Chez Steve Reich et Aaron Einbond, on entend souvent autre chose que ce qui est écrit. Mais dans Prestidigitation II, c’est l’intelligence artificielle et le travail sur la synthèse sonore spatiale qui floutent les frontières entre le réel et le virtuel. L’ordinateur serait-il devenu le chaman des temps modernes délivrant ses oracles ? Considérant l’IA comme « la magie du présent », Einbond a justement titré Prestidigitation une pièce pour percussion et électronique 3D, élaborée en 2022 en collaboration avec le percussionniste Maxime Echardour, et dont il fait la base de la partition créée aujourd’hui.
Le soliste se tient devant une installation à la dimension sculpturale. Tel un marionnettiste, il donne vie à des coquillages, coquilles de noix, cloches et carillons. Autant d’objets trouvés ou « faits maison » auxquels s’ajoute un tambour sur cadre qui, au tout début, donne l’impulsion dont découlera la suite de la pièce. Le percussionniste suscite la réaction de l’ensemble instrumental amplifié qui l’entoure, les sons étant captés et projetés en 3D vers les auditeurs afin de les plonger au cœur d’un micro-théâtre. Le haut-parleur aux allures de totem, placé au-dessus du public, amplifie les gestes des interprètes, puis les élargit peu à peu grâce à des algorithmes d’improvisation. Les instrumentistes répondent à l’envi avec leurs propres improvisations, mais laissent le dialogue ouvert. À la toute fin, ils s’emparent des percussions, comme si le magicien soliste les avait ensorcelés.
Hélène Cao, note de programme du concert du festival Présences de Radio France du 5 février 2024 à l'Espace de projection de l'Ircam.