Bernard Heidsieck naĂźt Ă  Paris le 30 novembre 1928 et meurt dans cette mĂȘme ville le 22 novembre 2014. DiplĂŽmĂ© de l’Institut d’Études Politiques de Paris (1952), il fait carriĂšre Ă  la Banque française du commerce extĂ©rieur (1953-1988). Il est, avec François DufrĂȘne, Brion Gysin et Henri Chopin, un des pionniers de la poĂ©sie sonore.

En 1955, la publication de son recueil SitĂŽt dit (Seghers) lui ouvre les yeux sur l’impasse institutionnelle et mĂ©diatique d’une poĂ©sie circulant en vase clos, imprimĂ©e sur des pages objets de stĂ©rile fĂ©tichisation. Il frĂ©quente le Domaine musical de Pierre Boulez, y dĂ©couvre avec enthousiasme Gesang der JĂŒnglinge de Stockhausen (15 dĂ©cembre 1956), qui finit de le convaincre du retard de la poĂ©sie. Sa premiĂšre sĂ©rie de poĂšmes, « PoĂšmes-partitions Â» (25 piĂšces, 1955-1965), assignent alors radicalement Ă  la page tapuscrite le rĂŽle fonctionnel de support de notation, le poĂšme n’étant rĂ©alisĂ© qu’une fois lu en public par son auteur. Plusieurs Ă©tapes techniques en inflĂ©chissent notablement la composition et la transmission. En 1959, l’acquisition d’un magnĂ©tophone monophonique permet d’enregistrer les « PoĂšmes-partitions Â» jusqu’alors lus en cercle restreint. En 1961, avec le PoĂšme-partition J, sur les peintures de Françoise Janicot, son Ă©pouse, il commence Ă  travailler directement la bande magnĂ©tique. Instrument d’enregistrement et de diffusion, le magnĂ©tophone devient alors outil de crĂ©ation d’une Ă©criture sonore, art des sons fixĂ©s sur support, comme la musique concrĂšte. En 1962, il dĂ©couvre les performances de Fluxus au Domaine poĂ©tique (Jean-Clarence Lambert). L’annĂ©e suivante, il y lit PoĂšme-partition B2 B3 ou Exorcisme en superposant voix enregistrĂ©e et voix directe, modalitĂ© rĂ©currente de ses futures lectures-performances, et forge le concept de « poĂ©sie action Â», soit une pensĂ©e de la communication physique et scĂ©nique du poĂšme dans un espace-temps donnĂ©.

Les « PoĂšmes-partitions Â» sont notamment influencĂ©s par la musique Ă©lectroacoustique et la peinture (Abstraction et Nouveau RĂ©alisme). Les deux sĂ©ries suivantes, « Biopsies Â» (13 piĂšces, 1965-1969) et « Passe-partout Â» (29 piĂšces, 1969-1980) opĂšrent par prĂ©lĂšvements sur le corps social, constituant, par leur banalitĂ© revendiquĂ©e, des poĂšmes trouvĂ©s et des documents critiques de la sociĂ©tĂ© de consommation. L’acquisition d’un Revox A 700 Ă©tend le champ de ses expĂ©rimentations, notamment stĂ©rĂ©ophoniques : Vaduz (1974), Canal Street (1976). Et le Passe-partout n° 25, Sisyphe (avril 1977) est enregistrĂ© au studio de Fylkingen (Stockholm) sur 4 pistes, l’usage de technologies nouvelles impliquant l’investissement d’autres lieux de crĂ©ation mais aussi de diffusion.

C’est le cas, avant les annĂ©es 1980, des festivals de musique Ă©lectroacoustique. Le Text-Sound Compositions Festival (1968-1977, Fylkingen, Stockholm), le Festival international de musique expĂ©rimentale de Bourges, oĂč Heidsieck est laurĂ©at du 3e concours de musique Ă©lectroacoustique pour Vaduz en 1975, ou encore les Concerts manifestes (novembre 1979, Porte de la Suisse, Paris) rĂ©unissent une communautĂ© internationale autour des Ă©critures musicales et poĂ©tiques Ă©lectroacoustiques. Heidsieck organise quant Ă  lui dĂšs janvier 1976 un Panorama de la poĂ©sie sonore internationale (Atelier/exposition Annick Le Moine, Paris) mĂȘlant auditions de bandes magnĂ©tiques et soirĂ©es de poĂ©sie-action. Son catalogue, PoĂ©sie action PoĂ©sie sonore, dresse le bilan des annĂ©es 1955-1975. Par la suite, des festivals nomades et pluridisciplinaires comme Polyphonix (crĂ©Ă© par Jean-Jacques Lebel en 1979), des manifestations ponctuelles comme les Rencontres internationales de poĂ©sie sonore, qu’Heidsieck organise avec MichĂšle MĂ©tail au Havre, Ă  Rennes et au Centre Pompidou (janvier-fĂ©vrier 1980) ou des rendez-vous rĂ©guliers comme La Revue parlĂ©e crĂ©Ă©e et animĂ©e par Blaise Gautier entre 1977 et 1992 au Centre Pompidou, se multiplient.

Ses deux derniĂšres sĂ©ries d’Ɠuvres Derviche/Le Robert (26 piĂšces, 1978-1985) et Respirations et brĂšves rencontres (60 piĂšces, 1988-1995) s’intĂ©ressent plus spĂ©cifiquement Ă  « ce que parler veut dire Â». La premiĂšre, intĂ©gralement enregistrĂ©e en studio sur 8 pistes sur une durĂ©e de trois ans, est un abĂ©cĂ©daire rĂ©alisĂ© Ă  partir des dix premiers mots de chacune des lettres de l’alphabet du Grand Robert dont le sens lui est inconnu. La seconde est constituĂ©e de dialogues avec des poĂštes illustres dont le souffle est la seule marque de prĂ©sence et de rĂ©ponse Ă  ses propos.

Heidsieck est Ă©galement l’auteur de sĂ©ries d’Ɠuvres visuelles rĂ©alisĂ©es dĂšs 1970, « Ă©critures/collages Â», composĂ©es d’élĂ©ments constituant son quotidien (photographies d’objets et de lettres d’imprimerie, bandes magnĂ©tiques, circuits intĂ©grĂ©s, Ă©critures
).

Il obtient le 17 décembre 1991 le Grand prix international de poésie et préside la commission poésie du Centre National du Livre en 1992. En 2017, le Centre Pompidou crée le Prix littéraire Bernard Heidsieck qui récompense des formes de création littéraires hors du livre.

© Ircam-Centre Pompidou, 2020

sources

  • PoĂ©sie action : variations sur Bernard Heidsieck, textes de Bernard BlistĂšne, Jean-Pierre Bobillot, Anne-Laure Chamboissieret al. ; film d’Anne-Laure Chamboissier et Philippe Franck en collaboration avec Gilles Coudert, Paris, aprĂšs Ă©ditions, 2014.
  • FrĂ©dĂ©ric ACQUAVIVA, Bernard Heidsieck : ici Radio Verona et autres Ă©critures/collages dans la collection F. Conz, VĂ©rone, Archivio F. Conz / Berlin, Verlag fĂŒr zeitgenössische Kunst und Theorie, 2010.
  • Bernard Heidsieck, les tapuscrits : poĂšmes-partitions, biopsies, passe-partout, exposition, Nice, Villa Arson, 18 fĂ©vrier-22 mai 2011, Dijon, Les presses du rĂ©el / Nice, Villa Arson, 2013.
  • Jean-Pierre BOBILLOT, Bernard Heidsieck : poĂ©sie action, Paris, Jean-Michel Place, 1996.
  • Bernard HEIDSIECK, Notes convergentes, Romainville, Al Dante, 2001.


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