mise à jour le 11 septembre 2023
© Simone Canetty-Clarke

Sir John Tavener

Compositeur et organiste britannique né le 28 janvier 1944 à Londres, mort le 12 novembre 2013 à Child Okeford, Royaume-Uni.

John Tavener commence en 1957 à composer à la Highgate School de Londres, où il joue également du piano et chante dans le chœur de l’école. En 1961, il devient chef de chœur et organiste à l’église presbytérienne St John à Kensington avant, l’année suivante, d’intégrer la Royal Academy of Music. Il y étudie avec le compositeur australien David Lumsdaine, qui lui fait découvrir la musique d’avant-garde européenne, dont John Tavener ne gardera que quelques enseignements, la rejetant comme pompeuse — ce qui n’empêchera pas, par exemple, qu’une œuvre comme The Lamb (1982) puisse emprunter une technique compositionnelle apparentée au sérialisme. Cela le rapproche notamment de la trajectoire d’un Arvo Pärt, les deux compositeurs pouvant être associés au courant de la post-modernité.

Le compositeur connaît le succès public dès ses vingt-trois ans avec sa pièce The Whale (1967) : créée lors du concert inaugural du London Sinfonietta au Queen Elizabeth Hall en janvier 1968, elle mêle récitations descriptives de la baleine de l’Encyclopédie Collins, improvisation et collage de bandes dessinées. L’œuvre, transmise à Ringo Starr, est par la suite publiée par Apple Records, le label des Beatles.

La musique de John Tavener est, quasiment dans son ensemble, religieuse — et vocale —, même si la spiritualité du compositeur évoluera à plusieurs reprises au cours de sa vie. Au début des années 1970, son travail est influencé par sa passion pour la poésie de Saint Jean de la Croix et le thème de l’amour transcendant qu’elle véhicule, que l’on retrouve dans les pièces Últimos Ritos (1969-72), Nomine Jesu et Coplas (1970). Le compositeur est alors porté, surtout par son éducation, à s’intéresser au catholicisme romain.

À la demande de Benjamin Britten, Covent Garden lui commande un opéra ; John Tavener choisit d’écrire sur Thérèse de Lisieux. Thérèse (1973), œuvre concomitante de l’effondrement du mariage du compositeur, est un échec critique et est à l’origine d’une grave crise spirituelle et musicale. La conversion du compositeur à l’Église orthodoxe russe en 1977 met fin à la crise spirituelle : il s’immerge dans la tradition musicale ecclésiastique orthodoxe et s’en inspire pour ses nouvelles œuvres, notamment Kyklike Kinesis et Liturgy of St. John Chrysostom (1977). En 1979, à trente-cinq ans, un accident vasculaire cérébral marque le début des problèmes de santé et des douleurs chroniques du compositeur qui le suivront toute sa vie (en 1990, il est diagnostiqué du rare syndrome de Marfan) et informeront largement son œuvre, notamment par la forte présence des thèmes de la consolation et de la beauté dans la mort.

Sa recherche spirituelle se poursuit au cours de cette décennie : inspiré par le livre The Life of St Mary of Egypt (1974) de Mother Thekla, le compositeur contacte la religieuse avec qui se noue une relation fructueuse d’une vingtaine d’années au cours de laquelle celle-ci est la librettiste, théologienne et conseillère spirituelle de John Tavener, particulièrement après le décès de sa mère. Elle l’aide alors à se remettre à écrire (il compose The Protecting Veil, 1988) et rédige les livrets de plusieurs de ses pièces parmi lesquelles le deuxième opéra du compositeur, Mary of Egypt (1992) et Song for Athene, sa pièce la plus connue, qui mêle textes de la liturgie funéraire orthodoxe et passages d’Hamlet, et qui fut jouée aux funérailles de Diana, princesse de Galles en 1997.

En 2000, le South Bank Center de Londres lui consacre un festival de trois semaines intitulé « Ikons of Light ». À cette époque, John Tavener s’intéresse à d’autres religions, ainsi qu’au pérennialisme, une perspective philosophique et spirituelle qui considère que toutes les traditions religieuses partagent une vérité ou une origine métaphysique unique. Sur ce point, le compositeur se réfère souvent à Karlheinz Stockhausen. Il écrit Lament for Jerusalem (2002), un chant d’amour mystique tiré des traditions des trois religions du Livre, Shunya (2003) d’inspiration bouddhique, The Beautiful Names (2004) sur des versets coraniques et étudie les poètes soufistes. Cet universalisme religieux va à rebours de l’atmosphère des premières années du XXIe siècle et favorise une réception polémique de ses œuvres.

Malgré de nouveaux problèmes cardiaques importants en 2007, John Tavener continue à composer (Towards Silence, 2007), habité par la perspective de sa propre mort. Il s’éteint le 12 novembre 2013.

Prix et distinctions

  • Ivor Novello Classical Music Award, 2005 ;
  • Grammy Award for Best Classical Contemporary Composition, 2003 ;
  • Chevalier de la New Year Honours list pour services rendus à la musique, 2000 ;
  • Prix international Rainier de Monaco pour Cain and Abel (1965).

© Ircam-Centre Pompidou, 2023

Sources

Wise Music Classical, L’éducation musicale, blog d’Oxford University Press

Liens Internet

(liens vérifiés en juillet 2023).

Bibliographie

  • Boris ALVARADO, Ricardo ESPINOZA LOLAS, Patricio LANDAETA MARDONES, « Música y sensación sonora: John Tavener », Hispania Sacra, juil-déc. 2014, Vol. 66 Issue 134, p. 767-784.
  • Jean BIÈS, John Tavener l’enchanteur : une introduction à la musique du silence, Paris, les Deux océans, 2008.
  • June BOYCE-TILLMAN, Anne-Marie FORBES (éd.), Heart’s Ease. Spirituality in the Music of John Tavener, Bristol, Peter Lang, 2020.
  • Piers DUDGEON, Lifting the Veil: The Biography of Sir John Tavener, Londres, Portrait, 2003.
  • Emma GREENSTEIN, « Sir John Tavener, saintly and controversial composer », publié sur Oxford University Press’s blog, 17 décembre 2013, à lire en ligne (lien vérifié en février 2023).
  • Geoffrey HAYDON, John Tavener: glimpses of paradise, Londres, Victor Gollancz, 1995.
  • Gregory M. PYSH « Icon in sound: an interview with Sir John Tavener », The Choral Journal, Vol. 54, No. 10 (mai 2014), p. 18-23.
  • Jennifer SNODGRASS, « The Theosis of John Tavener: Dualities and Icons in The Tyger and The Lamb », Sacred Music, Winter 2008, Vol. 135 Issue 4, p. 40-48.

Discographie sélective

  • John TAVENER, God is with us ; Hymn to the Mother of God ; Love bade me welcome ; They are all gone into the world ; Annunciation ; As one who has slept ; Song for Athene ; The Lamb ; The Lord’s prayer ; Angels ; Five anthems from The Veil of the Temple, dans « Angels and Other Choral Works », 1 CD Hyperion, 2019, CDA68255.
  • John TAVENER, Paradise choir ; Sunrise in your heart - A Christmas carol ; A New Commandment ; A Buddhist miniature ; Ikon of the nativity ; O Isplendor ; The Founder’s Prayer ; The Lamb ; Take him, Earth, for cherishing (Adieu Roger…) ; Two Hadiths of the Prophet Mohammed ; Nunc dimitis ; A cradle song ; They are all gone into the world of light ; O, do not move ; O that we were there! ; Paradise choir, dans « Tavener Conducts Tavener », 1 CD Linn Records, 2015, CKD 539.
  • John TAVENER, « The Veil Of The Temple », 2 CD Signum Classics, 2014, SIGCD367.
  • John TAVENER, Song for Athene ; The Lamb ; Ieipo Oneipo ; As one who has slept ; Birthday sleep ; Three Holy Sonnets ; Schuon Hymnen ; The Lord’s prayer, dans « Iepo Oneipo / Heilagur Draumur », 1 CD Smekkleysa, 2010, SMC16.
  • John TAVENER, Zodiacs ; Ypakoë ; Palin ; Mandoodles ; Pratirūpa ; In memory of two cats, Ralph van Raat : piano, dans « Piano Music », 1 CD Naxos, 2008, 8.570442.
  • John TAVENER, « Lament For Jerusalem », 1 CD Naxos, 2006, 8.557826.
  • John TAVENER, In Alium ; To a child dancing in the wind ; The Lamb ; The Tyger ; Ikon of Light ; Mandelion ; Chant ; Ikon of Saint Cuthbert of Lindisfarne ; The protecting veil ; Mary of Egypt ; Akhmatova songs ; Dióda ; Song for Athene ; Zodiacs ; Prayer of the heart ; Ikon of Eros ; Mother and child ; John Tavener Reflects… A Recorded Interview, dans « A Portrait (His Works・His Life・His Words) », 2 CD Naxos, 2004, 8.558152-53.
  • John TAVENER, Eternity’s Sunrise ; Song of the Angel ; Petra: a ritual dream ; Sappho: Lyrical fragments ; Funeral canticle, dans « Eternity’s Sunrise », 1 CD Harmonia Mundi, 1999, HMU 907231.
  • John TAVENER, « Fall and Resurrection », 1 CD Chandos, 2000, CHAN 9800.
  • John TAVENER, …Depart in Peace ; My gaze is ever upon you ; Tears of the Angels, dans « Tears Of The Angels », 1 CD Linn Records, 1998, CKD 085.
  • John TAVENER, Akhmatova Requiem ; Six Russian folk-songs, dans « Akhmatova Requiem », 1 CD BBC Radio Classics, 1997, 15656 91972.
  • John TAVENER, « To A Child Dancing In The Wind », 1CD Collins Classics, 1994, 14282.
  • John TAVENER, Thunder entered her ; The Lamb ; The Tiger ; Two Hymns to the Mother of God ; Responsorium in Memoriam Annon Lee Silver ; Song for Athene ; Eonia ; God is with us, dans « Ikons », 1 CD The United Recording Company Ltd., 1994, 88023.
  • John TAVENER, « Akathist Of Thanksgiving », 1 CD Sony Classical, 1994, SK 64 446.
  • John TAVENER, « Mary Of Egypt », 2 CD Collins Classics, 1993, 70232.
  • John TAVENER, « We Shall See Him As He Is », 1 CD Chandos, 1992, CHAN 9128.
  • John TAVENER, The Protecting Veil ; Third suite for cello ; Thrinos, Steven Isserlis : violoncelle, London Symphony Orchestra ; Gennadi Rozhdestvensky : direction, dans « The Protecting Veil », 1 CD Virgin Classics, 1992, 0777 7590522 9.
  • John TAVENER, The Uncreated Eros ; Magnificat ; Nunc Dimittis ; The Lamb ; Hymn to the Mother of God ; Hymn for the Dormition of the Mother of God ; Today the Virgin ; God is with us ; Ode of St Andrew of Crete ; Love bade me welcome ; The Tiger ; Eonia, dans « Sacred Music By John Tavener », 1 CD Hyperion, 1991, CDA66464.
  • John TAVENER, « Orthodox Vigil Service », 2 vinyles Ikon Records, 1985, IKO 16/17.
  • John TAVENER, « Ikon Of Light / Funeral Ikos / Carol: The Lamb », 1 vinyle Gimell, 1984, 1585-05.
  • John TAVENER, « The Liturgy Of St John Chrysostom Opus 32 », 1 vinyle Ikon Records, 1978, IKOS 8E.
  • John TAVENER, « Requiem For Father Malachy / Canciones Espanolas », 1 vinyle RCA Red Seal, 1976, LRL1 5104.
  • John TAVENER, « Celtic Requiem », 1 vinyle Apple Records, 1971, SAPCOR 20.
  • John TAVENER, « The Whale », 1 vinyle Apple Records, 1970, SMAS 3369.