Manifestant dès sa petite enfance des dons précoces pour la musique, dont la pratique est ancrée dans son univers familial, Chostakovitch reçoit ses premières leçons de piano par sa mère et, à partir de 1915, commence immédiatement à composer, notamment des pièces pour piano. À l’automne 1919, il entre au très réputé conservatoire de Pétrograd, où, via le directorat d’Alexandre Glazounov, l’influence de Rimski-Korsakov est encore très présente et où il est l’élève de Maximilien Steinberg, Alexandra Rozanova, Nikolaï Sokolov et Léonid Nikolaïev en classe de piano, d’harmonie, de fugue, de contrepoint, d’histoire de la musique, d’orchestration et de composition.

À partir de 1923, il est accompagnateur de film muets, activité qui le liera aux univers de la danse, du théâtre et du cinéma dans le bouillonnement culturel de la fin des années 1920 à Moscou et à Léningrad. En 1925, l’année de l’achèvement de sa première symphonie (qui sera reprise par de nombreux chefs à l’ouest dès 1926 et lui apportera une renommée internationale), il fait la connaissance du Maréchal Mikhaïl Toukhatchevski, qui devient son mécène et à qui il devra de nombreuses rencontres décisives pour sa carrière de compositeur. En 1927, simple finaliste au premier concours de piano Chopin à Varsovie (la déception enterrera définitivement ses perspectives d’une carrière de soliste), il rencontre Sergueï Prokofiev, le metteur en scène Vsevolod Meyerhold (qui l’engage dans son théâtre moscovite dès 1928), et Alban Berg lors d’une représentation de Wozzeck à Léningrad, qui aura un grand impact sur lui.

Chostakovitch accède alors Ă  une notoriĂ©tĂ© importante, qui lui vaut de recevoir dès 1927, pour le dixième anniversaire de la RĂ©volution, de nombreuses commandes Ă©manant directement du parti. Le compositeur doit alors faire le grand Ă©cart entre deux positions a priori incompatibles : son statut de compositeur officiel, contraint de composer avec la ligne dictĂ©e par le rĂ©gime, et ses propres aspirations de compositeur d’avant-garde – cette double casquette gĂ©nèrera une angoisse permanente et une production musicale schizophrène. Les annĂ©es 1930 inaugurent ses premiers dĂ©boires avec le pouvoir que Staline tient d’une main de fer depuis 1928. Après avoir rejoint la section de LĂ©ningrad de l’Union des compositeurs soviĂ©tiques en 1932, puis avoir Ă©tĂ© Ă©lu dĂ©putĂ© du district du soviet de LĂ©ningrad (1933), il se voit violemment critiquĂ© par un article de la Pravda du 28 janvier 1936 qui parle du « galimatias musical » de son opĂ©ra Lady Macbeth du district de Mzensk, « anti-rĂ©aliste », anti-populaire, vulgaire et souvent atonal, bien qu’il ait Ă©tĂ© crĂ©Ă© avec succès en janvier 1934 Ă  LĂ©ningrad et Moscou, puis en 1935 Ă  New York et Stockholm, notamment. C’est dans ce contexte difficile, au cĹ“ur des purges staliniennes, que naissent ses deux enfants, Galina et Maxime, respectivement en 1936 et 1938. Chostakovitch accepte des charges d’enseignement au conservatoire de LĂ©ningrad Ă  partir de 1937, puis Ă  Moscou (oĂą il s’est fraĂ®chement installĂ©) Ă  partir de 1943.

En 1941, alors qu’est rompu le pacte germano-soviĂ©tique et que l’armĂ©e allemande avance sur LĂ©ningrad, il s’engage dans les forces armĂ©es et Ă©crit des arrangements destinĂ©s Ă  ĂŞtre jouĂ©s au front. ÉvacuĂ© avec sa famille le premier octobre 1941 (après la couverture du magazine Time le montrant portant un casque de pompier), il termine sa Septième symphonie qui est jouĂ©e dans la ville assiĂ©gĂ©e le 9 aoĂ»t 1942, et devient l’hymne de l’URSS victorieuse de l’armĂ©e nazie.

En fĂ©vrier 1948, la violente campagne anti-formaliste menĂ©e par Tikhon Khrennikov qu’AndreĂŻ Jdanov a nommĂ© Ă  la tĂŞte de l’Union des compositeurs, place plusieurs de ses Ĺ“uvres sur la liste noire, le contraint Ă  l’autocritique et l’oblige Ă  abandonner ses postes d’enseignant en aoĂ»t 1948. En mars 1949, il fait partie de la dĂ©lĂ©gation soviĂ©tique au Congrès de la Paix aux États-Unis, oĂą il se rendra de nouveau en 1959 et 1973. Dans les annĂ©es 1950 et 1960, tout en acceptant des postes officiels et en participant Ă  des Ă©lections, il multiplie les sĂ©jours Ă  l’étranger, Ă  la suite de sa rĂ©habilitation par le rĂ©gime de Khrouchtchev : pour le bicentenaire de la mort de Bach Ă  Leipzig (en 1950) ; en mai 1958, alors qu’il vient de prĂ©sider le premier concours TchaĂŻkovski, il enregistre les concertos pour piano Ă  Paris – il y ressent les premiers symptĂ´mes de ce qui sera diagnostiquĂ© comme une maladie neurologique motrice ; en 1960, lors d’un voyage Ă  Londres, il se lie d’amitiĂ© avec Benjamin Britten ; en 1962, la ville d’Édimbourg lui consacre un festival.

Mais sa santé, qui a toujours été fragile, se dégrade rapidement. En 1966, alors qu’il a reçu le titre de héros du travail socialiste, il est victime d’une première crise cardiaque, suivie d’un séjour de deux mois à l’hôpital. La seconde, en septembre 1971, le paralyse partiellement. Enfin, hospitalisé en décembre 1972 pour traiter un cancer du poumon, il décède sur son lit de malade en août 1975.

© Ircam-Centre Pompidou, 2012


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