La Sonate pour flûte, hautbois, violoncelle et clavecin est une commande du Harpsichord Quartet, quatuor avec clavecin de New York, et elle utilise les instruments dont cet ensemble se composait.
Mon idée était de faire ressortir autant que possible le vaste et merveilleux déploiement de couleurs sonores disponibles sur les clavecins modernes (le grand Pleyel, pour lequel l'œuvre fut initialement composée, produit 36 couleurs différentes, dont beaucoup peuvent être jouées en paires, une pour chaque main). Les trois autres instruments sont traités en majeure partie comme un cadre pour le clavecin. Cette volonté d'utiliser toute la palette du clavecin imposait des couleurs sonores douces ; cela a donc conditionné de façon drastique le type et l'étendue de l'expression musicale, tous les détails de forme, de phrasé, de rythme, de texture, aussi bien que la grande forme.
À cette époque, il semblait très important d'avoir un clavecin renouvelé, exprimant des caractères inconnus de son vaste répertoire baroque. La musique commence Risoluto, avec un geste dramatique jaillissant dont les ondes qui retombent forment le reste du mouvement. Le Lento est un dialogue expressif entre le clavecin et les autres instruments, avec un courant sous-jacent de musique rapide qui éclate brièvement vers la fin. L'Allegro, avec sa danse de gondolier qui apparaît progressivement parmi d'autres mouvements de danse, est monté comme dans un film : parfois, une danse est en surimpression sur une autre.
Elliott Carter, notice du Festival Archipel, Genève, 28 mars 1992.