeles Philharmonic, dir. Esa-Pekka Salonen, Kronos Quartet, Anssi Karttunen : violoncelle, Petri Alanko : flûte, 1 cd Ondine, 1993, ODE 804-2.
  • Kaija SAARIAHO, Maa, Ballet Music in Seven Scenes, Ensemble, direction : Tapio Tuomela, 1 cd Ondine, 1992, ODE 791-2.
  • Kaija SAARIAHO, I. Verblendungen ; II. Lichtbogen ; III. Io ; IV. Stilleben, III. Avanti, dir. Jukka-Pekka Saraste, 1 cd Finlandia FACD 354, 1989.
  • Kaija SAARIAHO, « A portrait of Kaija Saariaho » : I. Verblendungen ; II. Sah den Vögeln ; III. Jardin Secret I ; IV. Laconisme de l’aile, RSO, direction : Esa-Pekka Salonen (I), Atso Almila : direction (II), Camilla Hoitenga : flûte (IV), 1 cd BIS-LP 307, 1986, réédition 1997.

Bibliographie

  • Marc BATTIER, Gilbert NOUNO, « L’électronique dans l’opéra de Kaija Saariaho, L’Amour de loin », Musurgia, vol. X, 2, 2003 ; repris dans Carlos AGON, Gérard ASSAYAG, Jean BRESSON, The OM Composer’s Book, coll. Musique et sciences, Ircam, Centre Georges-Pompidou, 2006, 271 p.
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