Jean-François Laporte est compositeur, artiste sonore et inventeur d’instruments. Enfant, attiré par la musique, il découvre une discipline qui lui apparaît « beaucoup trop intellectuelle et pas assez intuitive1 ». Il travaille avec son père sur des chantiers de construction où il développe son goût pour le contact avec la matière, notamment par le travail du bois. Il entreprend des études en génie civil, intègre un laboratoire de recherches sur le recyclage de l’asphalte avant de se rediriger vers la musique. En 1993, à 25 ans, il suit les cours de collège d’enseignement général et professionnel (cégep) en guitare classique. Inscrit ensuite en maîtrise à l’Université de Montréal, il suit, en 2002-2003, le Cursus de composition et informatique musicale de l’Ircam aux côtés de Philippe Leroux.
C’est pendant cette deuxième partie de ses études supérieures qu’il s’attache à développer une dizaine d’instruments inventés : parmi eux, le Tu-Yo, la canette sifflante, le bol magique ou l’orgue de sirènes. Tous fondés sur le principe d’air injecté dans l’instrument, le compositeur les autonomise plus tard en les dotant d’un contrôle informatisé. En s’affranchissant du souffle humain, il leur confère un plus grand potentiel sonore, créant des musiques paisibles et fluides. Ces recherches investissent près de la moitié de son travail musical, dans des pièces comme Le Sang de la terre (sa pièce Cursus), Vortex, Rust ou Vent d’orgue. Son instrumentarium comprend également des instruments traditionnels (Hommage, pour trompette, Confidence, pour violon, Intimité, pour flûte) ou des objets déjà existants et détournés de leur fonction (silo à grain pour L’Éveil d’un titan, cale de bateau). En 1995, il fonde l’ensemble Totem Contemporain qui assure la création de ses pièces avec instruments inventés, puis plus tard les Productions Totem contemporain (PTC), pour la recherche sonore, dont il est également directeur général et artistique.
Cette conception des instruments témoigne du rapport fondamentalement physique et intuitif du compositeur à la matière, hérité de ses premières expériences professionnelles : « C’est un travail de disponibilité et d’écoute. Je veux découvrir et comprendre comment le son vibre, comment il se déplace avec tel ou tel mouvement sur tel ou tel instrument. Mais je découvre des choses qui existent déjà ! Simplement, je suis porté à utiliser des choses qui ont peut-être été mises de côté par d’autres, parce que c’est ce que moi je trouve stimulant2. »
Ces recherches le mènent à travailler régulièrement avec le monde de la danse contemporaine, comme en témoignent les nombreuses collaborations avec des chorégraphes, parmi lesquels Heidi S. Durning (Intuitive Sound Danse, Spiral Wind et Kimono séries) et Susan Buirge (L’oeil de la forêt). Depuis 2002, il s’investit également dans des projets d’installations, dont Khôra, présentée au Canada, aux États-Unis, en France et en Italie. Les sonorités originales de ses travaux ont aussi été sollicitées pour intégrer la musique du film Le Collectionneur du réalisateur canadien Jean Beaudin (2002).
Jean-François Laporte continue à développer sa réflexion sur les instruments en adaptant le Tu-Yo en jouet musical, afin d’en faire un instrument simple à jouer et riche en sonorités, qui ne ferait appel à aucune connaissance musicale mais à la curiosité créatrice.
Prix et récompenses
- Prix Opus du « Facteur d’instruments de l’année » du Conseil québécois de la musique, 2009 ;
- Premier prix au concours international Citta’ di Udine, 2004 ;
- Premier prix catégorie musique mixte au concours international Luigi Russolo pour Prana, 2003 ;
- Prix « Découverte de l’année », « Compositeur de l’année » et « Création de l’année » pour Tribal du Conseil québécois de la musique, 2002.
1. « Jean-François Laporte, de nouveauté en nouveauté », La Scena Musicale, 1er novembre 2000.↩
2. « Jean-François Laporte, menuisier du son », Voir, 11 mai 2005.↩