Bill Hopkins est né à Prestbury près de Macclesfield en 1943. Il commence à écrire de la musique dès l’âge de 10 ans, principalement des mélodies accompagnées au piano. Son intérêt précoce pour l’écriture sérielle est encouragé par Luigi Nono qu’il rencontre à Darlington. Pendant ses études à Oxford, où il étudie avec Edmund Rubbra et Egon Joseph Wellesz, il se focalise sur la technique sérielle, et compose une musique avant tout inspirée par Webern et Boulez (particulièrement Trois Mouvements pour violon et piano, et un Quatuor à cordes). C’est cependant plus tard, lors de ses études à Paris avec Messiaen, et, plus importantes encore, avec Barraqué, qu’Hopkins prit son élan comme compositeur. La rencontre avec Barraqué est essentielle : le compositeur français l’aide à mieux définir ses buts musicaux, et surtout, ses encouragements lui donnent l’énergie qui lui manquait, si bien que, avec l’éloignement, puis la mort de Barraqué en 1973, des difficultés de plus en plus grandes pour gagner sa vie, Hopkins, peu à peu perd cet enthousiasme des années parisiennes et cesse de composer. Entre 1971, deux ans avant la mort de Barraqué, et 1981, année de sa propre mort à 37 ans, Hopkins n’acheva que quelques pièces, dont la plupart avaient été entreprises pendant ses études. Comme l’a écrit son ami le compositeur Anthony Gilbert : «Malgré notre grande intimité, il reste pour moi l’un des grands mystères de la musique anglaise. Son talent de compositeur et, particulièrement, sa capacité à conceptualiser, étaient prodigieux. Mais d’année en année, il eut de plus en plus de mal à terminer ses projets. Malgré (ou peut-être à cause) de longues périodes pendant lesquelles il s’isolait à Tintagel et sur l’Ile de Man, et s’imposait une rigoureuse discipline d’écriture, le flux de son imagination diminuait inexorablement, et comme le concert approchait, finissait par s’évaporer tout à fait. Il semblait, selon les mots découragés qu’il me dit peu de temps avant sa mort, avoir «franchi tant de points de non retour que toutes ses tentatives étaient désespérément posthumes».

Néanmoins les rares oeuvres que Hopkins acheva sont remarquablement intéressantes. Durant les mois entre ses études à Oxford et sa rencontre avec Barraqué, Hopkins composa Sous-Structures (1964) pour piano seul, et une Musique de l’Indifférence (1964-1965) pour orchestre qui n’a toujours pas été créée. Deux pièces inventives mais encore relativement immatures. Puis en décembre de la même année 1964 il composa Two Pomes sur des poèmes de Joyce comme une étude préparatoire à Sensation, cycle de mélodies écrit en mars 1965 sur des poèmes de Rimbaud et de Beckett. Leibowitz qui entendit l’oeuvre à sa création le 9 novembre 1965 à Paris dit que c’était l’adaptation poétique la plus remarquable qu’il ait entendue de la plume d’un jeune compositeur ; ces Two Pomes quand à eux, restent inégalés par leur sensibilité et leur concision. Toutes ces oeuvres ont la rigueur et le flamboiement qui caractérisent la musique de Barraqué. L’écriture instrumentale et vocale de Hopkins s’inspire bien sûr encore de Séquence de Barraqué, mais ce n’est déjà plus une musique épigonale, et Sensation s’éloigne notablement de ce modèle en évitant les instruments à percussions, et par sa plus grande stabilité harmonique, ainsi que par le choix original d’un contraste entre l’exaltation adolescente des poèmes de Rimbaud (Sensation, Ma Bohème, Au Cabaret-Vert) et le ton de renonciation désenchantée des poèmes de Beckett. En ce sens cette oeuvre est un symbole de la vie même de Bill Hopkins, qui après une engagement ardent dit un adieu trop précoce à la musique.

Hopkins a fini ses études auprès de Barraqué en mai 1965, et retourne aussitôt en Angleterre, non sans avoir d’abord participé à un colloque où ses Sous-Structures sont créées, et pendant lequel le musicologue allemand Heinz-Klaus Metzger fait une communication sur sa musique. Ce sont les conversations avec Metzger à cette occasion qui sont à l’origine de la plus importante, et de la plus représentative, série d’oeuvres de Hopkins : les Etudes en série pour piano solo (1965-1972), suivies de Pendant pour violon solo (1968-1969 révisé en 1973) et des Nouvelle Etudes hors série pour orgue (1974). Hopkins et Metzger ont parlé essentiellement des écrits de Samuel Beckett, et d’ailleurs les Etudes devaient s’appeler initialement Etudes pour rien, en référence aux Textes pour rien de Beckett. L’optique principale de cet ensemble est l’idée d’instabilité formelle. Contrairement à ses premières oeuvres, celles-ci sont dégagées de toute influence. Pendant pour violon est un chapitre retiré de la suite pour piano, tandis que les Nouvelles Etudes pour orgue reprennent une partie du matériau abandonné des pièces pour piano mais le présente sous un nouvel angle, dans un style plus épuré, réévaluant ces idées anciennes : processus de réécriture qui marque déjà sa lutte contre la perte d’imagination.

Après cette série de pièces, le seul projet que Hopkins a conduit à son terme est En Attendant, l’unique commande qu’il a reçue, et qui a été créé le 21 octobre 1977 à Birmingham. Puis il ne se sent plus en mesure de composer comme il le souhaiterait, et c’est seulement lors des six derniers mois de sa vie, alors qu’il vient d’accepter un poste à l’Université de Newcastle, que la fin de ses problèmes d’argent et sa nouvelle stabilité lui permettent de se remettre au travail. Les idées sont de retour, il ébauche un grand «non-opéra» d’après Beckett, et un petit concerto pour violon : il n’en reste malheureusement que des esquisses, car il meurt soudainement en pleine rue d’une crise cardiaque foudroyante. Il ne reste donc de lui que des oeuvres de jeunesse, dont les meilleures, sans doute, ne nous laissent que deviner la musique qu’il souhaitait atteindre, en même temps qu’elles expriment son inaccessibilité.

Marc TexierD’après Nicolas Hodges et Anthony Gilbert

© Ircam-Centre Pompidou, 1998

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D’après Nicolas Hodges et Anthony Gilbert



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