La pièce Dead City Radio. Audiodrome a été influencée de manière déterminante par ma réflexion sur la nature de la communication à une époque dominée par les médias électroniques. Notre perception du monde est filtrée, voire créée par les canaux de transmission : une très grande partie de ce que nous voyons et de ce que nous écoutons n’est pas simplement reproduite, mais élaborée et recréée par un outil électronique qui redéfinit la nature du message et se superpose à son expérience concrète en la remplaçant. Dès lors, si « the medium is the message », les caractéristiques inhérentes au message sont moins importantes que celles du canal, tout comme la technologie qui permet la transmission, le traitement électronique et la distorsion de ce message deviennent l’objet véritable de la communication. La permanence du réel cède ainsi la place à un processus continu d’échantillonnage, de filtration, de transformation et de distorsion. Les canaux de transmission tendent à dématérialiser les divers et innombrables phénomènes qui composent la réalité et à les dissoudre dans un continuum électronique et hypnotique.
Dans Dead City Radio. Audiodrome, j’ai imaginé la présence d’un message (la musique elle-même) et d’un support qui le transmet. J’ai pensé à un parcours à deux niveaux différents et complémentaires qui finissent par coïncider : d’un côté un matériau de départ très simple, articulé et reconnaissable, qui subit diverses transformations successives au point de se dissoudre dans un halo sonore indistinct ; de l’autre, la présence de plus en plus continue de bruits, d’interférences, d’interruptions, de distorsions, de modulations de fréquence, de filtrations, etc., qui révèle que cette musique est transmise en low-fi à partir d’un canal inconnu que j’ai baptisé Audiodrome. Le tout est évidemment simulé par l’orchestre, théâtre de l’artifice et de la fiction, dernière machine baroque du merveilleux.
Fausto Romitelli, note de programme du concert ManiFeste du 18 juin 2021 à la Maison de la radio et de la musique.