Nunes a composé une trentaine d'œuvres pour des effectifs extrêmement divers, allant de l'ensemble de chambre au grand orchestre, et faisant parfois appel aux techniques électroacoustiques. On remarque cependant, depuis 1980, un retour à la composition pour instruments solistes (Einspielung I, II, III), traduisant une recherche approfondie sur la mélodie et les différents caractères que cette dernière peut recouvrir quand elle intéresse les instruments à cordes (violon, alto, violoncelle).
Les 38 Sequencias pour instruments solistes, écrite en 1981, s'inscrivent naturellement dans cette recherche et ne sont pas sans rappeler bien sûr les Sequenze de Luciano Berio (depuis 1962). Deux de ces 38 Sequencias (solo de violon et solo de clarinette) confluaient vers une troisième séquence, superposition des deux instruments dont se dégageait une problématique d'où allait naître Versus I.
En éliminant tout paramètre de poids (masse orchestrale) et de couleur (diversité des instruments de l'orchestre), Nunes a axé sa recherche sur le sens de la ligne et la construction purement « graphique » de l'espace sonore. L'association du violon et de la clarinette et l'assemblage de leurs deux lignes instaurent entre les deux instruments un lien de contrepoint (correspondant particulièrement bien au titre Versus). L'équilibre entre les deux instruments requiert une certaine interdépendance, une certaine « consonance » entre leurs propres évolutions. Pourtant, chacun des deux garde au maximum cette liberté permettant l'épanouissement d'une ligne la plus riche possible, d'une arabesque toujours au seuil de l'improvisation.
Le contrepoint (au sens large) repose donc sur les liens nécessaires assurant l'harmonie des deux instruments (déterminisme) et la réalisation d'arabesques, figures d'orfèvrerie dont la complexité fait référence à l'improvisation (harsard).
Enfin, le choix des deux instruments solistes est en lui-même un trait de style graphique. Le violon offre une ligne très fine, extrêmement mobile, remarquablement apte à dessiner des pointillés, boucles, piqués, broderies en tout genre. La technique même de l'instrument, purement manuelle, le destine avant tout aux virtuosités des « coloratura » (courbe mélodique de riche ornementation). Le son de la clarinette a en revanche plus d'épaisseur, plus de corps. Sa ligne trace des pleins et déliés, où les variations d'épaisseur sont en soi un matériau à utiliser. La technique reposant sur le souffle cette fois et le timbre de l'instrument, si proche de celui de la voix humaine, fait de la clarinette un admirable interprète du « canto spianato » (courbe mélodique d'ample respiration).
Damien Colas.