La Passacaille pour Tokyo est a été écrite en 1994 pour piano solo et 18 instruments. À la demande de son créateur, le pianiste Ichiro Nodaïra, j'en ai extrait, en 1999, une œuvre pour piano solo. Il s'agit en fait de la dernière séquence de cette Passacaille dans laquelle l'orchestre fait fonction de « résonateur » autour de la partie soliste. Cette partie, extrêmement virtuose, fait donc un tout en elle-même.
La vieille forme de la passacaille a ici retenu mon intérêt en ce qu'elle combine une strucure de base qui ne varie jamais avec un discours qui est en continuelle évolution. Une note, tantôt centrale, tantôt axiale représente le noyau de toute cette composition. Autour d'elle se forment différentes constructions évoluant suivant des parcours divers. Le « motif » de la passacaille proprement dit est toujours situé en symétrie par rapport à elle, telle la fameuse seconde pièce des variations pour piano d'Anton Webern. Chaque nouvel élément se trouve ainsi à égale distance de cette note centrale. Mais ici chacune des autres notes représente un nouveau centre pour une autre construction et ainsi de suite. Il y a ainsi une mise en abîme qui répercute en de multiples images un dessin initial. Seulement l'espace dans lesquels les éléments se placent est sans cesse mouvant. C'est à dire que l'axe autour duquel évoluent tous les sons ne se situera pas forcement au milieu. J'apprécie les miroirs, surtout lorsqu'ils sont déformants. Le rétultat est un empilement de structures, les unes sur les autres, conférant à la texture musicale une densité en constante prolifération.
Philippe Manoury.