La spirale des âmes défuntes d'après le texte de J. Joyce, Ulysses.
Spira Manes est centrée sur le personnage de Stephen Dedalus qui, longeant le bord de mer pour revenir à la cité, erre sur la plage de Sandymount.
Alors commence un monologue intérieur dont les premières pensées claires et définies s'estompent au fil des lignes, créant des mots aux sens multiples, suggestifs de visions différentes, porteurs de directions possibles.
Ainsi s'écoule Spira Manes, qui se déroule autour de son centre, telle une spirale, créant à chaque point de ses révolutions des lignes de fuite, traits qui s'effacent et se déplacent.
A chaque rotation de la spirale, l'itinéraire de la pièce traverse des territoires. Ils sont trois et correspondent à des types de transformations sonores par l'électroacoustique (Les transformations électroacoustiques interviennent tout au long de la pièce et se font en temps réel (pendant le concert) avec la Station Informatique de l'Ircam) ; espaces de métamorphose où le son de la voix semble se muter en son de trombone (sons croisés par prédiction linéaire en temps réel), où les consonnes du texte résonnent dans des modèles de voyelles (filtres accordés sur les formants vocaliques), où voix et instruments subissent des altérations sonores de hauteur, spectre et durée (obtenues par harmonizer, frequency-shifting, contraction et étirement temporel.)
Le matériau compositionnel se développe dans cet espace sonore comme une matière à laquelle les transformations électroacoustiques donnent des visages multiples, mais il évolue selon les exigences de ses propres métamorphoses, tel un nomade refusant de s'approprier le territoire qu'il traverse.
La spirale se déroule et empile ses faux cercles concentriques. A la recherche d'une issue, elle résonne comme un labyrinthe où les temps passé, présent et futur se conjugent sur un mode non linéaire et se retrouvent superposés. Ainsi les matériaux instrumentaux de la fin de la pièce ont été pré-échantillonnés et placés ou déplacés au cours du cycle. Transformés et étrangers, ils sonnent l'équivoque des temps qui confondent prémonition et réminiscence.
Spira Manes prolonge Alma Luvia. Et pour faire entendre la polyphonie du monologue intérieur Joycien, cette fois, il fallait sept « voix-instruments ».
Florence Baschet.