« Je demande si un léger bruit très rapproché peut sembler aussi fort qu'un grand bruit lointain. »
Léonard de Vinci, Carnets
« Songez, par exemple, aux problèmes généraux de la composition (c'est-à-dire des relations de divers ordres entre le tout et les parties) ; à ceux qui résultent de la pluralité des fonctions de chaque élément de l'œuvre ; à ceux de l'ornement qui touchent à la fois à la géométrie, à la physique, à la morphologie et ne se fixent nulle part ; mais qui laissent entrevoir je ne sais quelle parenté entre les formes d'équilibre des corps, les figures harmoniques, les décors des êtres vivants, et les productions à demi conscientes ou toutes conscientes de l'activité humaine quand elle se dépense à recouvrir systématiquement un espace ou un temps libre, comme obéissant à une sorte d'horreur du vide… »
Paul Valéry, Introduction à la méthode de Léonard de Vinci
Cette question de Léonard de Vinci qui pose le problème du rapport entre la distance et l'énergie d'un corps sonore est à l'origine de ma réflexion quant à la mise en espace du son instrumental. Par le biais d'une amplification particulière de certains instruments, de leur diffusion en quadriphonie, et d'un travail sur des prises de sons « macrophoniques », j'ai tenté de différencier plusieurs espaces acoustiques, proches ou lointains, qui, dans leurs mouvements, agissent comme l'objectif grossissant du photographe. Le texte de Paul Valéry se situe, quant à lui, aux fondements de l'œuvre : cette définition de l'acte créateur (toujours en référence à Vinci) m'a semblé très proche de mon travail, surtout dans cette ambiguïté entre conscient et inconscient, entre ce qui est réfléchi et ce qui émane de l'intuition. Il s'agira donc de ces ornements, de ces figures, de flux et de reflux entre la scène et les haut-parleurs, de gestes, d'énergies, du jeu principal entre la ligne et l'incidence, de l'enchevêtrement des formes et des espaces qui tissent des liens de mémoire et procèdent à la construction du silence.
Pierre Jodlowski.