Lituus, pièce dédiée à mon très cher ami Horacio Vaggione, fait référence au nom que les romains donnaient à la trompette.
La réalisation de cette pièce a commencé par l'enregistrement de petits échantillons sonores comprenant divers types de courtes figures (3 ou 4 notes),de longues notes tenues, l'utilisation de différentes sourdines, et divers modes de jeu (souffles, slaps, glissandos, voix de l'instrumentiste et note réelle, etc.) Cette première étape m'a permis de disposer de la matière sonore indispensable pour commencer à traiter les échantillons précédemment enregistrés numériquement.
L'étape suivante a consisté à réaliser une série de séquences audio où l'écriture joue un rôle fondamental, grâce à la possibilité que nous offre le stockage de ces séquences (partition) sous la forme de données midi. Avec les échantillons (matière sonore), et les fichiers midi (partitions), j'ai pu travailler ces séquences autant de fois que j'ai voulu jusqu'à atteindre le résultat désiré, en ayant toujours la possibilité de reconstruire et retravailler un fragment donné. Le dispositif consiste donc en un séquenceur qui permet d'écrire une partition note par note, avec une précision rythmique microscopique, et d'enregistrer une partition provenant du jeu sur un instrument midi (dans ce cas un clavier) ; ceci permettant de garder toute l'information, complexe et riche, provenant d'un interprète.
Grâce à la communication entre l'échantillonneur, l'ordinateur et l'instrument midi, il est possible de jouer l'échantillon stocké dans l'échantillonneur et par conséquent de créer une structure polyphonique à partir de ce son, mais aussi de superposer différents échantillons simultanément, et de construire ainsi une séquence polyphonique comme avec un son « simple ». Cette opération que l'on peut considérer comme fractale, peut se répéter jusqu'à l'infini. On peut ainsi créer, à partir par exemple de sons instrumentaux, des structures sonores d'une complexité et d'une richesse infinies.
L'utilisation polyphonique du temps sous toutes ses formes m'intéresse : macro-temps (forme, structure, geste, durée), micro-temps (fréquences, timbre, spectre, partiels, etc.).On pourra donc entendre dans la pièce l'évolution d'univers placés notamment dans le domaine du macro-temps (longues durées avec lesquelles on construit des sections « synthèse instrumentale ») vers des univers proches de l'articulation instrumentale (figures, phrases, gestes etc.) et vers des univers placés dans le domaine des événements micro-temporels. C'est le cas de la dernière partie de la pièce où les structures sonores sont le résultat d'un travail microscopique des spectres morphologiques propres à chacun des instruments utilisés. Je me suis donc servi des particularités habituelles ou périphériques de ces quatre instruments pour construire un spectre global articulé et rempli par des particules minuscules, également articulées à un niveau microscopique.
Hormis le contenu poétique – dont je ne parle pas, car je préfère que chacun filtre la pièce en fonction de sa poésie et non de la mienne – et l'utilisation polyphonique des événements temporels (grands, moyens, petits, et microscopiques), je considère que l'intérêt de cette pièce réside dans la possibilité d'interprétation des séquences précomposées, grâce au stockage de chacune de ces séquences sous forme de fichiers de sons qui peuvent être déclenchés à n'importe quel moment – comme des instrumentistes sur scène – par un instrument midi, ou par un suiveur de partitions. On évite ainsi l'immobilisme de la bande, et le dialogue créé avec les instrumentistes ne peut qu'enrichir la pièce.
José Manuel López López.