George Benjamin (1960)

Dance Figures (2004)

pour orchestre

  • Informations générales
    • Date de composition : 2004
    • Durée : 15 mn
    • Éditeur : Faber Music
    • Commande : Chicago Symphony Orchestra, Théâtre Royal de la Monnaie/Koninklijke Muntschouwburg et Musica, Strasbourg.
Effectif détaillé
  • 3 flûtes (aussi 2 flûtes piccolos), 2 hautbois, 1 clarinette en mib, 2 clarinettes (aussi 1 clarinette en mib, 1 clarinette en la, 1 clarinette basse), 2 bassons, 1 contrebasson, 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones, 1 tuba, 4 percussionnistes, 1 timbales, 1 harpe, 1 célesta, 12 violons [min.] , 12 violons II [min.] , 10 altos [min.] , 8 violoncelles [min.] , 6 contrebasses [min. 3 avec extension au do]

Information sur la création

  • Date : 19 mai 2005
    Lieu :

    Chicago, IL, USA


    Interprètes :

    Chicago Symphony Orchestra, direction : Daniel Barenboim

Note de programme

Dance Figures, composé en 2004 à la demande du Théâtre de La Monnaie pour une chorégraphie d'Anna Teresa de Keersmaeker (et parallèlement par le Chicago Symphony Orchestra et le festival Musica de Strasbourg) se présente comme une suite d’études pour orchestre, chacune centrées sur une problématique ou une idée. Etudes de caractère et de mouvement qui est comme une réflexion sur l'écriture du ballet, mettant en résonance les figures historiques de Debussy, Ravel et Stravinsky.

Benjamin abandonne ici la construction à grande échelle qui valait encore pour Palimpsests au profit d'une division en neuf parties brèves fortement caractérisées. L'écriture est simplifiée, sans que Benjamin renonce le moins du monde à son génie des sonorités : il laisse émerger des lignes mélodiques pures, en intervalles conjoints, parfois ornementées, ou doublées à la quinte de façon à créer une sonorité archaïque, faussement populaire, voire orientalisante (comme dans la deuxième pièce). Ces lignes se détachent souvent de manière très classique du fond orchestral, comme le violoncelle dans la cinquième pièce, ou agglomèrent, comme dans la troisième pièce, des groupes de timbres. C'est une constante de l'invention benjaminienne que ces solos qui glorifient la dimension mélodique. L'écriture orchestrale oscille entre des sonorités de musique de chambre, comme au tout début avec les cordes divisées, ou comme dans les troisième et huitième pièces, et les effets massifs, ceux-ci atteignant un point culminant dans le martellato de la sixième pièce, où l'on retrouve cette forme de cruauté qui traverse toute l'œuvre de Benjamin et qui produit, par son dépassement, la clarté antiromantique de l'écriture.

La pièce la plus dramatique est sans doute la quatrième, avec ses oppositions de sonorités et de dynamiques, ses gestes à la fois doux et brutaux, son imprévisibilité. L'ensemble de l'œuvre, qui semble de facture presque traditionnelle à une première écoute, laisse en réalité une impression étrange, l'écart entre des moments si individualisés n'étant pas médiatisé comme dans les pièces précédentes par un principe de développement organique (même si l'on perçoit, en arrière-plan, des éléments d'interconnection entre les différentes parties). Dans la pâte sonore de Dance Figures, magnifique leçon d'efficacité orchestrale, on retrouve un élément central du style benjaminien : cette jouissance pure du son, le plaisir physique des harmonies et des rythmes, cette dimension presque tactile que l'on pouvait ressentir déjà dans l'exubérante Sonate pour piano, et que l'on retrouve dans chacune des œuvres au travers de dispositifs différents.

En même temps, Dance Figures, œuvre « de circonstance », incline l'invention vers les projets dramaturgiques : la logique narrative propre aux œuvres de musique pure est ici brisée au profit d'une écriture plus fragmentée, capable de s'adapter aux situations changeantes de la scène. On peut considérer de la même façon que Sometime Voices (1996), composé pour baryton, chœur et orchestre à l'occasion de l'inauguration du Bridgewater Hall à Manchester, était une étude dramatique : l'œuvre utilise un bref passage de la Tempête de Shakespeare (« Sometimes a thousand twangling instruments Will hum about mine ears; and sometime voices [...] when I wak'd, I cried to dream again ») ; cette œuvre brève et impressionnante se présente comme un portrait de la figure sauvage de Caliban, comme le rêve de son rêve, et comme lui, reste ouverte à la fin.

Philippe Albéra